INTERVIEW – L'essayiste, spécialiste des questions d'éducation, et venu de l'extrême-gauche, officialise samedi son ralliement à Debout la France. Il en profite pour distribuer ses coups, à gauche comme à droite.
Le ralliement de Jean-Paul Brighelli au mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, Debout La France, est une première, s'agissant d'une personnalité venue de l'extrême-gauche. Les deux hommes rencontrent la presse à l'Assemblée nationale, samedi. L'enseignant, réputé pour son franc-parler sur l'éducation, nous explique sa trajectoire en distribuant quelques blâmes.
LE FIGARO. – Vous avez 61 ans. S'agit-il de votre premier engagement politique au sein d'un parti?
Jean-Paul BRIGHELLI. – Oui, car la Gauche prolétarienne et Révolution n'étaient pas des partis. J'arrive de l'extrême-gauche plus ou moins maoïste. Par amitié pour François Bayrou, il m'est arrivé d'assurer quelques conférences au MoDem, mais je ne me sens pas à l'aise avec la vision pan-européenne de ce parti.
Pourquoi avez vous choisi Nicolas Dupont-Aignan?
Il est, probablement, l'un des très rares hommes politiques qui, sur la France, l'Europe et l'éducation, dit des choses exactes, sans emphase et sans arrière-pensées. Il ne donne pas l'impression de ménager les copains de Bruxelles et les amis de Paris. Debout la France est un parti qui a aussi beaucoup de sympathisants de poids.
Vous définissez-vous comme un souverainiste?
Je suis jacobin centralisateur. Je n'ai aucun intérêt à ce que des hiérarques et des oligarques européens continuent à se partager les marrons de la décroissance.
Avez-vous été souvent sollicité par d'autres formations politiques?
Pas tant que cela. J'ai travaillé avec Xavier Darcos entre 2007 et 2008, puis avec Valérie Pécresse vers 2009-2010. La connaissant depuis très longtemps, j'avais participé à une conférence à Versailles en 2005 et de nombreux militants avaient souhaité que je rejoigne son mouvement mais elle s'y était opposée. Elle me trouvait beaucoup trop «électron libre» pour obéir aux consignes d'un parti.
Se trompait-elle?
Non car si j'étais à l'UMP aujourd'hui, je me sentirais obligé de rosser Benoist Apparu. À un certain niveau de bêtise, nous n'avons plus le choix. Comme le disait Sartre à propos des racistes, parfois, les imbéciles ne peuvent être convaincus que de cette manière.
Que lui reprochez-vous?
Ses dernières déclarations sur la laïcité sont une stupidité opportuniste et infâme. Lui aussi est pour la laïcité aménagée. C'est comme cela que l'on a ouvert la porte aux jusqu'au-boutistes de l'islam.
Que pensez-vous de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale?
Chacun se trouve sa «beurette» de service. À droite, on avait eu Rachida Dati. Vincent Peillon, qui était peut-être un mauvais ministre, connaissait la maison. Benoît Hamon, c'était une plaisanterie. Quant à Najat Vallaud-Belkacem, on est dans l'improbabilité totale. Elle ne connaît absolument rien à ce monde extrêmement fermé. Il était pitoyable de la voir rire sur un plateau de télévision expliquant que l'on ne choisit pas le métier d'enseignant pour gagner de l'argent. Beaucoup d'enseignants ont réagi sur les réseaux.
Quelle sera votre mission au sein de DLF?
Au-delà des interventions sur le thème de l'éducation, je pense qu'il faudra élaborer un programme sur le sujet. Je connais bien la maison. Je ne sais pas si DLF sera au gouvernement en 2017 mais il faut s'attendre à de très gros problèmes car l'Europe est dans une spirale descendante. Et nos propositions pèseront dans le débat.
Vendredi, le premier ministre Manuel Valls s'est adressé à des jeunes en leur disant qu'ils allaient devoir apprendre à vivre avec le terrorisme?
Valls fortifie son image pour 2022. Il est arrivé à présenter une image plus présidentielle que François Hollande, ces derniers temps. Quant à ses mots, Umberto Ecco les a prononcés avant lui en Italie, en disant que les jeunes allaient devoir s'habituer à l'état de guerre. Moi, ce que je dis à mes élèves, qui comptent d'ailleurs une bonne part de musulmans, est que nous sommes dans un état de guerre.
Contre qui?
Contre ceux qui se sont construit un corps de doctrine à partir de l'islam. Celui-ci leur sert de vulgate au service d'un projet politique. Le Coran n'est pas le problème. Le problème est politique.
L'école a-t-elle une part de responsabilité dans la situation actuelle?
L'école non mais plutôt ce que l'on a voulu lui imposer. On peut remonter très loin. On trouve par exemple des responsabilités effarantes sous Giscard, tels le collège unique et le regroupement familial. Le renoncement aux notes, c'était sous Pompidou. La droite a donc toute sa part mais la loi Jospin en 1989 a été aussi dramatique lorsqu'on a décidé de mettre l'élève au centre du système, de faire de lui un acteur de la construction de son savoir. Tous les gouvernements ont supprimé des heures d'étude, de français ou d'histoire, parce que c'était un moyen de faire des économies sur le dos des élèves. Résultat, nombre de jeunes, qui ne savent pas parler ni lire, n'ont pas d'autres moyens de s'exprimer que la violence.
Le FN a tendu la main à DLF. Qu'en pensez-vous?
Il existe des différences fondamentales entre ces deux partis. Le FN actuel fait feu de tout bois, faute d'avoir des idées personnelles et faute d'avoir les gens pour les défendre. Personnellement, lorsque Marine Le Pen évoque le rétablissement de la peine de mort, cela ne passe pas.