Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
On avait peine à croire l’information donnée par les journaux, mais un communiqué officiel de l’Elysée est venu le confirmer : demain lundi, à quelques jours de la célébration de l’appel légendaire du 18 juin, François Hollande se rendra à Colombey pour y honorer le général de Gaulle, dont les héritiers le recevront ensuite dans la maison familiale de la Boisserie…
Vivant puis mort, il y a déjà longtemps que le général est entré dans notre histoire, et qu’en ce sens il appartient à tous les Français. Mais qui pousserait la crédulité jusqu’à penser que la surprenante initiative de l’actuel chef de l’Etat relève d’une conversion récente, subite, sincère et discrète aux valeurs défendues par son illustre prédécesseur ? La conjoncture et le caractère d’un président dont on ne sait trop si on doit le qualifier de sortant ou de sorti, mais dont tout indique qu’il est en campagne sans avoir encore déclaré sa candidature, confèrent à ce pèlerinage publiquement annoncé l’allure d’une démarche politicienne qui doit tout au calcul et rien à la piété. L’hypocrisie, a écrit La Rochefoucauld, est l’hommage que le vice rend à la vertu.
Ma grand-mère, sans avoir le même sens de la formule que l’auteur des Maximes, invoquait volontiers un vieil adage qui lui venait de sa Lorraine natale. « Un chien », disait-elle, « peut bien regarder un évêque. » Sans doute, mais un évêque vivant peut aussi empoigner sa crosse pour faire déguerpir le roquet qui se serait oublié au pied de l’autel, tandis qu’un évêque mort et gisant n’est plus en état de chasser le quadrupède qui ose gambader sur sa tombe.
M. Hollande n’est certes pas le premier politicien, touché par une grâce soudaine, à prendre le chemin de Colombey pour y chercher une guérison miraculeuse à son impopularité ou simplement l’absolution de ses reniements et de ses péchés, mais il est à coup sûr celui dont la présence est la plus incongrue et la plus malvenue.
Quoi de commun, en effet, quelle filiation, quelle continuité, quel accommodement possible entre le premier et le septième président de la Ve République, entre son fondateur et son fossoyeur, entre l’homme des tempêtes et l’homuncule du cabotage, entre l’homme de l’exigence, de la hauteur, du refus et l’homme des abandons, des compromis, des combinaisons, entre l’homme de la ligne droite, des grands projets, du grand large et l’homme des zigzags, des replâtrages, des marécages, entre l’homme du redressement et l’homme de l’abaissement, entre l’homme du rassemblement et l’homme du morcellement, entre le restaurateur de l’indépendance, de la liberté, de la grandeur françaises et le suiveur d’Obama, le courtisan des Qataris, le loulou préféré de la Poméranienne, entre l’homme du sursaut et l’homme du déclin, entre celui qui s’accroche à son mandat comme une moule à son bouchot et celui qui, par deux fois, renonça volontairement au pouvoir, en 1946 parce qu’il estimait n’avoir pas les moyens de ses ambitions, en 1969 parce qu’il se jugeait désavoué, avec seulement 47% de réponses positives à un referendum d’importance secondaire ? Imagine-t-on un de Gaulle prétendant représenter et gouverner la France avec une cote de confiance à 13% ?
François Mitterrand qui fut l’irréductible adversaire du général et l’inflexible opposant à la Constitution de 1958 avant de succéder au premier et de s’accommoder de la seconde, n’eut jamais l’indécente idée de venir s’incliner sur la tombe de celui qu’il avait si longtemps et si vainement combattu dans le pitoyable espoir d’y grappiller quelques voix.
Mitterrand contre de Gaulle, c’était dom Juan défiant le Commandeur. Dom Juan est mort, le Commandeur est mort et bafouillant, bredouillant au pied de sa statue, il n’y a plus que Sganarelle.
Dominique Jamet
Vice-Président de DLF