L’arroseur
Les très gros caprices météorologiques que vient de subir la France vont-ils définitivement asseoir la renommée de faiseur de pluie que s’est acquise à travers le monde l’actuel président de la République dès le début de son mandat ? Celui que les ultimes médecins-sorciers qui font encore la pluie et le beau temps au cœur des forêts les plus reculées d’Amazonie surnomment avec autant d’envie que de respect « l’homme qui fait ce qu’il pleut » s’est en tout cas mué ces derniers (mauvais) temps en brumisateur tous azimuts, que dis-je en arroseur universel.
Il n’est ces jours-ci domaine, secteur, branche, catégorie professionnelle qui ne manifeste son mécontentement ou n’expose plus ou moins brutalement ses revendications sans bénéficier aussitôt de l’attention, de la bienveillance, de la visite et finalement des largesses d’un chef de l’Etat métamorphosé en corne d’abondance vivante, ambulante et bavarde, aussi prodigue de promesses que de paroles
Les salariés de la fonction publique, naguère encore massivement acquis à la gauche, désertent-ils leurs anciens temples et menacent-ils de renverser leurs vieilles idoles, le point d’indice gelé depuis des années est subitement débloqué. Une délégation prestigieuse, mêlant lauréats du prix Nobel et titulaires de la médaille Fields, se présente-t-elle à l’Elysée pour y plaider la cause des chercheurs et de la recherche, les crédits qui leur avaient été retirés sont miraculeusement rétablis. Les enseignants, si longtemps indéfectibles soutiens du Parti socialiste, font-ils comprendre qu’ils ne supportent plus, serviteurs dévoués d’un système scolaire en pleine décomposition, d’être aussi les plus mal payés de l’Union européenne, une revalorisation spectaculaire de leurs traitements, étalée sur les quatre années à venir, leur est annoncée à son de trompe. Les cheminots, invités par la leur employeur à consentir les sacrifices qu’entraîne l’ouverture du rail à la concurrence internationale, décident-ils d’entamer une grève dure qui ajoute encore, en période de crues et d’inondations aux difficultés de la population ; la présidence de la SNCF est sommée par le gouvernement de leur donner pleine satisfaction. Les maires des quelque 35.000 communes de France s’apprêtent-ils, à l’occasion de leur Congrès annuel, à exprimer haut et fort leur colère, François Hollande, tel le deus ex machina de la tragédie antique, apparaît à la tribune pour leur annoncer la remise d’une partie de la diminution de leur dotation de fonctionnement. Et ne parlons pas des miettes une fois de plus dispensées du balcon du château aux jeunes, aux agriculteurs, aux routiers…
Tandis que nos rivières et nos fleuves débordent, l’argent, lui aussi, coule à flots. D’où viennent les centaines de millions, d’où viennent les milliards que répand la générosité présidentielle ? La situation de la France se serait-elle à ce point améliorée qu’elle le permettrait ? La dette aurait-elle cessé de grimper, le déficit de se creuser ? Les caisses publiques se sont-elles mystérieusement remplies ? Le temps de la rigueur, des prélèvements, de l’austérité, serait-il derrière nous ? A combien se monte et où peut bien être l’improbable cagnotte où M. Hollande puise à pleines mains ?
Trêve de plaisanteries. On ne la fait pas à ce vieux pays, à ce vieux peuple qui, sous tous les régimes, a eu l’occasion de faire l’expérience de tous les genres de démagogie. François Hollande, à en croire Le Monde, « cherche » la paix sociale. Il serait plus exact de dire qu’il l’achète, et plus juste encore qu’il cherche, à l’approche de l’épreuve de vérité, à acheter les suffrages des électeurs qu’il a perdus, comme pourrait le faire, avec moins de moyens et dans le même but, n’importe quel aigrefin, n’importe quel milliardaire qui s’est mis en tête de mettre la main sur un bourg pourri. Ce qui aggrave le cas du président de la République en fonction, c’est qu’il tire sur un compte à découvert des chèques en bois que son successeur sera tenu d’honorer au nom de la continuité de l’Etat ou de refuser au risque d’une levée de boucliers des bénéficiaires de la manne hollandaise. François Hollande fait les poches de l’avenir. Nous avons affaire à un cas particulièrement grave de grivèlerie ou de carambouille, donc d’escroquerie électorale. La politique économique de la France est dans l’esprit de son premier responsable la variable d’ajustement d’une cote de confiance tombée, aux dernières nouvelles, à 11%.
Zeus, nous dit la légende, séduisit Danaé en se faisant pluie d’or. Au moins le dieu ne payait-il pas en fausse monnaie. Les Français n’ont pas l’innocence et la naïveté d’une enfant grecque. Ils ne sont pas dupes, le climat est pourri et tout indique que ce quinquennat à l’agonie tourne à l’eau de boudin. Il est écrit, et pas seulement dans les courts métrages du cinéma muet, que les arroseurs finissent arrosés.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France