Après la 6e ème agression terroriste à l’encontre des militaires de l’opération Sentinelle agissant en patrouille préventive sur le territoire français, la question de mettre un terme à ce dispositif est plus que jamais d’actualité.
Depuis janvier 2015 et les attentats de Charlie le gouvernement de l’époque avait mobilisé 7 000 militaires dont 3 500 dans la seule région Ils de France pour sécuriser les lieux publics et ceci dans le cadre du plan Vigipirate à son plus haut niveau depuis des années.
Cette opération a atteint ses limites non seulement sur les effectifs déployés car l’armée française est actuellement engagée sur de nombreux fronts que ce soit au Proche Orient et en Afrique mais également sur les missions données aux militaires de Sentinelle : protéger les populations, dissuader les terroristes ….en pratique des missions de prévention. Or les militaires ne sont pas du tout formés à ce type de missions qui se déroulent en temps de paix sur le territoire national et non à l’étranger sur un territoire hostile.
Il se trouve que les terroristes sont aussi des citoyens français agissant en France d’où la difficulté de l’exercice car les actions de prévention et de répression sur le territoire national sont du ressort du ministère de l’Intérieur (police et gendarmerie) et non de celui des armées (ou anciennement de la défense nationale).
Les autres pays européens confrontés aux actes terroristes ont aussi fait appel à leurs forces armées en cas d’attaque terroriste mais celles ci ne sont restés en position que quelques jours : la France est le seul pays à garder des patrouilles militaires en permanence : cette situation était celle de l’Irlande du Nord du temps de l’IRA.
Or nos militaires sont des cibles faciles pour deux raisons essentielles
- Ils sont facilement identifiables avec leurs uniformes et donc si leur présence peut rassurer la population ils constituent des cibles de choix pour les terroristes qui ont dans tous les cas l’avantage de se fondre dans la population.
- Les techniques de progression dans les rues ne sont pas adaptées à la situation.
Ce dernier point est le plus crucial : nos militaires en patrouille dans les rues avancent lentement en progression en triangle ce qui est satisfaisant, par contre ils ne se retournent quasiment jamais. Or le danger vient surtout de l’arrière dans le cadre d’une patrouille dans les rues d’une ville française (cas différent bien évidemment à l’étranger dans une zone hostile). A la Défense et à Orly, les agresseurs ont laissé passer une patrouille pour ensuite attaquer par l’arrière. J’ai moi même fait l’expérience à la gare Montparnasse d’être présent 10 minutes derrière des militaires qui ne se sont jamais retournés , mais ce fut aussi le cas à Roissy CDG derrière des CRS : il serait grand temps de revoir la formation des militaires et des policiers dans ce domaine.
Enfin un point fondamental mérite d’être éclairci par les autorités de ce pays : Lors de l’attentat du Bataclan , il y avait 8 militaires de l’opération Sentinelle sur place dans les minutes qui ont suivi l’intrusion des terroristes.
La réalité est la suivante ( j’y reviendrai prochainement dans un autre article) : ces militaires ont d’une part refusé d’intervenir n’en ayant jamais reçu l’ordre , en fait pire : l’ordre leur ayant été donné par leur hiérarchie militaire et par l’autorité civile à savoir le Préfet de Police de ne pas intervenir mais ce n’est pas tout : ils ont refusé, en application stricte du règlement , de prêter leurs armes (fusil d’assaut FAMAS) aux quelques policiers présents : ceux de la BAC lesquels sont intervenus immédiatement avec leurs seules armes de poing.
Je n’oublie pas aussi le refus de faire appel aux 45 gendarmes du GIGN présents à la caserne des Célestins et qui malgré leu expertise n’ont jamais reçu l’ordre d’intervenir au motif que Paris était en zone police : on a donc préféré attendre l’arrivée du RAID et de la BRI plus d’une heure après le début de l’attaque terroriste : bilan 90 morts en grande partie à cause du respect des textes.
L’argumentation de la hiérarchie militaire prêterait à sourire si ce n’était tragique : les militaires ne prêtent pas leurs armes, ils n’étaient pas en situation de guerre, ils étaient à la disposition de l’autorité civile etc.. et surtout ils n’étaient pas en état de légitime défense !!!
Rétablissons la vérité sur 2 points :
- Tout policier a sur lui une carte de police qui en fait est une carte de réquisition des autorités civiles et militaires. En droit au Bataclan les militaires présents pouvaient être réquisitionnés directement par les policiers présents et a fortiori par un OPJ sans avoir besoin d’une autorisation de leur hiérarchie ou du Préfet de Police.
- La légitime défense est une notion juridique définie par l’article 122 – 5 du Code Pénal . IL faut donc rappeler à la hiérarchie militaire (et aussi à Georges Fenech ancien magistrat et député) que le Code Pénal s’applique sur le territoire français aux militaires français d’une part et surtout que la légitime défense ce n’est pas uniquement pour soi même mais aussi pour autrui.
