Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
« Négationnisme » : le mot, depuis longtemps vulgarisé dans une acception à la fois précise et étroite, désigne et stigmatise, on le sait, la position, les écrits ou les discours de ceux qui ne craignent pas de nier, de contester ou de minimiser les crimes du nazisme, et notamment la tentative de génocide des juifs, les camps de la mort et le « point de détail » que constitueraient les chambres à gaz.
Mais c’est d’un autre négationnisme que je voudrais parler aujourd’hui, de ce négationnisme au quotidien, sournois, hypocrite et pour ainsi dire rampant, dans le plein sens du terme, de ce déni de réalité que pratiquent au grand jour, imprudemment, impudemment, avec la complicité de trop de médias, de trop d’élites et de trop d’élus, les virtuoses de la godille et de la langue de bois qui font encore semblant de nous gouverner, au jour le jour, au fil de l’eau.
Un exemple particulièrement typique de ce négationnisme-là vient de nous être donné il y a quelques jours par le haut magistrat qui assurant depuis décembre dernier l’intérim de la présidence de la République, expédie par-dessous la jambe les affaires courantes de la France.
Pour des raisons qui lui appartiennent, c’est la petite ville de Crolles, dans l’Isère, que M. François Hollande, puisqu’il faut l’appeler par son nom, avait choisie samedi dernier pour y prononcer un discours qui, bien que présenté par son entourage comme important et quasiment testamentaire, est passé, il faut le dire, à peu près complètement inaperçu. A tort, car l’encore chef de l’Etat y développait l’éloge funèbre de son propre quinquennat :
« Ma fierté », déclarait-il, « c’est de pouvoir remettre à mon successeur un pays qui va mieux, un pays plus fort, un pays plus digne, un pays plus soudé et plus cohérent que celui que j’ai trouvé… »
Un pays qui va mieux ? Lorsque M. Hollande a entamé son mandat, en 2012, la dette publique que lui avait scrupuleusement transmise son prédécesseur s’élevait à 1870 milliards d’euros, soit une hausse de 600 milliards constatée entre 2007 et 2012. Cette même dette est passée depuis 2012 à 2150 milliards. M. Sarkozy n’avait pas su endiguer la montée du chômage, qui comptait en 2012 près de trois millions de chômeurs à temps complet. Ils sont aujourd’hui trois millions et demi.
Trois millions et demi, suivant les comptages officiels. Plus de six millions en réalité, si l’on prend en considération les travailleurs à temps partiel, ceux qui n’ont jamais obtenu et ceux qui ont renoncé à trouver un emploi, et tous ceux qui disparaissent des statistiques officielles grâce aux paravents en trompe-l’œil des emplois assistés, des emplois-jeunes, des formations-bidon…Si l’on retient un critère unique, plus simple et plus compréhensible, ce sont plus de neuf millions d’adultes, jeunes et vieux, qui vivent – qui survivent -désormais en France dans la précarité, la pauvreté, la misère. Neuf millions de mal logés, et des centaines de milliers de sans logis, français ou étrangers, que nous nous sommes habitués à voir, comme des bêtes, camper dans nos rues, sous le soleil et sous la pluie, le jour comme la nuit, l’hiver comme l’été, et subsister comme ils peuvent grâce à l’aumône privée et la charité publique. Que serait-ce si la France allait plus mal ?
Un pays plus soudé, plus cohérent ? Les gouvernements successifs ont cru acheter la paix sociale en abandonnant les cités aux trafiquants et aux prédicateurs de haine. Ils ont récolté l’explosion de la délinquance et de la radicalisation. Six mois après leur crime, les sauvages de Viry-Chatillon, assassins en puissance, ont pu pour la plupart, en toute impunité, manifester contre les violences policières. On a vu, à Meaux, l’office des HLM et les forces de l’ordre ( !) organiser et protéger la fuite collective des habitants d’un grand ensemble contraints à déménager par les voyous. On a vu un élu de banlieue, candidat à la présidence de la République, justifier par une tradition française imaginaire, l’interdiction faite aux femmes d’utiliser comme les hommes l’espace public.
Un pays plus fort et plus digne ? Barack Obama, dans les derniers temps de sa présidence, ne jugeait plus utile, lorsqu’il se rendait en Europe, de faire un détour par Paris. Son successeur, qui ignore l’usage des gants, a reçu avec chaleur le Premier ministre britannique, avec effusion le Premier ministre japonais, s’est longuement entretenu avec Xi Jin Ping, n’a pu se dispenser d’une entrevue avec une Angela Merkel qui pourtant ne l’avait pas ménagée. Donald Trump n’a mentionné la France que pour la brocarder. Victime des choix erronés de sa diplomatie, notre pays est désormais écarté des négociations et du grand jeu que mènent au Moyen-Orient, naguère encore sensible à notre influence, les puissances qui comptent. Nous ne sommes mêmes plus la risée du monde. Il ne nous connaît plus.
Mais qu’importe aux heureux mortels qui ont la chance de vivre dans l’entre-soi des beaux quartiers de Paris, là où rien n’a changé depuis des décennies, là où il n’y a ni chômeurs, ni pauvres, ni précaires, ni problèmes d’ordre public, ni problèmes de logement, ni problèmes d’emploi, ni immigrés, ni délinquants, ni enrichissement par le métissage, la diversité des cultures, des conditions, des religions, là où ceux qui nous ont mis dans le pétrin se disent les seuls capables de nous en sortir et, tournant le dos à la réalité, persistent à nier la vague qui dans leur dos se gonfle et va bientôt les balayer.