Le monde s’émeut, à juste titre, du sort de la Syrie. Le Président de la République François Hollande et son Ministre des Affaires Etrangères multiplient les déclarations et les rencontres. Avec quels résultats depuis 18 mois ?
Et l’Afrique dans tout cela ? Ce continent, avec lequel nous avons une histoire, des liens séculaires, dans lequel nous avons des intérêts économiques et stratégiques, a fait pendant longtemps l’objet de toutes les attentions de nos responsables politiques. Malgré tous les dérapages de nos pouvoirs successifs, le sort de la France et celui de l’Afrique sont désormais fortement liés.
Mais aujourd’hui, quelle politique française en Afrique, plus particulièrement francophone ? Après les évènements du Mali, conséquence directe de notre engagement en Lybie, dont on peut aujourd’hui constater les dégâts, c’est au tour de la République Centrafricaine d’être dans le chaos.
Aujourd’hui, l’histoire se répète, en quelque sorte : les nouveaux détenteurs du pouvoir à Bangui, où ils font régner la terreur, se comportent comme le firent les bandes sahéliennes qui venaient piller les populations sudistes du fleuve avant la colonisation !
Ce qui se passe en République Centrafricaine est extrêmement grave, et ne pas y intervenir serait laisser se développer un nouveau foyer de déstabilisation au sud du Tchad, au moment où la contamination djiadiste sahélienne a envahi, depuis la Libye, tout le Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria…). A quoi donc cela aura-t-il servi d’intervenir au Mali si nous laissons le même phénomène se développer en Centrafrique ? Nos intérêts sont-ils seulement en Syrie (si proche il est vrai du Liban) ou aussi dans cette partie de l’Afrique ?
Comme dans de nombreux autres pays de cette zone géographique, l’histoire de la Centrafrique peut se résumer en des cycles ethniques. En effet, ce pays est issu de l’indépendance de la colonie Française de l’Oubangui-Chari, une sorte de grand quadrilatère représentant une grande diversité géographique, composé d’un nord sahélien, de savanes centrales, d’une forêt méridionale, et des zones côtières du fleuve Oubangui. Et d’autant d’ethnies, dont les plus importantes sont les GBAYA à l’ouest, les BANDAS dans l’est, et les SARA au Nord, ces derniers étant également présents dans le Sud Tchadien. Ces trois ethnies représentent presque la moitié de la population, estimée à environ 4,5 millions d’habitants. On peut compter une dizaine d’ethnies principales, elles-mêmes divisées en une centaine de tribus.
Ce pays sans unité est aussi un pays enclavé et pauvre qui a pourtant des ressources ( bois, diamant alluvionnaire, minerais, pétrole sans doute ; et un potentiel agricole). La caféiculture, importée par les colons, n’existe plus, et la faune, jadis réputée, a été décimée par le braconnage local.
Pour ses relations commerciales, le pays est dépendant de la voie ferrée CONGO-OCEAN, de 1800 km, et des fleuves OUBANGUI et ZAÏRE, qui ne sont pas navigables toute l’année. Quand au port de DOUALA (Cameroun), il est situé à 1500 km de route, infestée de bandes armées, qui font qu’il est très difficile d’y circuler ! Les productions locales subissent de ce fait un surcoût élevé !
L’histoire de ce « non-Etat » est rythmée par l’alternance de cycles de gouvernements ethniques : de 1960, date de l’indépendance à 1993, ce sont les ethnies du Fleuve qui gouvernèrent, avec notamment le trop « célèbre Empereur » Bokassa. Son successeur, David Dacko, n’avait pas la poigne nécessaire, et la France fut obligée « d’aider » le Général Kolingba à devenir l’homme fort, nécessaire à un rétablissement de l’ordre.
La logique démocratique à l’Européenne lui ayant été imposée par la France et les instances internationales, Ange-Félix Patassé rassembla les ethnies du Nord et de l’Est, qui refusaient la domination des gens du fleuve, amenant les SARAS au pouvoir en 1993. Mais cette alliance de circonstance était fragile et, dès 1996, les guerres intestines enflammèrent le pays, ce qui amena l’armée française à intervenir.
Le Général Bozizé, un Chrétien GBAYA de l’Ouest, prit le pouvoir en 2003, mais les conditions étaient défavorables : tout le Nord du pays était touché par la contagion du conflit soudano-tchadien. Les rebelles opposés au président Idriss Déby, soutenus par le Soudan, venaient se réfugier dans le nord de la RCA, dont le contrôle échappa peu à peu aux autorités de Bangui.
Les troubles débutèrent en décembre 2012 : les rebelles nordistes musulmans, souvent même pas centrafricains, marchèrent sur Bangui, mais furent rapidement dissuadés par la présence de troupes Françaises, passées à 600 hommes, basées à Bangui, appuyées par des détachements Congolais et Tchadiens de la FOMAC (Communauté de l’Afrique Centrale)
Quelques semaines plus tard, la rébellion, réorganisée autour du mouvement « SELEKA », appuyés par des troupes rebelles musulmanes, tchadiennes et soudanaises, avança vers Bangui, culbutant sans peine quelques lambeaux de l’armée de la RCA.
Paris fut alors confronté à un choix : soit sauver le régime discrédité et incompétent du Général Bozizé, soit laisser développer le chaos avec tous les dangers que cela implique. C’est cette seconde option qui fut adoptée : la France laissa les rebelles prendre la capitale, et le Général Bozizé se réfugia en République Démocratique du Congo.
Depuis lors, la France a assisté, inerte, au pillage de Bangui, à l’épuration ethnique visant, notamment, les tribus des anciens dirigeants, et voit, sans réaction, l’anarchie gagner l’ensemble du pays, des bandes piller les populations, sous le regard d’un Président autoproclamé, Michel Am Nondroko Djotodia, complètement dépassé par les évènements.
Les violations des Droits de l’Homme au sein des malheureuses populations de Centrafrique sont-elles moins scandaleuses que d’autres, ou simplement n’ont-elles pas la « chance » d’être sous les projecteurs des télévisions ? N’y aurait il pas à l’origine de cette indifférence, une forme de racisme larvé comme si la mort d’enfants noirs était un évènement habituel, sans importance ? Il est à craindre que la France n’applique, là encore, une politique de gribouille. Elle doit, que ce soit pour des raisons tant humanitaires, que d’intérêt bien compris, intervenir et remettre un peu d’ordre et de paix dans ce pays ami, tenir la place qui est la sienne dans cette partie du monde, défendre ses valeurs en portant secours à des populations civiles en pleine détresse.
Personne ne le fera à notre place, ce qui met en lumière la responsabilité particulière de ce gouvernement, alors que l’affaire du Rwanda n’en finit pas d’interpeller les historiens. La belle devise du Centrafrique ne nous oblige-t-elle pas en tant qu’humanité : « zo kwe Zo » ( L’homme est un Homme) ?
Henri Temple
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l'Indépendance de la France
Didier Hamelin
Président de la fédération DLR de l'Yonne