Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Les mots ont-ils un sens ? Le président de la République et son Premier ministre ne cessent d’affirmer que nous sommes en guerre. Ils ne cessent pas non plus de refuser d’en tirer les conséquences. Drôle de guerre, drôle d’Etat
Sous le choc de la nuit sanglante du 13 novembre dernier, le Parlement avait voté l’état d’urgence. Après le carnage du 14 juillet à Nice, il en a décidé pour la deuxième fois la prolongation. Or, il est manifeste que l’état d’urgence n’est pas à la hauteur des ripostes qu’appelleraient l’ampleur de la menace terroriste et la gravité de la situation. Les quelques perquisitions administratives, les quelques assignations à résidence et les quelques internements qui en ont résulté n’ont ni sérieusement affaibli ni encore moins intimidé les réseaux djihadistes et le lâche assassinat du père Hamel, au lendemain du dernier vote du Parlement, est le plus sinistre des pieds de nez adressé par la terreur à la démocratie. La capacité de nuisance de Daech et de ses adeptes est intacte. Chacun en a pris conscience alors que le gouvernement au grand complet, comme en d’autres circonstances, plus tragiques encore, se rend à Notre-Dame de Paris comme pour conjurer le Ciel et le sort et tend le dos dans l’attente de l’inéluctable et prochaine tuerie.
Ce n’est pas l’état d’urgence, ce n’est pas l’opération Sentinelle qui expliquent qu’il n’y ait pas encore plus d’attentats, encore plus de victimes. Ce ne sont pas la détermination ni l’envie qui manquent à l’ennemi, mais seulement les moyens.
L’ennemi ? Mais oui. Daech, ce gang qui se prétend un Etat, cet Etat qui a tout d’un gang, a officiellement et publiquement déclaré la guerre à l’Occident et en particulier à la France. Cette guerre n’est pas une guerre classique, conventionnelle, encore moins civilisée, elle est asymétrique, elle est inégale, nous ne voyons pas comment nous pourrions la perdre, ce n’en est pas moins une guerre à outrance, une guerre à mort et nous ne faisons pas ce qu’il faut pour la gagner.
Un certain nombre – quelques milliers, semble-t-il – d’étrangers, de binationaux, de ressortissants français ont choisi de faire allégeance à l’Etat islamique et, infiltrés parmi nous, de s’en prendre de préférence aux populations civiles. Ces combattants irréguliers, ces combattants sans uniforme, ne relèvent d’aucune des conventions qui prétendent encadrer la guerre. Etrangers, ce sont purement et simplement des francs-tireurs. Français, ils se rendent de surcroît coupables d’intelligence avec l’ennemi. Ils ne s’excluent pas seulement de l’humanité, qu’ils détestent, mais de la communauté nationale, dont ils n’ont que faire, mais qui est parfaitement en droit de sanctionner, en urgence, et dans l’urgence qu’entraîne la guerre, le crime de haute trahison
Confrontées à des risques du même ordre, les démocraties n’ont survécu que parce qu’elles ont considéré que leur sécurité, que leur survie, que le salut public valaient bien quelques restrictions à leurs libertés. En 1939, la France a interné indistinctement tous les ressortissants allemands, au lendemain de Pearl Harbour, les Etats-Unis ont arrêté en totalité les Japonais, naturalisés ou non, résidant sur leur territoire.
Il n’est pas question aujourd’hui de renouveler les erreurs auxquelles ont pu donner lieu des mesures prises dans la hâte et la panique. Il est hors de question que les mesures à prendre, d’urgence, ne soient pas soumises à un contrôle a posteriori du pouvoir judiciaire. Mais il n’est pas acceptable de laisser en liberté, sous une prétendue surveillance qui n’a fait la preuve que de son inefficacité, les quelques milliers de fichés « S » qui ont fait le choix de la radicalisation, le choix de la guerre. Il serait injuste, il serait absurde de s’en prendre à l’ensemble des musulmans de France, que leur religion ne doit pas plus désigner à des représailles qu’elle ne doit protéger les tueurs potentiels de leur neutralisation. Mais qui parle de Guantanamo ? Il ne s’agit ni d’exterminer, ni de torturer, ni de brimer des prisonniers de hasard, mais de mettre hors d’état de nuire la Cinquième colonne où se recrutent les assassins, aussi longtemps que dureront les hostilités.
L’Etat de droit est le premier à souffrir de l’état de guerre. Mais quoi ? Depuis quand serait-il refusé à la démocratie le droit de se défendre contre la barbarie, qu’elle soit nazie ou islamiste ? Manuel Valls s’obstine à camper en-deçà de la ligne infranchissable que serait une dérogation temporaire à l’Etat de droit. Autant dire : « Périssent cent, mille innocents plutôt qu’un principe ! ». Il y viendra pourtant… lui, ou son successeur. Les scrupules qui le paralysent honoreraient un juriste, un prêtre ou un philosophe. Ils disqualifient un chef de gouvernement.
Dominique Jamet