RT France : Pourquoi ne faut-il pas aller voter à la primaire de la droite et du centre ?
Eric Anceau (E. A.) : Chacun est évidemment libre de voter comme bon lui semble et je me garderai bien de donner des conseils à qui que ce soit et a fortiori des consignes de vote, mais permettez-moi de m’étonner que l’on se dise gaulliste si l’on participe à cette mascarade.
Si le général de Gaulle a fondé la Ve République en 1958 et décidé que l’élection présidentielle se ferait au suffrage universel direct, en 1962, c’est précisément pour éviter la confiscation de la souveraineté populaire par les partis. «Personne écrivait-il alors, ne doute que notre pays se trouverait vite jeté à l’abîme si, par malheur, nous le livrions de nouveau aux jeux stériles d’autrefois». Or, c’est exactement ce qui est en train de se produire. Le dixième du corps électoral dans le meilleur des cas va concourir à une élection dont on nous rabat les oreilles depuis deux mois. Par ailleurs, que d’invectives au sein du même camp où les candidats s’envoient à distance les doux noms de «menteur» ou d’«imposteur» à la figure. Quant aux trois débats à l’américaine organisés entre eux, il en est ressorti beaucoup de confusion, mais fort peu de propositions.
Les sept candidats restants n’ont rien de gaullistes
J’ajoute que les candidats gaullistes Guaino et Myard ont été exclus de ces primaires et que les sept candidats restants n’ont rien de gaullistes comme le prouvent, d’une part, la politique d’échec que six d’entre eux (Sarkozy, Fillon, Juppé, NKM, Le Maire et Copé) ont mené quand ils étaient aux affaires et le programme qu’ils défendent aujourd’hui. Ils vont mettre les Français à la purge et vont soutenir servilement les directives de l’Union européenne, comme ils l’ont déjà fait dans le passé. Comme le disait le regretté Philippe Séguin, ils ne sont que les détaillants d’un même grossiste qui habite à Bruxelles. On amuse donc la galerie avec un casting pour choisir un acteur qui nous jouera un scénario cousu de fil blanc.
e n’est pas en nous comportant comme des nains que nous ferons émerger un nouveau géant politique
Enfin sans présager ce qu’il adviendra le 27 novembre, l’histoire de ce parti ne permet d’exclure ni l’hypothèse de tricheries électorales, ni celle de reniements spectaculaires, ni celle de déchirements provoqués par de mauvais perdants.
Aussi, se déplacer les deux dimanches qui viennent pour choisir le moins mauvais de ce casting, pour éliminer celui qui déplaît le plus ou pour désigner au contraire le moins dangereux compétiteur de son propre candidat quand on est d’une autre sensibilité est totalement contraire à l’élévation politique que nous a enseignée le général de Gaulle. Ce n’est pas en nous comportant comme des nains que nous ferons émerger un nouveau géant politique et ce géant je ne le vois certainement pas parmi les chevaux de retour présents aux primaires.
La procédure des primaires est une importation des Etats-Unis
RT France : Comment pourrait-on définir un candidat le plus fiable de la droite et du centre s’il n’y a pas de mécanisme des primaires ?
E. A. : Tout d’abord pourquoi voulez-vous désigner un candidat unique de la droite et du centre ? Ces deux tendances n’ont pas vocation à faire campagne commune. Dans mon esprit un candidat ne doit pas parler à une catégorie de Français en particulier, mais à tous les Français.
L’élection présidentielle, sous la Ve République, est la rencontre d’une personnalité politique avec le peuple français. Chacun doit pouvoir s’y présenter à condition de réunir cinq cents parrainages d’élus, filtre nécessaire pour éviter d’une part les candidatures fantaisistes et d’autre part un nombre de candidats qui rendrait la campagne impossible à suivre.
“La procédure des primaires est une importation des Etats-Unis. La vie politique américaine que vantait, jusqu’à il y a peu, une grande partie de nos élites, ne m’a jamais semblé, pour ma part, être un modèle à suivre pour nous qui avons notre propre histoire et notre propre identité politique. Les élections qui viennent de se dérouler me confortent plus que jamais dans mon jugement.”
“Le FN participe lui-même au système, en jouant le rôle d’un formidable épouvantail qui empêche l’émergence d’une force authentiquement patriotique qui n’aurait pas ses excès.”
RT France : Dans l’hypothèse d’une possible victoire de Marine Le Pen à la présidentielle qu’évoquent plusieurs analystes, faudrait-il davantage d’union parmi d’autres forces politiques ?
E. A. : D’abord, ne tirons pas des plans sur la comète. Les sondeurs et les analystes se sont beaucoup trompés ces derniers temps et nous ne sommes sans doute pas au bout des surprises. C’est au peuple français et à personne d’autre qu’il appartient de faire le résultat de l’élection.
L’union que vous évoquez, le fameux «front républicain», a encore fonctionné récemment aux régionales dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et a effectivement tenu en échec le FN, mais en donnant de l’eau au moulin de tous les Français qui prétendent qu’il existe une connivence des Républicains et du PS et une proximité de leurs programmes. Elle fait aussi monter la colère des électeurs FN qui ont le sentiment que leur parti combat seul contre tous et est donc le parti anti-système par excellence. La pente naturelle, si elle se poursuit, peut même conduire à des alliances PS-LR en amont des élections voire, en aval, à des gouvernements de coalition que l’on ne manquera pas d’appeler pompeusement d’«union nationale». L’émergence d’un Macron avec le soutien des puissances de l’argent et des grands médias annonce ce rêve éveillé que font certains.
Je pense en revanche que le moment d’une grande recomposition de la vie politique française interviendra à plus ou moins brève échéance
Ne nous y trompons cependant pas, le FN participe lui-même, d’une certaine façon, au système, en jouant le rôle d’un formidable épouvantail qui empêche l’émergence d’une force authentiquement patriotique qui n’aurait pas ses excès. Si Marine Le Pen tente de dé-diaboliser le FN et de normaliser son image, elle joue aussi de ambiguïté d’une ligne politique variable, alors que Jean-Marie Le Pen reste le président d’honneur d’un parti dont l’arrière-boutique demeure également glauque et qui ne parvient pas à rassembler comme le montre l’échec du RBM.
Je renvoie aujourd’hui dos-à-dos ceux qui ont échoué sur quasiment tout et ceux qui sont dans l’incapacité d’exercer le pouvoir par leurs excès. Je pense en revanche que le moment d’une grande recomposition de la vie politique française interviendra à plus ou moins brève échéance. D’ici là, laissons les électeurs choisir en fonction des programmes des uns et des autres. Je seconde pour ma part Nicolas Dupont-Aignan qui va porter le «projet pour la France». J’ai la faiblesse de croire, pour bien connaître ce projet puisque je le coordonne, qu’il sera de tous celui qui répondra le mieux aux besoins de notre pays.