Stéphanie Albertini, 39 ans, Nick Alexander, 36 ans, Jean-Jacques Amiot, 68 ans, Anne-Laure Arruebo, 36 ans, Thomas Ayad, 34 ans, Guillaume Barreau-Decherf, 43 ans, Halima Ben Khalifa Saadi, 35 ans, et sa sœur, Hodda Ben Khalifa Saadi, 34 ans… Quelques-unes, les premières dans l’ordre alphabétique, des cent trente victimes dont les visages sont apparus à la télévision, dont les vies écourtées, fauchées le plus souvent dans la fleur de l’âge, ont été évoquées dans les journaux, et dont les noms ont été appelés et égrenés lors de la cérémonie organisée vendredi matin dans la cour d’honneur des Invalides.
Les malheureux ! Aucun de ces hommes, aucune de ces femmes, jeunes pour la plupart, ne pouvait imaginer, en se levant à l’aube d’un autre vendredi, le 13 novembre, qu’avant la fin du jour eux aussi auraient disparu. Leurs projets pour ce soir-là étaient simples : assister au Stade de France à un match de foot, prendre un verre ou dîner en famille, entre amis, entre copains dans un bar ou un restaurant de l’Est parisien, aller au Bataclan où se donnait un concert de musique rock. Rien de grandiose, rien non plus de provocateur : la vie de tous les jours, aux plaisirs modestes et faciles.
Il n’en fallait pas plus pour devenir la cible des tueurs que la folie islamiste a lâchés dans Paris. Ils avaient commis le crime impardonnable de vouloir vivre en paix dans un monde en guerre. C’était plus que n’en pouvaient tolérer les commis-voyageurs de la terreur, les adeptes de la mort, les chevaliers du néant.
Paris, ce 13 novembre, ce n’était pas Verdun, ce n’était pas le Vercors, ce n’était pas Dien Bien Phu. Les cent trente morts de cette soirée sanglante ne pensaient pas mourir pour la patrie. Ils ne sont pas tombés les armes à la main. Pourquoi, dès lors, leur rendre l’hommage réservé d’ordinaire aux soldats morts au champ d’honneur ?
C’est que, amoureux de la vie, amoureux dans la vie, adeptes d’une certaine façon de vivre, d’un certain art de vivre, représentants sans se l’être jamais formulé d’une civilisation, d’une culture, français de naissance, français par acquisition, français par préférence ou seulement amis de la France la mort injuste qui les a frappés leur a donné un destin et en a fait un symbole communs de notre pays dont ils sont devenus sans l’avoir cherché les témoins et les martyrs. A travers eux, et chacun l’a compris, ce qui était visé, c’était la France, et la France, de fait, a réagi aux attentats qui l’ont atteinte.
Autour de ces morts, autour de son deuil, autour de son drapeau, ce pays qui semblait voué à n’être plus qu’un agrégat inconstitué de communautés vivant en parallèle, s’est ressaisi, s’est rassemblé, s’est retrouvé. En assassinant des Français, les agresseurs visaient à diviser et à terroriser la France. Ils l’ont ressuscitée. Les morts du 13 novembre ne sont pas morts pour rien. Ils sont morts pour la France.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France