Les attentats du 13 novembre 2015 ont entraîné des surenchères verbales de la part du Président de la République et du Premier Ministre. Les mots « guerre », « anéantissement » et tant d’autres vis à vis de l’Etat Islamique en Syrie et au Levant (DAESH) se comprennent dans une logique de communication vis à vis des citoyens révoltés par les lâches attaques, attaques pourtant prévisibles.
La réalité n’est pourtant pas celle qui est proposée par nos gouvernants du moment. La France n’est pas vraiment en guerre contre un ennemi issu la plupart du temps de nos banlieues. Rien ne dit que Daesh sera vaincu, peut être en Syrie et en Irak mais les métastases de ce mouvement qui prolifèrent dans le monde entier dureront des dizaines d’années. C’est la raison pour laquelle le débat sur la prolongation de l’état d’urgence ne peut qu’aboutir à une certitude : les (petites et insuffisantes) mesures prises actuellement devront faire partie du droit normal dans un futur proche car il faudrait être complètement naïf ou irresponsable (ou les deux) pour penser un seul instant que la menace va disparaître dans les mois et les années qui viennent.
Le gouvernement est plus dans le discours que dans la prise de mesures efficaces : je ne reviens pas sur l’excessive prudence des mesures prises pour autoriser les policiers et gendarmes à garder leur arme hors service (voir mon précédent article). Voici que maintenant le Premier Ministre Manuel Valls, réalisant que la guerre est aussi et en fait surtout idéologique, vient de demander aux préfets une application de la loi sur le voile avec la plus grande vigueur.
Belle intention mais la réalité est tout autre.
Tout d’abord rappelons que c’est la justice qui inflige les peines et qu’elle n’est pas aux ordres du gouvernement. Cette vérité dérange mais cela ne sert à rien de donner des instructions aux préfets, policiers et gendarmes dans un domaine judicaire si la justice ne suit pas.
Ensuite il faut rappeler les dispositions de la loi du 11 octobre 2010 dite loi sur le voile pour se rendre compte que cette loi, difficilement adoptée, n’a pas vraiment réglé le problème du port du voile intégral dans l’espace public :
La loi ne vise que le vêtement qui ne permet pas d’identifier une personne dans un espace public. Sont visés ici aussi bien les casques, que les cagoules (y compris dans les stations de sport d’hiver ! et bien évidemment la burqa (qui dissimule l’ensemble du visage) et le niqab (qui laisse les yeux découverts). Or les parlementaires qui ont voté cette loi, n’ont pas eu le courage d’indiquer expressément les mots niqab et burqa, de peur de stigmatiser la communauté musulmane. Quelle erreur !: c’est justement rendre service à la très grande majorité des musulmans qui refusent l’expression de cet obscurantisme qu’il fallait clairement dire ce qui est permis et ce qui est interdit en France. Par ailleurs et on touche à l’absurde, le niqab ou la burqa est autorisé si la femme qui le porte est passagère d’une voiture, car on n’est plus dans le domaine public mais privé, en oubliant au passage qu’une autre législation celle sur le nudisme indique le contraire : il suffit d’être visible de la rue pour tomber sous le coup de la loi.
La loi sur le voile interdit à la police d’user de la coercition c’est à dire de la force pour faire enlever un voile intégral à une contrevenante. On croit rêver. Bien évidemment si celle ci refuse de décliner son identité ou si elle se rebelle d’autres textes s’appliquent. Mais dans le cas où une femme commet la seule, infraction de port du voile dans l’espace public la police ne peut que dresser procès verbal avec une amende non pas perçue immédiatement mais prononcée par le juge de 35 à 150 € maximum (contravention de 2ème classe) . Nous n’avons aucune statistique sur le montant réel des amendes prononcées et surtout effectivement perçues. Nous savons seulement que les services de police ont constaté que 2 000 femmes portaient le voile dont la moitié de récidivistes. Combien ont été condamnées ? à quelles peines ?, combien d’amendes ont elle été réellement perçues ? C’est à la Garde des Sceaux Mme Taubira d’apporter si elle le peut et si elle le veut des réponses précises à des questions précises.
