Nous devons tous aujourd’hui entamer un mea culpa devant la démonstration d’intégrité, de professionnalisme et d’impartialité offerte par Le Monde à l’occasion des récents événements en Grèce.
Grâce au travail du valeureux journaliste d’investigation ayant rédigé son portrait (publié dans l’édition du mercredi 28 janvier), j’ai ouvert les yeux sur le vrai visage de Panos Kammenos – président des Grecs indépendants, allié historique de Debout la France et nouveau ministre de la Défense dans le gouvernement d’Alexis Tsipras. Je croyais avoir affaire à un souverainiste issu de la droite modérée, un patriote sincère prêt à travailler avec tous dans l’intérêt de son pays, y compris avec la gauche radicale. En réalité, il n’est qu’un affreux extrémiste de l’espèce la plus rance.
Les charges avancées par notre procureur journalistique sont accablantes. Imaginez donc : Kammenos serait « populiste » ! Crime suprême de notre temps, tare incompréhensible de ceux qui n’ont pas renoncé à parler au peuple qu’ils sont censés servir, à revendiquer un récit national que le grand effacement européen devrait reléguer aux oubliettes de l’histoire. Preuve en est : n’a-t-il pas fondé son parti dans le village de Distono, théâtre du massacre de centaines de civils grecs par la Waffen-SS ? Les crypto-fascistes d’aujourd’hui pousseraient donc le vice jusqu’à dénoncer les crimes nazis, par pure détestation de l’Allemagne – alors que celle-ci s’est montrée admirable de douceur envers la Grèce depuis plusieurs années…
Kammenos serait aussi « ultraconservateur », voire « réactionnaire », car il s’oppose au mariage homosexuel et défend régulièrement l’Église grecque. Pour le premier point, passons vite : depuis l’année 2013 en France, on sait bien qu’émettre la moindre réserve quant à l’intérêt de l’enfant ou aux bouleversements de la filiation constitue une preuve d’homophobie. Quant au second aspect, il est indéniable que vouloir préserver l’une des seules institutions qui tiennent encore debout dans un pays en ruines – où 98% la population se déclare chrétienne orthodoxe – relève du cléricalisme le plus obscur.
Montons dans la gamme des accusations : notre homme serait « xénophobe », voire « raciste » (le terme est employé par l’insoupçonnable Daniel Cohn-Bendit dans un entretien à Libération), parce qu’il souhaite réduire significativement l’immigration en Grèce. Pourtant, chacun sait que le contexte économique justifierait pleinement des arrivées supplémentaires, considérant la situation de suremploi dans le pays ! Le fait que celui-ci soit devenu la porte d’entrée vers l’Europe de 80% des clandestins n’a que peu d’importance.
Une question demeure : dans de pareilles conditions, comment Syriza a-t-il pu accepter de former une majorité avec cet énergumène ? Évidemment, je n’ose imaginer que le traitement de Kammenos par nos médias puisse être lié à son programme de rupture avec la Troïka, à la fois plus affirmé et plus responsable que celui de Tsipras.
Une telle mauvaise foi contre les adversaires crédibles de Bruxelles… Ce serait du jamais vu.
N’est-ce pas ?
Cécile Bayle de Jessé
Déléguée nationale à l’Epanouissement familial