Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Quelques réflexions au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle :
1.Pour la première fois depuis 1965, la gauche et la droite de gouvernement, en tant que telles, seront absentes du second tour. Le battage savamment organisé autour des deux primaires de novembre et de janvier et leur succès relatif n’étaient qu’une illusion et leurs vainqueurs n’avaient qu’une apparence de légitimité qui a volé en éclats. La vérité est sortie, toute nue, des urnes. Les grands et vieux partis qui gèrent en alternance depuis trois décennies les étapes de la décadence française ont déçu, ils ont échoué, ils ont failli, leurs divers représentants en ont subi la sanction. Chefs d’Etat, Premiers ministres, grands notables de la République, ils ont été indistinctement et impitoyablement désavoués et écartés par le suffrage universel. Le système prend l’eau, la question n’est plus de savoir s’il coulera, mais quand. Le compte à rebours a commencé, la décomposition est en marche.
2.Les instituts de sondage, pour une fois, ne se trompaient pas lorsqu’ils annonçaient, en fin de campagne, que le score de chacun des quatre « principaux candidats » tournerait autour de 20% des suffrages exprimés. Ce qui signifiait clairement, quel que dût être le vainqueur, que le socle de ceux qui voteraient pour lui par conviction, par adhésion, par élan, était extrêmement étroit, qu’il n’était pas le premier choix de 80% des votants et qu’élu tout comme ses trois prédécesseurs par défaut, par dépit, par rejet ou par crainte de l’autre, il serait par voie de conséquence, dès le début de son mandat, un président faible, là où la situation désastreuse du pays appellerait le rassemblement d’une majorité unie sur un projet commun autour d’un président fort.
3. Il en résulte évidemment que ce n’est pas seulement, ou pas tellement le 7 mai prochain, mais autant et davantage les 11 et 8 juin, aux deux tours des législatives, que se jouera le destin de notre pays pour les cinq années à venir et que les électeurs décideront ou refuseront de donner une majorité parlementaire au chef de l’Etat élu cinq semaines plus tôt. Nul à ce jour n’est à même de dire de qui, de quoi et sur quelle base – coalition de circonstance, majorité d’idées, parti dominant – se constituera cette majorité encore dans les limbes.
En revanche, tout semble indiquer au moment où ces lignes sont écrites que ce président tout neuf, dans la pleine acception du terme, aura pour nom Emmanuel Macron. Personne, dans l’état actuel de nos connaissances, – et lui pas plus que tout autre – ne saurait dire ce que serait la manière de gouverner et le cap défini par le jeune banquier qui, porteur d’une immense ambition et servi par une chance insolente, succèdera au funeste président « normal » dont le mandat s’achève enfin dans l’indifférence générale. Mais deux choses sont claires. La première est que M. Macron est le masque avenant, le bouclier protecteur derrière lequel s’abritent et se cachent tous les chevaux de retour que le pays voudrait envoyer à la réforme ou aux cinq cent mille diables. Ou pour dire autrement, son esquif est le canot de sauvetage, le nouveau radeau de la Méduse à bord duquel s’entassent tous les naufrageurs aujourd’hui naufragés. Deuxième évidence : le jeune prodige, le nouveau Mozart de la petite musique du déclin est le vecteur de la mondialisation, le porte-parole de la nouvelle société américanisée, ubérisée, déshumanisée qui fait peser sur notre civilisation une menace plus sournoise mais aussi lourde que le terrorisme djihadiste. Nous n’avons sur ce plan aucune raison de soutenir, mais toutes les raisons de combattre le candidat d’aujourd’hui et le président de demain.
4. Mais comment le combattre, avec quelles forces et donc quelles chances de l’emporter ? Le scrutin de dimanche a fait plus que confirmer la puissance du ras-le-bol qu’ont exprimé des millions de Français. Le problème est que cette révolte partagée ne les rassemble pas autour d’un même objectif et d’un même vote. Chacun de son côté, chacun sur son Aventin personnel, les extrêmes de droite et de gauche ont réuni, respectivement autour de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, les fatidiques 20% dont je parlais plus haut. Antagonistes, ils ne peuvent rien. Alliés, ils emporteraient tout. Comme dans les plus grandes crises de notre histoire, il n’est que temps que ceux qui ont pour seul parti la France comprennent qu’au-delà des querelles de personnes et des divergences de filiation idéologique ce qui les unit est plus fort et plus déterminant que ce qui les sépare.
Le premier clivage, le vrai clivage du moment et des années à venir n’est pas, n’est plus la traditionnelle division entre une gauche et une droite également éculées, sclérosées et gangrenées qui, dans les grandes occasions, sont amenées à étaler au grand jour leurs connivences occultes et leurs complicités inavouées. Une ligne infranchissable, un mur politique, social et moral sépare et oppose aujourd’hui ceux qui acceptent de voir se diluer et s’effacer dans l’eau froide de la mondialisation tout ce qui fit, tout ce qui fait encore notre personnalité, notre originalité, notre indépendance et ceux qui refusent de capituler devant une prétendue fatalité.
Les 1.700.000 voix qui se sont portées le 23 avril sur Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout la France, nous installent à un niveau sans précédent, dans une position centrale, à égale distance des deux extrêmes. Elles nous fortifient, elles nous honorent, elles nous obigent. L’heure est venue de prendre nos responsabilités. Il nous revient d’être le fer de lance de l’opposition au nouveau pouvoir qui va se mettre en place et d’appeler désormais, inlassablement, à l’union sans exclusive de tous les patriotes, de droite, de gauche et d’ailleurs, autour du seul programme qui leur est commun : la France.