Paris s’enorgueillit à juste titre d’un urbanisme et de monuments historiques, fameux et enviés mais pourtant durement mis à mal par ses édiles, qu’il s’agisse de grands projets hasardeux ou de décisions qui, au fil des jours, altèrent et flétrissent l’identité de la capitale.
On se souvient du feuilleton juridique de la Samaritaine où le Conseil d’État a finalement accepté l’ampleur des destructions et la rupture architecturale avec la rue de Rivoli. Le projet pharaonique de construction d’un court de tennis pour Roland-Garros dans les serres d’Auteuil a vu ses travaux provisoirement stoppés par l’intervention des héritiers de Jean-Camille Formigé, architecte des serres, pour dénaturation de l’œuvre. Au quotidien, les bancs publics naguère chantés par Brassens, dessinés par l’architecte Davioud au XIXe siècle dans le cadre d’un vaste programme de mobilier urbain destiné à embellir la ville, sont remplacés ici et là par des tabourets en plastique blanc peu propices aux amours débutantes. Le maire de la capitale qui, en toute modestie, veut « réinventer Paris », ne s’émeut ni de la présence pérenne de la grande roue plantée aux abords du jardin des Tuileries qui domine la place de la Concorde, ni de la saturation publicitaire illégale de sa ville pour laquelle elle vient de se faire épingler par une association de défense du patrimoine qui a déposé plainte.
En effet, à l’occasion du championnat européen de football, la ville s’est couverte de bannières publicitaires accrochées aux lampadaires urbains, vantant, en toute illégalité, les mérites de l’UEFA mais aussi de Coca-Cola, Adidas, Mc Donald’s, Turkish Airlines, Orange et autres marques (17 en tout). Ces bannières voyantes qui défigurent le Champ de Mars, la place d’Iéna, la perspective des Champs-Élysées et tant de lieux parmi les plus prestigieux, contreviennent au code de l’environnement et au règlement local de publicité de Paris, car interdites sur les installations d’éclairage public, aux abords de monuments classés et dans les sites classés. Certaines bannières, de 4 mètres de hauteur, contreviennent aussi à la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, parce que rédigées en anglais et sans traduction ( « Meet Europe’s Best » entre 2 bannières de Turkish Airlines sur les Champs-Élysées). On reste effaré de l’absence totale de conscience patrimoniale qui a autorisé cette pollution publicitaire sans précédent, jusque dans l’usage de la langue française, oubliée pour la circonstance.
Dans l’actualité de l’Euro 2016, il était permis de rêver une autre image à donner aux touristes et à la presse internationale que celle d’une capitale transformée en gigantesque ville des marques, et une autre ambition pour la fonction de maire de Paris que le rôle symbolique de femme-sandwich.
Evelyne Thomas
Déléguée nationale à la Culture