Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Ils partirent deux cent quatre-vingt-neuf…Mais combien reviendront-ils au port, combien, en juin 2017, auront-ils le privilège de retrouver l’hémicycle du Palais-Bourbon, ses banquettes de velours rouge, le tumulte de ses débats, les connivences de sa buvette, la comédie humaine de Quatre-Colonnes et la solitude complice des séances de nuit, si propices à la discrète introduction d’étranges amendements dans les projets de loi ? La majorité sortante parviendra-t-elle à faire élire sous ses couleurs passées cent cinquante à cent quatre-vingt députés, comme veut le croire, ou le faire croire, Christophe Borgel, le « Monsieur Elections » du Parti socialiste ? Ou un peu plus d’une centaine, comme le prévoient d’autres spécialistes moins engagés ? Ou cinquante-sept, comme en 1993 ?
Quoi qu’il en soit, soixante-dix députés socialistes, un quart des effectifs du groupe parlementaire, ont d’ores et déjà déclaré forfait pour la compétition à venir, soit que tout simplement ils ne croient pas en leurs chances, soit qu’ils ne croient plus au socialisme, ou au contraire parce qu’il leur apparaît que leur propre parti n’a plus de socialiste que l’étiquette, que la rose est fanée et le poing à la ligne. Des trois vertus théologales, ils en ont abandonné deux, qui sont la foi et l’espérance. Ne reste que la charité qui, bien ordonnée, nous dit l’adage, commence par soi-même.
Trois anciens ministres, pas un de moins, trois anciens piliers de l’équipe gouvernementale, ont manifesté, plus ou moins clairement et définitivement, leur intention de se porter candidats à l’élection présidentielle, par le biais ou en dehors de la primaire, que le président actuel se représente ou pas. C’est mordre la main qui les a nourris. Il est vrai, du moins pour deux d’entre eux, que cette même main les a frappés. Pour avoir fait preuve d’indiscipline, d’insolence et refusé de présenter leurs excuses, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon ont été exclus sans ménagement du collège ministériel. Plus sérieusement et plus profondément, leur désaccord n’était pas seulement personnel, mais aussi politique. Mais l’autre, le disciple tant aimé du maître, l’enfant prodige de la famille ministérielle, le chouchou de la classe, quel autre motif à son ingratitude, à sa déloyauté, à sa rébellion, que son ambition dévorante ? Tu quoque mi fili…
Lorsque, sous la pression d’un ennemi plus fort que lui, Daech est contraint d’abandonner une ville ou un territoire dont il avait le contrôle, le prétendu Etat islamique recourt systématiquement, pour retarder sa défaite, pour gêner le vainqueur voire pour préparer son retour aux mines, aux snipers et aux cellules dormantes. Toutes proportions gardées, le chancelant pouvoir actuel a multiplié les obstacles sur la route de ses successeurs. C’est à ceux-ci qu’il reviendra de payer la note des mesures coûteuses et des grands projets que l’on a vu fleurir ces derniers temps : relèvement de l’indice des fonctionnaires, hausse du salaire des enseignants, vaste programme de construction de prisons, modernisation des autoroutes, démantèlement de la « jungle » de Calais… A eux de financer et de réaliser en vertu de la continuité de l’Etat des promesses qui ne sont pas les leurs ou d’y renoncer faute d’argent et de s’exposer au mécontentement. Et cela sous le regard et le contrôle des instances constitutionnelles, administratives, juridictionnelles, des Hautes autorités, des Hauts Conseils que le chef de l’Etat a truffés de ses créatures. On leur souhaite bien du plaisir.
Ce n’est pas d’aujourd’hui, hélas, qu’en vue d’une échéance électorale, redoutée ou même favorable, les cabinets présidentiels et ministériels se vident de leurs collaborateurs, qui n’ont pas trop de mal à trouver dans le secteur public ou dans le privé – le fameux « pantouflage » – la contrepartie de leur longue servitude et la récompense de leurs plus ou moins bons mais généralement loyaux services. Mais avec un tel sens de l’anticipation et dans de telles proportions, c’est ce que l’on n’avait jamais vu. Multinationales, grandes banques, établissements publics, inspection générale des finances, Conseil d’Etat, Cour des comptes, autant de points de chute rémunérateurs ou prestigieux sur lesquels on a vu s’abattre ces derniers mois et ces derniers jours, comme un vol de gerfauts, directeurs de cabinet, chargés de mission, conseillers spéciaux en provenance de l’Elysée, de Matignon et de tous les ministères. Ils sont cinquante-huit à ce jour, le dernier en date étant le bras droit – comme c’est étrange – de Mme Najat Vallaud-Belkacem. Les couloirs du sérail se vident, les palais de la République se muent en autant de châteaux de la France au bois dormant.
Ainsi, certains membres de l’équipage du Titanic n’hésitèrent-ils pas à précéder les passagers dans les canots de sauvetage du grand paquebot éventré par l’iceberg. A l’approche du naufrage, les rats quittent le pédalo.