Il est de ces formules qu’un responsable politique traîne derrière lui comme un boulet pour des décennies. Il en fut ainsi de François Mitterrand avec son “contre le chômage, on a tout essayé” et de Lionel Jospin avec “l’Etat ne peut pas tout faire”. Nicolas Sarkozy parlait beaucoup pour ne rien faire. François Hollande a choisi pour ne rien faire d’en dire le moins possible. Mais comme il faut bien qu’il parle un peu, il a peut-être forgé son boulet aujourd’hui.
Comme on ne peut pas imaginer que le Président de la République abuse des stupéfiants dont son ministre de l’Education prône la libéralisation, il faut bien en effet prendre au mot ce qu’il nous déclare dans “Le Monde” de ce jour : “Euro : le pire est passé”.
Depuis 2008, c’est la presse qui nous avait habitués à ces enthousiasmes d’un instant : à intervalles réguliers on nous y a annoncé que la crise était finie avant de constater immédiatement – parfois en quelques jours- qu’il n’en était rien. Mais c’est maintenant le chef de l’Etat qui prend hélas ses désirs pour des réalités – c’est pourrait-on dire le résumé de sa politique – et c’est plus grave.
Le sommet européen de demain, nous dit-on, devra décider urgemment de ne rien faire de plus en matière de contrôle des banques parce que le feu serait éteint. C’est un mensonge, un de plus. La vérité est que plus personne n’est d’accord sur rien. D’un côté l’Allemagne et ses partenaires économiques traditionnels sont debout sur le frein pour ne pas avoir à financer la spirale de récession dans laquelle se trouvent enfermés la Grèce, l’Espagne, le Portugal et désormais la France. Ils veulent bien la solidarité européenne, mais à une condition : celle des “réformes structurelles”, c’est-à-dire la réduction des budgets sociaux et la poursuite de la pression à la baisse sur les salaires, bref à nous rapprocher du modèle chinois : dictature au sommet, travail esclavagisé à la base. Et ils sont persuadés que les pays du “Club Méditerranée” en sont incapables. Tous les autres pays, à des degrés divers, tentent un numéro d’acrobatie impossible : combler le déficit de la dette publique par des politiques d’économies drastiques sans aggraver la récession économique, pourtant elle-même cause du déficit public par manque de recettes.
C’est désormais l’Europe à deux – ou trois – vitesses qui est l’ordre du jour : une zone autour de l’Allemagne, une zone pour le Sud. Nul ne peut reprocher à l’Allemagne de défendre ses intérêts, même si on peut penser que c’est une politique à courte vue : que deviendra son économie dans une Europe économiquement exsangue ?
Mais le Président Hollande, comme hier le Président Sarkozy, a renoncé à une politique indépendante et sa politique, comme celle de Sarkozy est de rester arrimé à l’Allemagne. La dose de croissance qu’il a fait ajouter au traité ‘M.E.S.” de son prédécesseur à les proportions du pâté d’alouette fait à 80% de viande de cheval.
La crise de l’Euro va continuer parce qu’une monnaie unique est incapable de survivre sur la base d’économies divergentes. En ne remettant pas en cause l’Euro cher et non dévaluable, en continuant à faire dépendre les budgets des Etats des taux d’intérêts privés, en ne rétablissant pas de frontières économiques pour faire face à la concurrence déloyale, la politique de François Hollande est une équation sans solution.
Pendant que le Président se croit soulagé, l’hémorragie des entreprises et de l’emploi s’aggrave tous les jours. Les hausses d’impôts sont donc sa seule solution avec les coupes dans les dépenses : le remède va tuer le malade.
Nous prenons date : François Hollande n’est plus muet, il est aveugle.
François Morvan
Vice-Président de DLR