Nicolas Dupont-Aignan est intervenu cet après-midi à la tribune de l’Assemblée nationale au titre des non-inscrits.
Il a expliqué les 3 raisons qui motivent son vote contre le projet de loi sur la fin de vie.
- Tout d’abord, ce projet ne développe pas les soins palliatifs à la mesure des besoins.
- Ensuite, cette loi présente un risque majeur d’incitation au suicide des personnes vulnérables.
- Enfin, à l’exemple des autres pays qui ont franchi le pas, les garde-fous imaginés pour éviter les dérives, risquent très vite de sauter les uns après les autres.
Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Nicolas DUPONT-AIGNAN !
Discours sur le projet de loi sur la fin de vie
Assemblée Nationale, 27 mai 2024
Seul le prononcé fait foi.
Madame la Présidente,
Messieurs les ministres,
Chers collègues,
Nous sommes aujourd’hui réunis, au-delà des clivages politiques, pour examiner un projet de loi qui ne peut que bouleverser les consciences, car il s’agit de rompre avec le serment d’Hippocrate, et sa promesse multiséculaire « je ne provoquerai jamais la mort délibérément ».
Il n’y pas, d’un côté, ceux qui voudraient laisser souffrir les Français en fin de vie et, de l’autre, ceux qui les soulageraient. Car la vraie façon de les soulager c’est tout simplement de se donner les moyens d’appliquer la loi Leonetti-Claeys de 2016.
Aider à mourir, ce n’est pas faire mourir.
Vous vous appuyez sur une demande supposée de l’opinion publique qui s’explique tout simplement par la pénurie de soins palliatifs et l’émotion légitime de nos concitoyens confrontés à la souffrance de leurs proches.
Les médecins spécialistes de soins palliatifs le disent tous : la quasi-totalité des personnes qui bénéficient d’une prise en charge adéquate de la douleur n’expriment plus le désir de mourir.
Et ne me dites pas que les soins palliatifs sont compatibles avec l’euthanasie ou le suicide assisté, parce que je préfère nommer les choses par leur nom. L’expérience des pays où elle a été légalisée, Belgique, Canada, Pays-Bas, entre autres, montre que les soins palliatifs sont réduits à peau de chagrin.
La grande majorité des soignants sont désespérés par votre texte car ils savent, par expérience, que le geste de soin et le geste létal ne peuvent coexister.
Robert Badinter, qui a été à l’initiative de l’abolition de la peine de mort, avait perçu les grands dangers d’une telle loi en affirmant, je cite : «Chez certains, face à une épreuve, il y a une tentation de mort qui est inhérente à la condition humaine. L’existence d’un service prêt à vous accueillir pour répondre à cette tentation me paraît présenter un risque d’incitation au suicide». Ce sont ses mots !
Les psychologues sont nombreux à nous le dire : il faut toujours entendre les demandes de mort comme des appels au secours.
Quelle incohérence ! D’un côté, faire des campagnes de prévention du suicide ; de l’autre, organiser le passage à l’acte de personnes en détresse.
En effet, en supprimant le critère de « pronostic vital engagé », la commission spéciale a élargi considérablement les catégories de personnes, notamment à celles en dépression, qui auraient recours à cette loi, au même titre qu’un malade à l’article de la mort.
Pire encore, en votant le délit d’entrave à l’aide à mourir, la commission veut contraindre au silence ceux qui prônent l’accompagnement des malades jusqu’au bout ! Non seulement il faudrait permettre aux soignants de tuer, mais en plus il leur serait défendu d’encourager les patients à vivre ?
Même si je peux comprendre les cas particuliers qui ont pu inspirer votre projet, comment pourrais-je voter une loi générale qui propose la mort comme la solution préférable entre toutes ?
Vous le voyez bien, mes chers collègues, l’euthanasie est une boîte de Pandore : une fois ouverte, vous n’arrivez plus à la refermer : en quelques jours, la commission a déjà supprimé les frêles limites que le Gouvernement avait posées.
Jusqu’où irons-nous ?
Les Pays-Bas, par exemple, ont récemment ouvert la possibilité de l’euthanasie aux mineurs de moins de 12 ans, le cas échéant sans leur consentement mais avec celui de leurs parents.
En Belgique, une jeune femme de 23 ans, en dépression à la suite des attentats de Bruxelles en 2016, a été euthanasiée en 2022.
Au fil du temps, dans un monde obnubilé par la performance et le rendement, le vote d’une telle loi présente l’immense risque que la vulnérabilité de la fin de vie devienne insupportable, tendant alors à la considérer comme une indignité.
En vérité, cette loi est un danger public car vous voulez institutionnaliser un choix individuel qui relève de l’intime. Ce faisant, vous prenez des risques colossaux pour la société tout entière.
Dans une entrevue remarquable, Jean-Marc Sauvé, ancien Vice-Président du Conseil d’État, résume tous les dangers collatéraux de votre loi : « Entre une mort provoquée par la pression sociale ou familiale et une mort réellement voulue, mais que la loi interdirait, je choisis le second risque dont l’occurrence est, de manière certaine, plus rare. Avec ce texte, je redoute qu’il y ait plus de décès par défaut de sollicitude et d’accompagnement que de décès authentiquement souhaités. »
Chers collègues, dans une société qui supprimerait le malade, le souffrant, le faible, gardez à l’esprit que vous serez vous-mêmes un jour malade, souffrant, ou faible. Et ce jour-là, quand vous attendrez une main tendue, on vous tendra une seringue.