Ce jour là le 13 novembre 2015 au Bataclan les autorités civiles et militaires françaises ont failli à leur devoir de protéger la population : le reste n’est qu’arguties juridiques : les familles des victimes apprécieront !
Ce rappel de ce qui s’est passé au Bataclan, n’ayant entraîné comme d’habitude ni excuse, ni regret, ni sanction pose la même question qui est toujours d’actualité : à quoi sert donc d’avoir des soldats dans nos rues si leur engagement sur le terrain est subordonné à de telles conditions d’engagement qu’il est permis de douter de leur efficacité opérationnelle ?
Bien évidemment les dernières interventions des militaires de l’opération Sentinelle sont considérés comme des succès mais ceci n’obère pas la vraie question : faut il continuer ou non à garder l’opération Sentinelle. ?
La même problématique existe pour le plan Vigipirate : on passe très facilement de l’orange au rouge mais ensuite on ne redescend jamais car tous les gouvernements quels qu’ils soient sont devant ce dilemme : le dispositif mis en place (état d’urgence, Vigipirate, sentinelle etc…) coute très cher en effectifs, en matériel avec une efficacité pas si grande que celle espérée mais si on supprime ce dispositif et qu’un attentat survienne alors l’opinion ne pardonnera pas. C’est ce qui s’est produit le 14 juillet 2016 : le Président Hollande annonce la fin de l’état d’urgence et revient sur sa décision le même jour à la suite de l’attentat de Nice. Pour l’état d’urgence dont la fin est annoncée, ce n’est pas très difficile car la plupart des dispositions de l’état d’urgence viennent d’être intégrés, à juste titre, dans le droit positif. Ce sera bien plus difficile de baisser le niveau de Vigipirate et de supprimer Sentinelle : parions que nous aurons de très nombreux mois à attendre une décision !
Quelle que soit la décision, elle sera difficile à prendre, nous aurons donc vraisemblablement une poursuite de l’opération sentinelle engagée dès le départ dans l’urgence mais sans aucune réflexion sur la durée. La menace terroriste d’origine islamiste est portée en France par des milliers de combattants de l’état islamique et cette menace va durer des dizaines d’années. Il est illusoire et un peu facile de penser qu’une victoire de la coalition en Irak et en Syrie la fera disparaître. Bien au contraire mais ceci malheureusement l’avenir nous le dira. Les attentats en Espagne en sont la preuve : notre ennemi et en guerre contre notre civilisation et ceci pour des raisons idéologiques et religieuses.
C’est dans cette période troublée que le gouvernement et le Président ont décidé de diminuer le budget de l’armée et aussi celui de la police et de la gendarmerie.
C’est a peu de choses près ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy et François Fillon en supprimant des milliers d’emploi dans la police, la gendarmerie et l’armée.
Il serait temps que nos gouvernants comprennent que la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité est une priorité nationale avant toutes les autres car sans sécurité il n’y a plus de liberté.
Il faut d’urgence d’une part ne plus jamais descendre en dessous de 2% du PIB pour le budget des armées et d’autre part augmenter les effectifs des forces de sécurité intérieure (police, gendarmerie, douanes) d’environ 10% soit 30 000 personnels actifs. Ainsi l’armée pourra enfin revenir à ses tâches fondamentales.
Mais ces recrutements prennent du temps pour mettre en place les concours et surtout pour former ces policiers et gendarmes. La réalité est la suivante : un recrutement annoncé cette année n’aura lieu que l’année prochaine et ce n’est qu’à la fin de 2019 voire en 2020 que ces effectifs supplémentaires seront sur le terrain. Il est donc urgent de recruter tout de suite 10 000 personnels administratifs au ministère de l’Intérieur et réaffecter sur la voie publique au moins 10 000 policiers et gendarmes, déjà formés et expérimentés mais qui ne font actuellement que des tâches administratives qui ne sont pas indispensables à la sécurité des français.
Il faut enfin rétablir un véritable contrôle aux frontière et bien évidemment expulser réellement tous les étrangers qui sont en situation illégale ainsi que tous les étrangers qui ont été condamnés pour crime ou délit en rappelant que cette mesure n’est pas une peine comme on veut bien le faire croire en parlant de double peine. Les mots doivent retrouver leur sens !
Mais tout ceci ne se fera pas sans l’adhésion de la population : la grande majorité des français est acquise à ces mesures de fermeté qui ne sont ne fait que du bon sens mais n’oublions pas que des dizaines d’années de compromission et de laxisme ont permis à des dizaines de milliers d’individus d’être d’accord avec l’idéologie mortifère portée par l’Etat islamique.
Eric Stemmelen
Délégué national à la sécurité