« In Reality » est une émission web (« podcast ») américaine qui « prône la vérité ». En faisant intervenir des leaders, entrepreneurs, journalistes et responsables politiques, cette émission « combat la désinformation toxique qui a empoisonné le discours et menacé la démocratie ». Une sorte de France Inter à la sauce états-unienne, en somme.
L’émission du 16 août 2023 est particulièrement intéressante. Elle a été réalisée le soir d’un sommet de la fondation Nobel sur « vérité, confiance et espoir » et promue par l’Académie nationale (américaine) des sciences via leur lettre d’information. Le sujet était « Comment faire en sorte que les gens croient à nouveau en la science ? » [1] et avait comme cible « le rôle du dogme anti-vax » et « le déni climatique ». Les invités étaient Marcia Macnutt, présidente de l’Académie, et Vidar Helgesen, directeur exécutif de la fondation Nobel. Ils ont souligné que la baisse de confiance qu’on observe aujourd’hui en la science est presque entièrement liée à la pandémie covid-19, à cause du « mouvement anti-vax », et, en moindre mesure, aux « propagateurs de la désinformation du changement climatique ».
La conclusion qu’on tire des 37 minutes de cette émission est plus que décevante. Les intervenants ont certes raison d’affirmer que ce n’est pas la compétence des scientifiques qui est remise en cause par le citoyen, mais la confiance que ceux-ci travaillent dans l’intérêt général. Mais les intervenants passent sous silence la cause principale de cette perte de confiance : les conflits d’intérêts qui ont été mis au grand jour par la gestion catastrophique de la récente crise sanitaire. Pire encore, ils présentent la science comme matière de consensus global, en laquelle il faut « croire ». Or, la science avance toujours en se remettant en question. Les certitudes d’aujourd’hui sont très souvent les doutes de demain, tout simplement car l’évolution des connaissances fait que ce qui nous semble la règle aujourd’hui peut se révéler l’exception dès qu’on atteint une vision plus globale. Le consensus en science est rare : ce n’est qu’au bout d’un long processus d’analyse d’un très grand nombre de données qu’on peut raisonnablement affirmer d’avoir obtenu un degré de connaissance et de compréhension qui ne sera plus remis en question.
La stratégie choisie pour rétablir la confiance consiste à ostraciser tous ceux qui ne suivent pas la doxa, en les faisant passer pour des propagateurs de « désinformation », alors que bien souvent ils ne font que ce que la science a toujours fait : remettre en question la version officielle. C’est une attitude que l’on retrouve chez les fanatiques religieux, pour qui le doute est un péché. Constater que des représentants d’institutions scientifiques prestigieuses se comportent comme des prêcheurs d’une vérité absolue doit nous inquiéter sur la poursuite des dérives totalitaires et liberticides dont nous avons fait l’amère expérience lors de restrictions sanitaires.
[1] https://www.in-reality.fm/why-does-truth-trust-and-hope-in-science-need-to-be-saved/