Jamet le dimanche !
27 décembre 2015
AUTANT EN APPORTE LE VENT !
Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Le vent du changement s’est levé partout en Europe, ici comme une brise encore légère, là comme une tornade ébranlant les façades délabrées et mal reblanchies des vieux partis qui se croyaient de grands partis pour l’éternité. Il a soufflé en tempête, ces derniers temps, sur la Grèce où Syriza, surgie de rien, a balayé le PASOK et la Nouvelle, si peu nouvelle, Démocratie, puis sur l’Espagne où, dimanche dernier, deux mouvements dont le plus ancien a neuf ans et le plus jeune trois, Ciudadanos et Podemos, l’un assez semblable au MODEM, l’autre né de la protestation des Indignés, ont tenu en échec le PSOE, si peu socialiste, si peu ouvrier et le Parti populaire, qui ne l’est plus. Il y a dix ans les deux formations qui se succédaient au pouvoir depuis trois décennies regroupaient encore 87% des votants, il y a cinq ans 70%, la semaine passée 50%. !
Ce n’est évidemment pas un hasard si ces deux pays qui particulièrement éprouvés par la crise, l’austérité, la paupérisation et où les deux partis jusqu’ici dominants sont profondément gangrenés par l’exercice du pouvoir et la corruption, ont en quelque sorte donné le signal et ouvert la marche. Mais le désir et le besoin de renouveau se font sentir, je le disais, à travers tout le Vieux continent, partout où la prolifération et la professionnalisation d’une classe politique coupée des réalités, l’usure des systèmes, les menaces de tous ordres qui pèsent sur la personnalité, l’identité et l’indépendance nationales ont créé une rupture entre la caste et le peuple, les élites et les masses, ceux qui souffrent, en bas, et ceux qui profitent, en haut. Cette rupture prend des formes différentes suivant l’histoire, la situation et le tempérament de chaque pays: elle se traduit outre-Manche par la percée de nos amis d’UKIP, portés par la réaction d’un peuple qui veut garder la maîtrise de son destin, au-delà des Alpes par le succès public de Cinque Stelle, une bouffonnerie sérieuse qui atteste entre autres choses du peu d’estime dans laquelle le peuple italien tient la politique et les politiciens.
Et en France, direz-vous ? En France ? Eh bien, après les quatre avertissements, les quatre « chocs » successifs et de plus en plus spectaculaires des municipales, des européennes, des départementales et dernièrement des régionales, en vue des deux échéances essentielles, présidentielle et législatives, tout se passe désormais comme si la question n’était plus de savoir, de la gauche cacochyme en voie de dislocation, sinon de disparition, ou de la droite « républicaine » discréditée, voire disqualifiée par ses échecs et ses divisions, laquelle l’emportera et prendra le relais du quinquennat actuel, mais si à la vieille alternance usée jusqu’à la corde a succédé une insupportable alternative entre la continuité du système et l’aventure de l’extrême. Notre équation politique serait-elle réduite à ce point et les Français condamnés à un choix détestable entre ceux dont ils ne veulent plus et ce dont ils ne veulent pas ?
Il faut dire que tout a été fait depuis un quart de siècle pour faire monter le Front. Ostracisé, diabolisé, instrumentalisé, le Front national a été dans une première période agité comme un épouvantail dont la menace suffirait à assurer la pérennité des gens en place. Les manipulateurs victimes de leur propre piège ont tardivement compris qu’en faisant de l’entreprise familiale des Le Pen l’ennemi public numéro un et le seul concurrent officiellement reconnu, ils en faisaient aussi le premier bénéficiaire de leurs erreurs, de leurs fautes, de leur incapacité et de leurs trahisons. Ils lui ont assuré, avec ce statut privilégié, une fabuleuse publicité gratuite. L’UMPS a été le meilleur agent électoral du Front.
L’union qui s’esquisse désormais sous l’égide de la peur et l’empire de la nécessité entre droite « républicaine » et gauche institutionnelle est le meilleur argument du Front et le Front, devenu le repoussoir unique grâce auquel le système en perdition espère encore être reconduit, reste le meilleur allié et peut-être l’ultime espoir du système.
Ou le début de sa fin. Car le scrutin majoritaire, scrutin-guillotine pour les minorités, risque pour la première fois d’avantager ceux contre lesquels il a si longtemps fonctionné. Piège infernal.
Alors que les observateurs les plus sérieux n’excluent plus Marine Le Pen accède aux responsabilités nationales, qui peut dire si dans cette hypothèse la France serait gouvernée comme l’est le mouvement, à la schlague, ou conformément aux principes de la démocratie, qui peut dire ce que valent les solutions avancées par le F.N., qui peut dire ce qu’est le poids de son propre passé dans les structures politiques et mentales du Front, qui peut dire si, en passant des faciles promesses de l’opposition aux dures réalités du gouvernement, le Front, bazardant son idéologie et sa démagogie, ne se transformerait pas peu à peu en un bon gros parti de notables façon UMP ou si au contraire confronté à un climat insurrectionnel, manifestations, grèves, attentats,, prodromes de guerre civile, il ne reviendrait pas à ses fondamentaux originels ? Personne ne peut le dire, pas plus d’ailleurs les dirigeants du F.N. que ses électeurs actuels, ou que ceux qui, tentés de les rejoindre, avec pour seul argument : « pourquoi ne pas les essayer ? » On ne joue pas la France à la roulette russe.
Lors des régionales de mi-décembre, un événément s’est produit sur lequel les commentateurs et les médias n’ont guère insisté, démentis dans leurs prévisions, et surtout obnubilés qu’ils étaient par la montée du F.N. et la dramatisation qui allait avec. Debout la France est devenu, ex aequo avec le Front de gauche, le cinquième parti politique français. Notre progression, amorcée avec les européennes de 2014, s’est poursuivie. Il va de soi que nous aurions préféré passer devant les écologistes, qui ne nous précèdent désormais que d’une très courte tête, devant l’UDI, devant le PS., devant les « Républicains »… Chaque chose en son temps. L’essentiel demeure : présents dans toutes les régions, nous nous y sommes fait connaître et reconnaître, nous avons planté un nouveau jalon sur la route de l’avenir. Nous avons semé les graines. Nous récolterons les moissons.
Par où passera le changement qu’attendent les Français ? Où éclateront les « orages désirés » dont parlait Chateaubriand ?Nous n’avons pas les moyens financiers des partis qui ajoutent à la manne des subventions publiques les dons plus ou moins occultes de riches donateurs. Nous n’avons pas toujours l’écho médiatique qui s’attache aux mots et aux gestes des puissants ou qu’attire la démagogie. Nous ne jouons pas sur les passions, nous ne creusons pas les divisions, nous n’attisons pas les haines. Nous ne nous adressons qu’à la raison et au cœur. Nous voulons le renouvellement des idées et des hommes. Notre programme peut se résumer à quelques mots simples : l’intégrité, la compétence, la France. Donc, nous gagnerons.
Dominique Jamet