Aujourd’hui, l’ancien garde des sceaux Robert Badinter a remis à Matignon son rapport sur les 61 principes essentiels devant régir le futur code du travail. Tout en respectant l’homme qui a montré souvent une grande clairvoyance et une rare honnêteté intellectuelle (ainsi que son épouse Elisabeth actuellement sur le droit des femmes attaqué avec une rare violence par les islamistes), dans le cas présent, il se laisse utiliser comme contre-feu à l’immobilisme du gouvernement qui n’ose pas affronter les vraies réformes, comme sait si bien le faire François Hollande, en bon tacticien de la tambouille politique.
Tout d’abord, il convient de noter que dans cette commission chargé de rendre cet avis, aucun représentant du monde économique n’a été associé. Seuls des magistrats, professeurs de droit ont été nommés, alors que l’on sait pertinemment l’écart qui s’accroit entre nos élites et le monde réel et cela aurait pu être l’occasion de réunir ces deux mondes spécialistes du droit du travail.
Alors qu’il est essentiel de sauver nos emplois, de s’attaquer au chômage qui mine notre pays, nos concitoyens, nos comptes sociaux, et notre avenir, ce rapport ne permet pas d’aborder l’élément essentiel qui cause la chute de notre économie à savoir la fameuse directive des travailleurs détachés. Cette réglementation inacceptable crée une concurrence déloyale entre les différents pays européens. Elle oblige à cotiser dans les pays d’origines alors même que la prestation de travail a été faite en France, et soumets ces entreprises étrangères à des cotisations plus faibles que nos propres entreprises… Or, nul n’ose attaquer cette réglementation injuste car ce serait reconnaitre que notre fameuse Union Européenne est co-responsable du chômage en France. Et cela, c’est un tabou dans notre pays qui se targue pourtant de libre expression… !
Que des adaptations soient indispensables est une évidence car ce code du travail est devenu monstrueux et qu’aucun employeur n’est désormais capable de l’appliquer tant il est devenu complexe. Il crée une relation de méfiance entre les salariés et l’employeur. Il crée une confusion souvent injuste et est source d’un climat négatif en entreprise. Il mérite une refonte et une réécriture. Mais ce rapport, car ce n’est pas son objet, ne traite nullement des coûts du travail, de la sécurisation que tout employeur et salarié devraient avoir, et notamment n’évoque nullement la sécurisation juridique qui fait fuir tant d’employeur sous d’autres cieux plus cléments…
N’oublions pas que notre droit du travail a été patiemment construit par deux siècles d’avancées sociales, par l’influence des catholiques sociaux et par celle des courants socialistes et qu’il est indécent de vouloir mettre de force un ultralibéralisme même si Bruxelles l’exige. Il est toutefois à noter que personne ne se pose la question de l’application du code du travail aux fonctionnaires…
En revanche, regardons de plus près le calendrier proposé afin de déterminer la réelle volonté politique de réforme…
Cette réforme devra se faire en concertation préalable avec les partenaires sociaux, en évoquant une négociation loyale… C’est tout dire du crédit que porte l’actuel gouvernement envers les partenaires sociaux. Nous savons parfaitement que les syndicats français (aussi peu représentatifs qu’ils soient malheureusement) n’accepteront jamais une réforme du code du travail. Cela devrait nous amener à nous poser enfin la question de la représentativité de nos syndicats et des raisons profondes qui aboutissent à ce manque de crédibilité de nos syndicalistes, similaire à ce que les français reprochent à nos politiques.
En réalité, cette « grande réforme » n’aura pas lieu avant 2018. En effet, le gouvernement se donne deux années pour mener à bien cette réforme, soit un objectif de calendrier se situant en janvier 2018. 8 mois après l’élection présidentielle ! Il s’agit encore d’un effet d’annonce permettant de faire croire « au bon peuple » que le gouvernement s’attaque aux réformes indispensables. Le gouvernement pourra en cas de lenteur mettre en cause les syndicats et non pas sa propre responsabilité. Et il laissera le chantier inachevé au prochain Président de la République…
Gerbert Rambaud