Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
C’était en août 2008. Nicolas Sarkozy n’était pas encore président sorti, François Hollande n’était pas déjà président sortant, et le Dalaï Lama était de passage en France. Il n’y fit l’objet d’aucune réception officielle. On en donna pour excuse que le chef spirituel des Tibétains se proclamait aussi leur représentant politique. L’opposition ne s’en indigna pas moins, avec raison. Jean-Marc Ayrault, alors député-maire de Nantes, ne put s’empêcher d’exprimer sa réprobation : « Je pense », déclara-t-il, « que c’était le devoir de la France, le devoir des autorités françaises, donc du président de la République, de le recevoir. Je pense que c’est une faute politique. » Le premier secrétaire du Parti socialiste, un certain François Hollande, fit chorus.
Septembre 2016. Le Dalaï Lama séjournait de nouveau dans notre pays cette semaine. C’était l’occasion, offerte sur un plateau aux actuelles « autorités françaises » et donc au président de la République, de mettre leurs actes en accord avec les vigoureux propos tenus il y a huit ans. Il n’en a rien été, comme on sait, et cela alors même que le vieil homme –aujourd’hui âgé de quatre-vingt-un ans – a renoncé depuis 2012 à toute activité politique et n’est le dangereux porteur que de messages de paix, d’humanité et de spiritualité. Il n’en a pas moins été strictement boycotté. Non seulement il n’a pas été proposé à Tenzing Gyatso de franchir le seuil sacré du palais de l’Elysée ni d’ailleurs d’aucune pagode ministérielle, mais la conférence qu’il devait prononcer à l’Institut d’Etudes politiques de Paris a été annulée et la retransmission sur Youtube de celle qu’il a quand même pu tenir à Strasbourg l’a été également.
Le Quai d’Orsay s’est d’ailleurs expliqué, comme il l’a pu, sur l’attitude de son actuel locataire : Jean-Marc-Ayrault n’a pas changé d’avis, mais « il est dans les responsabilités », (sic). « Ce n’est pas la même chose d’être élu local (re-sic) que d’être ministre des Affaires étrangères. En effet. La conscience de M. Ayrault, ou de M.Hollande, est exigeante, pure et dure, mais à géométrie variable. Député-maire de Nantes, on se payait le luxe d’avoir des principes. Ministre, on ne peut plus se le permettre, et on s’assoit dessus. C’est en vertu (si l’on ose dire) d’une prétendue raison d’Etat que l’on commet ce qui n’est pas seulement une erreur politique, une faute morale, une bassesse, mais de surcroît une sottise.
Les causes de cette muflerie qui ne fait pas honneur à la France sont bien connues. La peur du qu’en dira-t-on, en l’espèce du qu’en dira Xi, et des représailles que Pékin pourrait décider contre Paris, explique le comportement de nos dirigeants et leur sert de justification. Or, ils se trompent du tout au tout. Ni Barack Obama ni Angela Merkel n’ont hésité à recevoir le Dalaï Lama et la Chine, dont les prétentions cèdent toujours le pas au réalisme, loin de leur en tenir rigueur, a encaissé et digéré l’affront. Notre lâcheté, en revanche, ne peut être considérée que comme un aveu de faiblesse et ne leur inspirer qu’un mépris hélas mérité. Le déshonneur, c’est un comble, ne nous rapporte rien.
Voilà bien du tapage, diront certains, pour peu de chose en somme, et beaucoup de bruit pour rien. Eh bien non ! Cet incident insignifiant est lourd de signification. Tout comme leurs prédécesseurs, les actuels et très provisoires détenteurs du pouvoir ne se sont pas contentés de mener le pays à la faillite économique et sociale, ils n’ont eu de cesse de le mettre en situation de banqueroute morale. Ce n’est pas seulement leur échec factuel qui doit être sanctionné mais l’accumulation des compromissions, des promesses non tenues, des reniements, des mensonges, des reculades, des abandons qui ont discrédité la classe politique et abîmé la démocratie. Cela est insupportable, et impardonnable.
Aussi bien n’est-ce pas seulement en raison de leur nullité mais parce que derrière les façades délabrées de la République « exemplaire » il n’y a plus qu’un cloaque politique, qu’il faut utiliser l’arme fatale (mais non létale) du vote pour en finir avec les hommes et les mœurs du système. En vain plaideraient-ils les circonstances atténuantes. Il faut être implacable envers les incapables.