Je prends tous les paris : l’aéroport Notre Dame des Landes ne sera pas construit. Il est évident que les inconvénients pour le gouvernement de construire un nouvel aéroport l’emportent largement sur la modernisation de l’actuel aéroport de Loire Atlantique : coût, risques de manifestations violentes, départ probable de Nicolas Hulot etc….
Ce ne sera pas la première fois que l’on négligera la volonté populaire exprimée par référendum : le 29 mai 2005 le peuple français avait rejeté la nouvelle constitution européenne ce qui n’a pas empêché l’adoption par le Congrès, quelques mois plus tard de celle-ci.
Parallèlement le gouvernement actuel affiche une détermination à libérer la soi-disant zone à défendre (ZAD) occupée depuis des années par des extrémistes violents qui de toute façon n’ont pas l’intention de partir.
Il va donc falloir employer la force publique pour rétablir l’ordre. Or c’est une véritable opération de guérilla qui s’annonce.
Depuis des années les gouvernements de droite comme de gauche ont pris de regrettables initiatives visant à enlever aux forces de l’ordre des moyens tactiques d’agir.
La France est probablement la seule démocratie du monde où on constate une intervention incessante du pouvoir exécutif dans la bonne conduite des opérations des forces de l’ordre et de la justice, y compris dans des moments particulièrement tendus comme la neutralisation de Mohammed Merah.
Un ministre de l’Intérieur est bien entendu responsable et décideur mais il n’a pas à se substituer aux professionnels sur place pour donner des ordres opérationnels. Ceci est fondamental le gouvernement doit fixer des objectifs et une stratégie en accord avec les lois votées au parlement mais c’est aux services opérationnels à déterminer les moyens et les tactiques.
En d’autres termes ce n’est pas au gouvernement à décider s’il faut tel ou tel type de matériel pour rétablir l’ordre : c’est ainsi que sous le coup de l’émotion et pour des raisons purement politiciennes sans demander l’avis des services spécialisés les gouvernements de droite et de gauche se sont illustrés en supprimant des outils bien utiles .
Je fais bien sûr référence à la suppression des voltigeurs de la Préfecture de police par Pasqua et Pandraud en 1986 après la mort de Malik Oussékine et à l’interdiction de l’usage des grenades offensives par Cazeneuve après la mort de Rémi Fraisse à Sivens en 2014..
Toute opération de maintien de l’ordre comporte un risque et les réactions politiciennes, purement émotives, érodent peu à peu les capacités opérationnelles de forces de police et de gendarmerie. Pourquoi ne pas interdire aux services de police l’utilisation des armes à feu en cas de « bavure » et aussi des voitures en cas d’accident ?
Par ailleurs, depuis des années, on applique la théorie bien connue de disperser les manifestants au lieu de les interpeller : cette théorie est valable pour les manifestations traditionnelles mais en aucun cas lors des manifestations violentes : les casseurs partent et reviennent et très peu sont interpellés et encore moins condamnés.
Notre système judiciaire est ainsi fait qu’il faut pouvoir imputer une faute individuelle à un casseur pour pouvoir le condamner avec tous les inconvénients liés à la preuve quand des émeutiers sont casqués et nombreux.
Or, après les événements de 1968, le Parlement avait voté la loi du 8 juin 1970 qui instaurait la responsabilité collective et non plus individuelle pour les infractions commises lors d’émeutes ou en bande organisée.
Cet outil juridique était bien utile, il a été supprimé dès l’arrivée de la gauche au pouvoir le 23 décembre 1981 ce qui n’était pas une surprise car inscrit dans le programme de François Mitterrand mais jamais rétabli par la droite quand elle est revenue aux affaires.
Enfin Notre Dame des Landes n’est pas une situation de prise d’otages mais une situation de non droit. En d’autres termes, il n’y a aucune urgence à se précipiter pour rétablir l’ordre avec tous les risques de mort et de blessures inhérents à toute intervention et ceci que ce soit du côté des forces de l’ordre ou des émeutiers.
Bien au contraire, la bonne tactique consisterait à encercler la ZAD, à couper les ressources énergétiques et attendre la sortie des émeutiers quelle que soit la durée.
Mais ceci ne se fera pas car cette tactique n’est jamais employée : on aura donc et cela est à peu près certain des affrontements violents dont l’issue est incertaine à partir du moment où le Président et le Ministre de l’Intérieur sont près à reculer en cas de décès d’un manifestant, hypothèse qu’il ne faut surtout pas écarter.
Attendons sereinement le mois de janvier pour voir comment cette situation aberrante d’occupation illégale de terrains par des émeutiers se réglera en n’oubliant pas l’écrasante responsabilité des gouvernements précédents qui n’ont jamais eu ni la volonté et encore moins le courage de rétablir l’ordre public.
Eric Stemmelen, délégué national à la sécurité