Cynique, manipulateur, maître chanteur et pour tout dire, horreur des horreurs, crime des crimes, « populiste » ! Depuis l’annonce du referendum, de pleins tombereaux d’injures et de condamnations sont déversés chaque jour par les grands médias et les gouvernements de la zone euro sous les fenêtres d’Alexis Tsipras.
Qu’en est-il donc exactement et qui fait chanter qui ? La Grèce et plus particulièrement Syriza sont-ils vraiment de taille à faire trembler la Commission, le FMI, la BCE et dix-huit pays, dont l’Allemagne, coalisés contre elle ? Quand le faible défie le fort, quand il déclare qu’il ne se laissera pas faire la loi par celui-ci, quand il fait savoir qu’il est résolu à se défendre, il n’est pas question de chantage mais de dissuasion. Les Grecs aiment à rappeler que leurs ancêtres, il y a deux mille cinq cents ans, n’ont pas accepté la soumission à l’empire perse et que leurs pères, à l’époque où l’Europe courbait la tête devant le fascisme, ont tenu tête à Mussolini et Hitler. Aujourd’hui ils se rebellent devant les ukases de la « troïka » et les diktats de Mme Merkel, qui s’étonnent et s’indignent de cette entrée en résistance. Ils n’ont décidément pas changé.
Confronté à des propositions qui n’ont ni son accord ni celui de sa majorité ni celui d’une grande partie du pays, soumis à d’incessantes et humiliantes pressions, Alexis Tsipras a décidé de demander l’arbitrage de son peuple. De plus, il a fait savoir que, quelle que soit la réponse des électeurs, il s’inclinerait devant le choix du suffrage universel. Il est vrai qu’une telle démarche est inhabituelle et que par exemple chez nous elle n’est plus en usage. Il est vrai que dès qu’il est question de se préoccuper et de s’enquérir de la condition, des aspirations et des besoins du peuple, les élites inquiètes sortent de leurs manches l’accusation de « populisme » Ce genre de « populisme », cela s’appelle la démocratie. Encore une invention grecque.
L’admission de la Grèce dans la zone euro était, à en croire ses initiateurs, ses promoteurs et ses profiteurs garantie de prospéritude, assurance de stabilitude, promesse de solidaritude et de quiétude. . Elle s’est avérée porteuse de faillite, d’austérité, de chômage, de misère et d’humiliation. L’argent que lui prodiguent à flots les généreux créanciers de la Grèce ne lui permet ni de défendre le niveau des salaires, ni d’aider à la consommation ni d’investir ni de moderniser. Il sert essentiellement à assurer le service d’une dette démesurément gonflée par les emprunts, il ne fait que transiter par les caisses de l’Etat, aussi vite vidées que remplies. C’est la version « libérale » du vieux tonneau des Danaïdes.
Que répondront les Grecs, ce dimanche, à la question qui leur est posée ? Christine Lagarde, Mario Draghi, Jean-Claude Juncker, Wolfgang Schaüble…ne se privent pas, ces derniers jours, de leur prédire l’Apocalypse, s’ils ne votent pas comme il faut. Leur obsession est évidemment de faire un exemple et de décourager l’Espagne, le Portugal, l’Italie, et, qui sait, la France, de s’écarter de l’autoroute communautaire pour suivre les chemins de la liberté.
La Grèce ne veut évidemment pas quitter l’Europe, sa mère. Elle ne supporte plus le carcan de la zone euro, ce qui est fort différent, elle veut seulement retrouver la maîtrise de sa monnaie, de son économie, de son destin. C’est ce que ne supportent pas les porte-parole des institutions communautaires, bancaires et financières qui prétendent la mettre en tutelle. C’est pourquoi ils n’ont pas hésité à intervenir massivement dans la brève campagne électorale grecque pour promettre l’enfer en cas de succès du « non » et la lune en cas de victoire du « oui », c’est pourquoi eux et leurs serviteurs dénoncent violemment l’inadmissible comportement de Tsipras et des siens. Il est exact que le Premier ministre grec n’a cessé depuis janvier de s’ingérer dans les affaires de son propre pays.
Dominique Jamet