JAMET LE DIMANCHE !
LE MUR ET LE PLAFOND
« Si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu ce dimanche, pour lequel de ces candidats y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? » A cette question posée dans le cadre d’une enquête d’opinion que publie aujourd’hui Le Parisien, 34% des sondés répondent : Alain Juppé. Le maire de Bordeaux arriverait donc en tête des intentions de vote. Faut-il que l’allergie à Nicolas Sarkozy soit violente et massive, faut-il que l’ex-UMP, si riche de candidats, soit si pauvre en hommes d’Etat, pour que l’ancien Premier ministre, « le meilleur d’entre nous », « le fils aîné de Jacques Chirac », pour reprendre l’expression de Claude Chirac, soit ainsi plébiscité et fasse figure de jeune homme neuf, ultime recours des électeurs de la droite et du centre, quarante ans après son entrée en politique, et après dix ans de traversée du Médoc. Les mois à venir nous diront si s’enfle ou se dégonfle cette bulle flatteuse à l’intérieur de laquelle l’ancien Premier ministre, si longtemps impopulaire, peut caresser les mêmes espérances qu’en leur temps Jacques Delors, Michel Rocard ou Edouard Balladur.
Distancée de peu par M. Juppé, Marine Le Pen recueillerait 30% des suffrages, à un niveau qui confirme à la fois la progression et l’enracinement du Front national, l’ampleur du rejet des vieux partis politiques et la recherche d’un renouveau à tout prix et à tous risques.
Suivrait M. Hollande, avec 16% des voix. Un chiffre qui explique assez que l’actuel président de la République s’autorise de son statut pour se dérober devant une primaire de la gauche d’où il ne sortirait pas à son avantage mais qui ne justifie pas qu’il s’obstine à se représenter devant le peuple français en 2017. Avant même cette échéance, si M. Hollande avait le sens de l’honneur, de la dignité et le souci de la France, il ne s’accrocherait pas jusqu’à son terme à un mandat qu’il exerce en toute légalité mais où il a cessé depuis quelque temps déjà d’être légitime.
Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, est crédité de 9% d’intentions de vote, deux points en dessous de ses résultats de 2012, ce qui le confirme dans son rôle de mauvaise conscience de la gauche mais le cantonne dans sa posititon d’imprécateur dont le talent l’emporte sur la crédibilité.
En cinquième position arrive Nicolas Dupont-Aignan avec 5%. Faut-il le répéter ? Nous aimerions mieux 6 que 5 et 7 que 6… Pour autant, comment ne prendrions-nous pas acte de l’ascension, trop lente à notre gré mais continue, qui installe le fondateur de Debout la France au cinquième rang des candidats éventuels ou officiels à la présidence de la République et notre mouvement à la cinquième place des partis politiques, deux points devant les Ecologistes, leurs dix-huit députés et leurs quinze sénateurs. Un mois seulement après les régionales, nous gravissons une marche de plus en franchissant ce seuil fatidique à partir duquel l’on est enfin pris au sérieux par les concurrents, par les médias… et par les électeurs. D’ores et déjà, un tel score multiplierait tout simplement par trois le pourcentage obtenu par notre président en avril 2012.
Il va de soi que, dans un pays où l’information serait libre, complète et impartiale, cette percée qui modifie les équilibres de notre paysage politique et constitue le seul élément vraiment nouveau du sondage du Parisien serait abondamment commentée, analysée, prise en considération et mise en lumière. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne notre système. La défaillance ou la carence des médias est d’ailleurs l’une des causes, et non la moindre, qui font que dans notre pays, à en croire un autre sondage, paru aujourd’hui dans Le Journal du dimanche, 67% des Français estiment que notre démocratie, dont un des piliers est une presse indépendante et honnête, ne fonctionne pas bien.
Ne nous laissons pas impressionner et donc décourager par des comportements, des censures, des exclusions qui ont précisément pour raison d’être et pour but de nous impressionner et de nous décourager, au nom du vote utile et de la pérennité des vieux partis installés. A bout de souffle, en bout de cycle, ceux-ci ne comptent plus que sur la routine, la passivité et l’abstention pour se maintenir à la surface des mares croupies de la République des notables. Le plafond de verre que nous avons pu craindre de ne jamais atteindre se craquelle, nous briserons à son tour le mur du silence.