FIGAROVOX/LETTRE OUVERTE – Paul Magnette, chef socialiste de la région wallonne, a réitéré son rejet du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada. Nicolas Dupont-Aignan demande solennellement un débat et un vote parlementaires sur le CETA.
Nicolas Dupont-Aignan est député de l’Essonne et président de Debout la France.
Madame la Députée, Monsieur le Député, Cher(e) Collègue,
C’est un véritable cri d’alarme que je souhaite vous faire entendre par ce courrier, à propos du projet de traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.
Le CETA, constitue un texte hasardeux – voire franchement nocif – pour nos modèles économiques et sociaux européens.
Vous le savez, ce traité, le CETA, constitue un texte hasardeux – voire franchement nocif – pour nos modèles économiques et sociaux européens, dont les modalités de mise en œuvre risquent, de surcroît, rien moins que de vider de leur substance les prérogatives de ratification de notre Parlement.
En effet, ce traité va partiellement entrer en application dès sa signature, avant toute ratification, sur ses volets relevant de la «compétence exclusive» de l’Union européenne – du fait du byzantinisme juridique du droit communautaire, il n’est même pas possible d’identifier précisément les dispositions correspondantes du traité qui seront concernées. On comprend dès lors pourquoi le gouvernement devrait être d’une vigilance et d’une transparence absolues avant de signer. À défaut, de nombreuses dispositions du CETA seront mises en œuvre aussitôt, ajoutant à la difficulté politique de revenir sur l’engagement de la France vis-à-vis de ses partenaires et de l’UE, celle, technique, de défaire son entrée en application dans le champ de l’économie concrète.
C’est ainsi un véritable engrenage qui sera enclenché dès la signature du CETA et qu’il sera quasiment impossible d’arrêter des mois plus tard, lors d’une ratification qui ne pourra plus être que formelle. C’est une atteinte grave à la démocratie dont nous devrions être les garants!
La courageuse résistance du Parlement wallon a heureusement grippé la mécanique bien huilée échafaudée par la Commission de Bruxelles.
La courageuse résistance du Parlement wallon a heureusement grippé la mécanique bien huilée échafaudée par la Commission de Bruxelles. Son refus réitéré, lundi soir, de ratifier le CETA constitue à cet égard une bonne nouvelle, mais il ne fait pas disparaître définitivement la perspective d’une signature ultérieure.
Par contraste, l’incohérence, voire la duplicité, des gouvernants français est abyssale et parfaitement inacceptable. Comment, en effet, l’exécutif peut-il arguer des dangers du TAFTA pour suspendre les pourparlers avec les États-Unis et affirmer simultanément que l’accord avec le Canada, qui en est de toute évidence le cheval de Troie, sera bénéfique pour l’économie française?
Dès lors, quel peut être l’objectif du gouvernement sinon d’endormir les Français et leurs parlementaires face aux redoutables enjeux, de fond comme de forme, de ces traités? Après avoir tenu à l’écart les élus et la société civile des processus de négociation, méticuleusement maintenus par Bruxelles dans la plus totale opacité, et avoir fait semblant de donner suite aux légitimes inquiétudes en suspendant les pourparlers avec Washington, cette ultime manœuvre est purement scandaleuse.
Quel peut être l’objectif du gouvernement sinon d’endormir les Français et leurs parlementaires face aux redoutables enjeux de ces traités ?
Il est ainsi clair que les multinationales américaines qui sont présentes au Canada et qui bénéficient de toutes les facilités que leur procure l’ALENA pour ce faire, seront très vraisemblablement en mesure d’opérer en Europe à de bien meilleures conditions qu’aujourd’hui via le CETA – et même si le TAFTA lui-même est finalement abandonné. Il s’agirait alors d’une ouverture unilatérale de nos marchés sans aucune réciprocité côté américain!
En outre, cet accord contient nombre de dispositions proches de celles jugées dangereuses dans le cas américain, à commencer par le mécanisme des tribunaux arbitraux – quand bien même seraient-ils composés de juges professionnels (agissant dans le cas d’espèce comme des acteurs privés) -, qui risque de faire de la souveraineté de la loi et du Parlement une coquille vide.
De même, au plan sectoriel, parmi les nombreuses inquiétudes que soulève le CETA, je relève par exemple celle de nos éleveurs, qui vont se trouver aux prises avec un raz de marée de viande bovine et porcine de haute qualité saturant fatalement le marché européen. La filière laitière française est d’ores et déjà menacée de mort à cause de la suppression des outils de régulation européenne, veut-on aussi précipiter les éleveurs dans les affres de la surproduction?
Cet accord contient nombre de dispositions proches de celles jugées dangereuses dans le cas américain.
Quant à l’accès aux marchés publics canadiens qu’invoquent si souvent les partisans du CETA, pourquoi ne pas plutôt commencer par supprimer l’anomalie actuelle de l’accès unilatéral du Canada, sans aucune contrepartie sérieuse, aux marchés européens? En effet, aujourd’hui l’Europe n’a accès qu’à 10% des marchés publics canadiens contre 90% dans le sens inverse. Le CETA ne remédiera même pas à cet incompréhensible déséquilibre puisqu’il ne prévoit qu’une ouverture du Canada à hauteur de 30% de ses marchés publics!
Enfin, même déséquilibre concernant les indications géographiques. Sur 1349 indications géographiques européennes, seulement 173, soit 12%, sont reconnues par l’accord. Le Canada maintiendra même certaines appellations similaires et protégera l’usage de certaines d’entre elles par des personnes de droit canadien qui les ont utilisées, pendant au moins 10 ans, avant 2013.
Sur cette question d’importance cruciale pour l’avenir de la France comme de la dignité du Parlement, la responsabilité de chaque parlementaire est historique !
Ainsi, sur le fond lui-même il n’est pas du tout avéré que ce traité de libre-échange soit si favorable aux Européens. D’ailleurs, les prévisionnistes eux-mêmes ne s’accordent aucunement sur les effets de ce texte: nombre d’entre eux rompent ainsi l’unanimisme de façade, que l’on nous sert depuis des années en Europe, en estimant que l’UE sera perdante.
Un accord manifestement déséquilibré au détriment de l’Europe et dont la simple signature empêchera en tout état de cause d’en refuser la ratification. C’en est trop! Sur cette question d’importance cruciale pour l’avenir de la France comme de la dignité du Parlement, la responsabilité de chaque parlementaire est historique!
C’est pourquoi je vous propose d’entrer solennellement en résistance en exigeant du gouvernement l’organisation d’un débat suivi d’un vote sur l’acceptation ou non par notre pays de toute mise en œuvre partielle et provisoire du CETA dès lors qu’il serait signé.
Je serais heureux de pouvoir en discuter de vive voix avec vous et me tiens à votre disposition pour échanger tant que de besoin sur toute action susceptible de préserver la liberté du Parlement et défendre les intérêts du peuple français.
Nos concitoyens ne comprendraient pas qu’une fois de plus le gouvernement, complice de l’Union européenne, qui se fait hélas davantage le porte-parole des grands intérêts plutôt que le défenseur de l’intérêt général, puisse passer en force sur des traités qui menacent clairement leur avenir et leur liberté. Les Français comptent sur nous!
Confiant dans votre vigilance et votre refus de ce fallacieux cours des choses, je vous prie de croire, Madame la Députée, Monsieur le Député, Cher(e) Collègue, à l’assurance de toute ma considération.
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