Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Il l’a d’abord déclaré dans la fièvre de la campagne, il l’a répété dans l’euphorie de la victoire, puis il l’a réitéré au point d’en faire non seulement le marqueur de son quinquennat, mais la condition sine qua non d’une éventuelle candidature à sa propre succession : il demandait à être jugé sur ses résultats, et d’abord sur sa fameuse inversion de la courbe du chômage. Fatale imprudence !
A l’heure des comptes, le bilan de François Hollande le juge en effet. Et le condamne sans appel. Entre le printemps 2012 et l’automne 2016, le nombre des sans emploi s’est accru de six cent mille. Le budget de l’Etat est toujours en déficit. Le montant et le poids de la dette publique se sont aggravés. Huit millions de Français, qui tentent de survivre en-dessous du seuil de la pauvreté, ont rejoint les rangs de la lamentable cohorte des « sans-dents ». Le président de la République n’a pas tenu les engagements du candidat.
Sur cette base, on ne voyait plus très bien comment le chef de l’Etat sortant, qui en crevait d’envie, pourrait justifier une nouvelle candidature qu’il avait lui-même délégitimée d’avance et qui, de surcroît, ne pouvait guère déboucher que sur une défaite humiliante pour l’homme et pour son camp. Il était prêt, déclarait-il, dans une interview qui devait donner le signal de son entrée en campagne…
Or, ce qui paraissait déjà peu jouable il y a encore seulement quelques semaines est soudain devenu impossible. Un gros livre révélateur a éclairé de la lumière la plus crue un président pris au piège comme un lapin hagard, tétanisé dans le faisceau des phares d’une voiture. A l’échec factuel est venue s’ajouter la faillite morale. Sous le manteau du premier magistrat de France, garant des institutions, chef des armées, est apparu un bavard incontinent et inconséquent, cynique, manipulateur, sans loyauté et sans convictions. L’homme qui murmure à l’oreille du premier journaliste venu des secrets d’Etat a prononcé contre lui-même une peine définitive d’indignité, voire de déchéance politique. François Hollande n’est plus qu’un gros petit homme tout seul, perdu dans son triste palais et dans des costumes pour lesquels il n’était décidément pas fait. Alors même que son mandat court encore pour six mois, la succession est ouverte et la guerre de succession lancée.
Certes, tout indique que celui, ou celle, qui courra en avril prochain sous les couleurs fanées du Parti socialiste, a peu de chances de se qualifier pour le second tour de la présidentielle et, se qualifiât-il, de l’emporter. Les candidats, déjà déclarés ou potentiels, ne s’en bousculent pas moins au portillon de la primaire organisée par Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Marie Le Guen et autres arbitres insoupçonnables sous l’invocation de la « Belle Alliance populaire ». Une fois de plus, à gauche comme à droite, l’heure est au trop-plein prophétisé par le général de Gaulle.
Gérard Filoche, Marie-Noëlle Lienemann ? Le premier est insupportable, la seconde estimable. L’un et l’autre sont voués au destin sans gloire des seconds couteaux qui rêvent d’être canifs à la place du canif.
Benoît Hamon, Arnaud Montebourg ? Les critiques que les deux anciens ministres adressent au président ne sont que trop fondées mais tous deux ont été trop proches de lui pour être des opposants crédibles et s’en sont trop éloignés pour rassembler leur propre camp.
Emmanuel Macron ? Un pied dedans, un pied dehors, moitié oiseau et moitié rat, atout de rechange des lobbies mondialistes, chouchou de Bruxelles après avoir goûté du fromage de Hollande, Mozart de la trahison, le jeune prodige plaît trop à la droite pour rallier l’électorat de gauche et s’est trop compromis avec la gauche pour séduire l’électorat de droite.
Ségolène Royal ? Elle en a rêvé, et de nouveau elle ne pense qu’à ça, autorisée, autrement dit encouragée, par son ancien compagnon à ne respecter ni la solidarité ni la discipline gouvernementales et à multiplier incartades et provocations. Femme de caractère, il ne lui manque aucun des défauts que l’on prête aux hommes politiques. En d’autres temps sa proximité avec le chef de l’Etat aurait été un atout, elle la plombe aujourd’hui. Le climat n’est pas à une transposition française du feuilleton Dynasty et la candidature de la Clinton nationale susciterait une hillaryté générale.
Reste Manuel Valls. Sa position de chef de gouvernement l’habiliterait théoriquement, vu la carence du président, à rassembler autour de lui ce qui reste de la majorité, mais il semble bien qu’il y soit toujours minoritaire. Certes, 26% seulement des Français lui font confiance, mais telle quelle, sa cote d’impopularité a de quoi rendre jaloux nombre de ses camarades à commencer par son supérieur hiérarchique. Compte tenu du calendrier, c’est maintenant qu’il devrait se déclarer. Mais peut-il le faire tant que François Hollande ne l’a pas relevé de son serment de loyauté personnelle ?
Or, M. Hollande, de toute évidence, caresse encore et toujours, dernier à y croire, le rêve devenu délirant d’une deuxième candidature et s’accroche aux derniers lambeaux, aux dernières illusions d’un pouvoir dont il ne lui restera rien le jour où il annoncera son retrait. Son seul plaisir, amer, est d’occuper le terrain, la seule capacité qu’il conserve est la capacité de nuire et de bloquer les autres compétiteurs. Etrange épreuve que ce Grand Prix du Président de la République où tant de chevaux piaffent d’impatience dans les starting blocks tandis que celui qui n’a pas encore décidé s’il serait un simple spectateur ou un concurrent tient le pistolet du starter mais se refuse à donner le signal d’un départ qui serait aussi le sien.