Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Un événement s’est produit aux Pays-Bas mercredi dernier 6 avril, un événement d’une portée si considérable que nos responsables politiques et médiatiques, dans un premier temps, ou bien n’en ont pas pris conscience ou bien ont tenté d’en sous-estimer l’importance et la signification.
De quoi s’agit-il ? Invités sous la forme d’un referendum d’initiative populaire à approuver ou à rejeter l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine de M. Porochenko, les électeurs ont opposé un « non » franc et massif – 62% des suffrages exprimés – à ce traité négocié en leur nom mais sans leur aval par les dirigeants de l’U.E.
L’objet officiel de la consultation était relativement marginal, mais nul ne pouvait s’y tromper, vu le tour qu’avait pris la campagne : l’accord entre Kiev et Bruxelles était l’occasion pour le peuple néerlandais de donner son sentiment sur les orientations et l’évolution récente de l’Union européenne. En clair, souhaitait-il ou refusait-il de nouvelles avancées sur la voie du fédéralisme, et cautionnait-il la politique menée sur le Vieux continent par les gouvernements nationaux à la remorque du couple franco-allemand et sous la houlette des institutions supra-nationales de Bruxelles et Francfort, qu’il s’agisse de l’accueil des migrants, du contrôle des frontières, des bienfaits de la libre et déloyale concurrence entre les Etats membres ou du libre-échange sans règles entre l’Europe et le reste du monde ?
D’un côté, la coalition de tous les partis « comme il faut » qui gouvernent le pays depuis la deuxième guerre, du centre gauche au centre droit, prônait le « oui ». De l’autre, ceux qu’ils qualifient dédaigneusement de « populistes », de gauche, de droite ou d’ailleurs, et un comité national constitué pour la circonstance, recommandaient le « non ». Le combat était inégal, perdu d’avance. Oui, mais c’est le David populaire qui a terrassé le Goliath institutionnel. La fronde des petits a eu raison de l’invincible colosse.
Déjà, en 2005, le « non » l’avait emporté aux Pays-Bas, par un score identique, comme en France, au même moment, avec 55% des suffrages. On sait ce qu’il en était advenu, et que, quelque temps plus tard, au mépris de la démocratie, ignorant ou plutôt foulant aux pieds le vote populaire, de gros malins sans scrupules avaient réintroduit par la fenêtre des petits arrangements entre amis le traité constitutionnel chassé par la grande porte du suffrage universel.
Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? Il importe de souligner qu’aux termes même de la loi qui en ouvrait la possibilité, le referendum d’initiative populaire du 6 avril était purement consultatif. Pourtant, le Premier ministre néerlandais, M. Mark Rutte, prenant acte de sa défaite, n’a pas caché qu’il lui serait impossible de ne pas tenir compte de l’ampleur et des implications de la réponse populaire.
Mais lui en donnera-t-on la permission ? Sitôt connus les résultats du scrutin, Mme Merkel et à sa suite M. Hollande, de concert, faisaient savoir qu’ils ne se sentaient liés d’aucune manière par les résultats de ce vote et qu’ils ne voyaient aucune raison de ne pas continuer à appliquer l’accord européo-ukrainien. Ce faisant, la solide chancelière allemande et le chancelant président français faisaient preuve d’un triple et scandaleux mépris.
Mépris des Pays-Bas : alors que les vingt-huit Etats membres de l’Union européenne sont censés être tous partenaires à part entière et à part égale d’une association qui n’est pas fondée sur les rapports de force mais sur les liens de l’amitié, de l’entente et de la solidarité, une fois de plus les « grands » prétendent imposer leur volonté aux « petits ». A supposer même que les Pays-Bas relèvent de cette catégorie, est-il admissible que Berlin et Paris s’essuient les pieds sur le paillasson de leur referendum ?
Mépris du droit : l’accord rejeté le 6 avril comporte un volet commercial et un volet politique. Dès lors, serait-il, comme c’est le cas, ratifié par les Parlements et les gouvernements de vingt-sept pays, il ne saurait entrer en vigueur que sur la base d’une unanimité qui n’existe pas.
Mépris du peuple : si populaires qu’ils soient ( ?) ou qu’ils feignent d’être, M. Hollande et Mme Merkel auraient-ils oublié qu’ils ne tiennent leur pouvoir que du suffrage universel, seule source de légitimité démocratique. Ignorer ou bafouer le vœu du peuple néerlandais, ce n’est pas seulement faire preuve d’arrogance et de cynisme, c’est saper les bases du système dont on est issu, et c’est illustrer une fois de plus le décalage et le fossé qui ne cessent de se creuser entre les peuples et ceux qui sont supposés les représenter.
L’erreur de M. Hollande et de Mme Merkel n’est pas seulement morale et juridique, elle est politique. Les Néerlandais, pas plus que les Français, ne sont pas subitement devenus xénophobes ou europhobes. Ils aspirent seulement à recouvrer une autonomie perdue, à reprendre en main leur destin, à voir leurs légitimes intérêts nationaux défendus par leur gouvernement et les mandataires respecter leurs mandants. Est-ce trop demander ? Le referendum néerlandais du 6 avril, à cent jours du referendum britannique, sonne le glas des illusions, des utopies et des impostures, il est un nouveau signal du réveil des peuples.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout La France