Après tant de tumultes, après tant de péripéties qui ont marqué cette semaine de folie où de jour en jour, parfois d’heure en heure, se succédaient les déclarations définitives aussitôt démenties, les plus sombres pronostics et les coups de théâtre, par définition inattendus, qui faisaient osciller les Bourses, les banques et les opinions, alors que la situation semble enfin se clarifier et se stabiliser, essayons d’y voir clair.
Consulté par referendum le 5 juillet, le peuple grec a exprimé de la façon la plus claire ses sentiments et ses vœux : sa révolte, après cinq années d’une politique d’austérité qui a engendré de terribles souffrances sans donner aucun résultat, son refus des nouveaux sacrifices que prétendaient lui imposer, au nom sans doute de l’idéal européen, les créanciers sans entrailles qui n’ont cessé d’alourdir le fardeau de sa dette et de se payer sur la bête, son désir de retrouver la maîtrise de son destin avec sa liberté. C’était le sursaut magnifique de la fierté et de la dignité contre le diktat de l’étranger, dans une atmosphère de fête et de libération.
La fièvre du dimanche soir retombée, le même peuple, dégrisé, et son gouvernement, placé en face de ses responsabilités, ont retrouvé les tristes couleurs de la réalité : les caisses vides, et d’abord vidées par le remboursement des emprunts, l’économie et la société exsangues, hors d’état de survivre sans les perfusions que dispense ou supprime à son gré la direction de l’hôpital central européen. La peur de l’inconnu a fait passer son souffle froid sur cette nation de navigateurs. Elle reculait devant la perspective d’embarquer dans la nuit, par une mer démontée, avec un équipage inexpérimenté, sur un navire dont la coque est percée de trous, pour mettre le cap sur la liberté.
Renonçant à appliquer son programme, acceptant les contraintes qu’il refusait et que son peuple venait de rejeter, Alexis Tsipras est donc passé sous les Fourches caudines de l’Union européenne. Mais les concessions majeures qu’il a dû consentir n’ont de sens et n’ont été avalisées, avec une majorité écrasante, par le Parlement grec, qu’en échange des contreparties que prévoit la note grecque : reprise de l’aide financière interrompue et renégociation du calendrier de la dette.
L’immense espoir soulevé par la victoire de Syriza et de ses alliés, en janvier dernier, n’était-il qu’une grande illusion, et le sursaut du 5 juillet l’ultime réaction d’un grand peuple à l’agonie ? Alexis Tsipras va selon toute apparence disposer d’un délai pour remettre de l’ordre dans les affaires de son pays, qui en a besoin. Mais, les mêmes causes produisant les mêmes conséquences, la nécessité demeure de desserrer le carcan dans lequel une monnaie surévaluée, une politique erronée et les contraintes inhumaines qu’elles imposent aux plus faibles ont enfermé son pays. Au Premier ministre grec de mettre à profit le sursis qui va lui être accordé pour préparer avec les Etats du Sud – Espagne, Portugal, Italie… et France – également victimes d’un système qui les pénalise et qui les ruine, la sortie organisée, en commun, de la nouvelle prison des peuples.
Dominique Jamet
Vice Président Debout la France