J’ajoute que lors des débats parlementaires, le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Jean François Copé, a cru bon de comparer le port du voile à la législation sur le nudisme. M. Copé doit ignorer que le nudisme n’est pas interdit dans l’espace public mais sur la voie publique (avec les exceptions bien connues des plages et des endroits réservés) mais surtout il doit ignorer qu’un nudiste interpellé par la police ne ressort pas nu du commissariat mais habillé. Or, une femme voilée peut ressortir voilée du commissariat.
La police, dans ce cas, peut elle l’interpeller à nouveau ?: ce n’est pas sûr car en infligeant amende sur amende, l’avocat de la femme voilée pourra légitimement plaider la relaxe au motif de l’acharnement policier. Dans l’état actuel du droit une femme voilée a le droit de décliner son identité et de refuser de retirer son voile : c’est cela la réalité et les incantations de Manuel Valls n’y changeront rien sauf bien sûr à modifier la loi qui soit dit en passant n’aurait pas du être prise par le Parlement car en application de la Constitution de 1958, une contravention relève du domaine réglementaire c’est à dire du pouvoir du gouvernement et non du domaine législatif.
La situation actuelle est limpide : le port du voile intégral trouble l’ordre public mais après constatation de l’infraction, le trouble à l’ordre public persiste. !
– La loi sur le voile prévoit une peine complémentaire consistant à imposer une obligation d’effectuer un stage de citoyenneté pour le contrevenant. Quels sont les résultats de ce stage quand on sait que la moitié des femmes voilées ont récidivé et d’ailleurs combien de stages ont été imposés. Par ailleurs le ridicule ne tue manifestement pas : la loi s’applique à tout le monde français et étrangers sur le territoire national. Va t-on imposer un stage de citoyenneté française à une qatarie ou saoudienne, touriste en France ? En effet, à l’aéroport de Roissy, il n’est pas rare de voir une femme se revoiler entièrement le visage dès le contrôle de la police aux frontières passé et bien évidemment il n’y a aucune interpellation pour ces contrevenantes.
– La loi prévoit un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 € pour celui qui impose le port du voile par la violence, la menace, l’abus de pouvoir ou d’autorité. Là aussi on attend des statistiques précises de la part du ministère de la justice. Là aussi cette loi est inapplicable aux étrangers d’une part parce que l’on ne peut pas recouvrer une simple amende contraventionnelle à l’étranger d’autre part j’attends et je risque d’attendre longtemps, de savoir si un seul juge en France va envoyer une commission rogatoire internationale en Arabie saoudite ou au Qatar pour savoir si une touriste ressortissante de ces pays a été obligée par son mari à porter le niqab ou la burqa alors que cette pratique est légale dans ces pays !. Situation kafkaïenne !
Cette loi crée donc une discrimination à l’encontre des citoyens français puisque les citoyens étrangers ne se verront jamais infliger de pénalité, or la loi a pour vocation de s’appliquer à tous !
La République française a pris une législation que certains estimaient indispensables pour lutter contre le communautarisme. Force est de constater que le manque de volonté et de courage, la crainte de stigmatiser la communauté musulmane et d’avoir des manifestations hostiles dans des pays musulmans n’a pas permis de dire clairement les choses : le port de la burqa et du niqab est interdit en France. La République doit arrêter de reculer devant la montée des intégristes, c’est un devoir de stigmatiser les intégristes islamistes et de l’affirmer concrètement en modifiant la loi sur le port du voile intégral de la façon suivante :
=> Indiquer que le niqab et la burqa sont interdits en France sur la voie publique et dans les bâtiments publics
=> Autoriser les forces de police à percevoir l’amende qui doit être plus sévère
=> Autoriser les forces de police à saisir et confisquer l’objet de l’infraction (la burqa et le niqab) y compris pour les étrangères
=> Prévoir des peines plus lourdes encas de récidive ou de réitération
=> Prévoir la déchéance de nationalité française pour les binationales en cas de multiples récidives
indiquer clairement, sous forme de pictogramme, aux postes frontières que le port du niqab et de la burqa est interdit en France.
La guerre idéologique est plus dure à gagner que la guerre sur le terrain. Notre République a trop longtemps reculé face à des revendications identitaires qui sont la négation même de l’idée de nation.
Il est plus que temps de reconquérir ce pays !
Eric Stemmelen
Délégué national à la sécurité