Jamet le dimanche !
LA GRANDE VACANCE
Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Nous l’avait-on assez dit, nous l’avait-on assez seriné… Annoncée à son de trompe comme l’événement de l’année, méticuleusement préparée par ses organisateurs et par leur invité dans une très étroite collaboration, ce devait être l’émission de la dernière chance, l’ultime occasion pour le président de la République en fonction, faute d’avoir réussi à inverser la courbe du chômage, de redresser celle de sa popularité.
De fait, jeudi dernier, François Hollande a eu tout loisir d’exposer et de détailler le bilan de ses quatre années, de présenter et de préciser ses intentions pour la suite et la fin de son quinquennat, de défendre sa personne et sa politique. Il a posé un diagnostic : « la France va mieux », annoncé son programme : « réformer, encore réformer, jusqu’à la dernière minute », promis qu’il ne changerait ni de cap ni de gouvernement ni de méthode ni d’ailleurs de rien d’ici 2017.
L’ennui, pour lui, c’est que les Français ont le sentiment, solidement étayé, hélas, sur la réalité, que M. Hollande, comme son prédécesseur, a mis et laissera la France dans un état pire qu’il l’a trouvée. L’ennui, c’est qu’il ne suffit pas de bricoler dans la hâte et sous la pression n’importe quelle accumulation de mesures incohérentes ou insignifiantes pour qu’elles méritent le nom de « réforme ». L’ennui est que l’opinion finit toujours par percer à jour ce que cache le mot magique, tantôt potion amère, tantôt sirop démagogique, tantôt vide sidéral. L’ennui est que les quatre intervenants sélectionnés pour dialoguer avec le président, en dépit de la modération et de la courtoisie dont tous les quatre ont fait preuve, n’ont visiblement pas été convaincus par leur interlocuteur.
Pas plus que les quelque trois millions de citoyens-téléspectateurs qui, sans trop y croire, avaient choisi de se brancher sur France 2. Et il ne s’agit pas ici d’une impression mais d’une impressionnante donnée chiffrée. Menée pour partie du 7 au 9 avril, avant le « Dialogue citoyens » du 14, pour partie les 15 et 16 avril, après l’émission, la traditionnelle enquête d’opinion mensuelle de l’IFOP pour le Journal du dimanche nous apprend que d’une semaine sur l’autre le pourcentage des Français satisfaits de M. Hollande était passé de 15%… à 12%. Comme quoi on peut choisir, en vieux renard de la politique politicienne, de parler pour ne rien dire et en payer néanmoins le prix. Les Français ne se sont laissés ni bercer ni berner par le flux de banalités autosatisfaites sorties de la bouche présidentielle. Sous le miel lénifiant du discours, ils ont senti et n’ont pas goûté l’imposture.
Dès le lendemain, un nouvel incident de parcours mettait en pleine lumière la pétaudière qu’est devenu l’exécutif. A peine le Premier ministre, cherchant à caresser la jeunesse dans le sens du poil, avait-il annoncé la surtaxation des CDD, le président, soucieux de ne pas déchaîner l’ire patronale, se hâtait de faire savoir qu’il n’en serait rien. Ni l’un ni l’autre, bien entendu, n’y gagnaient l’estime et l’appui de ceux qu’ils prétendaient séduire. Ainsi va le paquebot France, sous la direction d’un équipage qui navigue à la godille et fait des ronds dans l’eau.
Que reste-t-il de ce qui devait être la réforme historique du droit du travail ? Un méchant petit bout de loi que le gouvernement et la malheureuse Myriam El Khomri vont traîner encore des semaines comme un boulet, et c’est à quoi va se réduire d’ici l’Euro de football et l’été l’activité gouvernementale. Après quoi il ne sera plus question, à supposer qu’il n’ait pas déjà été en filigrane de l’émission de jeudi dernier, que du seul sujet auquel s’intéresse le président : l’élection présidentielle de 2017.
François Hollande se fait-il encore des illusions ? Il ne fait plus illusion. Comment un président non seulement récusé par ses adversaires mais massivement désavoué par son propre camp, et pour la première fois virtuellement battu même par Marine Le Pen, peut-il encore envisager, à défaut d’être réélu, d’être même candidat ? Voudrait-il « réformer », où trouverait-il l’énergie, l’autorité et la majorité pour le faire ? La grande vacance du pouvoir a commencé. Nous allons vivre une année perdue. Une de plus.
On connaît la méchante blague de Winston Churchill sur son vieil adversaire travailliste : « Un taxi vide s’arrête. Clement Attlee en descend. » La chaise de la France est vide, et c’est M. Hollande qui l’occupe.
Dominique Jamet