L’opportunité inouïe qu’offre le Brexit à la France et à l’Europe n’est pas comprise comme telle. Il faut donc y revenir, car il est indispensable de débattre avec clairvoyance de ces questions géostratégiques vitales pour notre pays.
La seule question, en effet, qui doit être considérée est celle de l’intérêt de la France et des Français.
Or MM. Sarkozy, Hollande et maintenant Macron ont résolu de devenir des collaborateurs attentionnés de Mme Merkel. Certains voient le départ du Royaume-Uni comme une délivrance, une revanche historique, une chance pour une Europe-toujours-plus, à la Barnier.
Non seulement on célèbre l’axe Paris-Berlin (alors qu’il est déjà depuis longtemps Berlin/Paris) mais on entend même reparler d’un avenir radieux pour une ”Europe carolingienne” (sic) qui curieusement s’étendrait de Brest à Vladivostok, englobant les Russies d’Europe et d’Asie…
La géostratégie d’une nation comme la France, qui conditionne son avenir et même sa survie, ne peut pas être abandonnée à des appréciations politiciennes ou comptables conjoncturelles (comme le font nos derniers présidents), ni à une poésie historique fumeuse.
Et d’ailleurs historiquement fausse. Le moment carolingien, issu d’une invasion guerrière, a, dans son sens politique, duré 40 ans, il y a 13 siècles, et a nous a maintenus dans un système de castes pour mille ans. L’Espagne et le sud de la France étaient occupés par l’Islam, la Bretagne libre, la Russie hors champ.
Certes, la Russie sera tôt ou tard notre grand partenaire ; mais les Russes veulent-ils de l’Allemagne ? Poser la question c’est y répondre car il y a non seulement dans le peuple russe le souvenir omniprésent du drame effroyable infligé par les troupes allemandes lors de la dernière guerre, mais aussi le simple constat, par les responsables russes, que l’Allemagne pro américaine, otanienne, bruxelloise, pourrit la situation en Ukraine, s’en sert pour saboter le rapprochement avec la Russie, installe des dizaines de nouvelles fusées nucléaires US sur son territoire, braquées sur Moscou.
Il ne s’agit pas ici – au rebours – de plaider quelque anglolâtrie mais simplement de constater que le Royaume-Uni est un partenaire incontournable et plus pertinent pour notre intérêt national présent et futur que l’Allemagne. Et de ne pas laisser repartir notre voisin vers les USA (ce fils géant, ingrat et un peu vulgaire). Le R-U est, en Europe, la seule puissance maritime avec nous, la seule puissance ultramarine avec nous, la seule puissance nucléaire avec nous, le seul membre du conseil de sécurité avec nous, notre seul partenaire compétent pour des OPEX.
A l’autre bout du tunnel sous la Manche c’est un partenaire industriel, militaire et commercial essentiel.
On entend même reparler de la Guerre de Cent Ans (!), qui ne fut qu’une guerre civile franco-française de succession dynastique, il y a 6 siècles (sans parler de Cauchon), et qui ne doit pas faire oublier la fraternité d’armes avec les Anglais et les Écossais lors des 2 derniers conflits et nos immenses cimetières militaires communs.
Face à 3 guerres d’agression barbare venues du Rhin en 70 ans…
Mais il s’agit à présent de se servir de la divine opportunité du Brexit pour refonder totalement l’Europe, celle-ci ayant définitivement échoué pour s’être fourvoyée.
Cette Europe nouvelle et vraie ne saurait exclure quiconque: ni l’Allemagne, ni le Royaume Uni, ni, à terme, la Russie…Mais il ne pourra s’agir que d’une Europe des Nations, y compris pour sa monnaie, sa défense, son économie, ses frontières, alors que l’Allemagne veut maintenir le système actuel qui lui est favorable et nous tue à petit feu. Depuis le discours de de Gaulle en 1949 (”faire l’Europe avec pour base un accord entre Français et Allemands [puis] tout entière avec la Russie, dût-elle changer de régime”), certes visionnaire, les circonstances ont immensément changé : chute de l’URSS, réunification allemande, OTAN, mondialisation, euro, migrations de masse, islamisme, effondrement industriel, Chine. De Gaulle serait hostile à tout cela.
On oublie trop souvent que le Royaume Uni s’est impliqué à l’origine des grands projets industriels communs (Ariane, Airbus), était prêt à construire avec nous avions et porte avions, et qu’en revanche, désormais, pour son malheur, Airbus est aux mains d’un Allemand qui y a introduit un recyclé du…Pentagone. Que l’€ est allemand et que c’est notre erreur tragique de ne pas avoir entendu les Anglais qui avaient raison de proposer une monnaie commune. Que si le fusil de l’armée française est fabriqué – ce qui est un scandale national- en Allemagne, il n’arrivera jamais que l’Allemagne nous achète des Rafale: elle se fournira toujours aux USA. Enfin les dernières déclarations de politiciens allemands rejetant le quémandage par Macron d’un grand plan de relance étaient humiliantes : ”pas de cadeau pour les Français”. Ce voisin qui nous a fait trois terribles guerres d’agression en soixante-dix ans (2 millions de tués chez nous), jaloux de notre puissance politique bien supérieure (ayant fait échouer l’Union méditerranéenne), entendrait nous la faire payer économiquement, s’est placé sous la tutelle militaire américaine, a poussé – en couvant le très discutable régime ukrainien – à nous brouiller avec la Russie.
Concluons en empruntant à la remarquable lettre de géopolitique de Mme Nouaille (Lettre de Léosthène), citant une spécialiste de l’École de guerre qui entrevoit le risque réel que la France, se plaçant délibérément sous chaperon financier allemand, brade sa liberté militaire, financière, stratégique et diplomatique, industrielle – comme pour Airbus – et d’armement (le nouveau fusil d’assaut). Mais le choix d’Emmanuel Macron semble déjà fait.
L’Allemagne n’est plus un ennemi mais un concurrent dominateur, voire méprisant. Elle ne nous apporte absolument rien (si ce n’est des millions d’immigrants ), et, quand elle le peut, nous met les bâtons dans les roues comme dans l’échec de l’Union de la Méditerranée.
Le Royaume-Uni est soucieux de son intérêt (objectif qui nous échappe depuis Mazarin et Colbert, puis de Gaulle) mais nous avons beaucoup d’intérêts et de buts communs.
Utilisons l’indispensable Angleterre pour mettre à bas la Commission européenne et reconstruire une Europe confédérale qui fonctionne de bas en haut et non plus de haut en bas.
Ne soyons pas chimériques et défendons âprement l’intérêt national, pied à pied. Car ce n’est que comme cela en politique étrangère.