Avec le projet de loi qui prévoit la réintégration totale de la France dans l’OTAN, on brade l’indépendance, la crédibilité, l’honneur de la France, estime l’historien, responsable du «Projet pour la France» de Debout la France, Eric Anceau.
RT France : Le président Hollande souhaite que la France réintègre l’OTAN de façon pleine et entière. Pouvez-vous, en tant qu’historien, nous dire ce que cela signifie ?
Eric Anceau : En mars 1966, il y aura bientôt cinquante ans, le président De Gaulle signifiait à son homologue américain Lyndon B. Johnson que la France allait quitter le commandement intégré de l’OTAN et, à cette occasion, dénonçait le protocole de Paris qui donnait un cadre juridique au stationnement des organismes de l’OTAN et de leurs personnels au sein des pays hôtes. Sa justification ? La situation de 1966 qui n’était plus celle de la fondation de 1949, lorsque le monde était au bord d’une Troisième Guerre mondiale. Son but ? La France redevenue forte retrouverait ainsi son indépendance et sa pleine souveraineté sur son propre sol et pourrait de nouveau parler au monde entre les deux grands, les Etats-Unis et l’URSS.
On sait que sous son quinquennat, Nicolas Sarkozy a fait réintégrer à la France ce commandement, par une rupture historique. A l’époque, Hollande critiquait cette décision au nom des «principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays» et parlait de «grave danger». A son initiative, les socialistes avaient même déposé une motion de censure.
En ce domaine aussi, le changement est bien intervenu dans son attitude et non vis-à-vis de la politique de son rival ! Voilà en effet que son gouvernement vient de déposer un projet de loi pour fermer cette «parenthèse» de cinquante ans d’indépendance et pour permettre à la France de ré-adhérer au protocole de Paris.
Entretemps, il y a eu le rapport de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, de juillet 2012, rapport très favorable au retour plein et entier. Conversion personnelle pour ne pas parler de reniement de ce gaullo-mitterrandiste qui pourrait bien lui valoir de succéder à Laurent Fabius et de retrouver le Quai pour défendre ce même projet au Parlement !
RT France : En quoi est-ce grave selon vous ?
Eric Anceau : Je constate d’abord que les considérants du projet sont ubuesques. On y lit que depuis son retour dans le giron étasunien, la France a recommencé à accueillir du personnel de l’Organisation dans ses QG sans que ceux-ci bénéficient d’un statut international adéquat. Soit ! Tel est précisément l’objet du texte que de leur en fournir de nouveau un. Mais on ajoute aussitôt que si tel n’était pas le cas, cela affecterait l’ «attractivité du territoire français» et «l’influence française au sein des structures de commandement».
Attractivité ? Mot étrange dans un texte de ce type. Chercherait-on à développer une forme de tourisme militaire ? Le protocole exonère d’ailleurs les QG et leurs personnels des impôts du pays hôte. Mais là n’est évidemment pas l’essentiel.
” On brade en fait l’indépendance, la crédibilité, l’honneur de la France pour quelque menu commandement “
Influence ? On brade en fait l’indépendance, la crédibilité, l’honneur de la France pour quelque menu commandement, alors que le commandement suprême est et restera toujours américain, pour une affectation géographique, pour quelques contrats militaires, sans voir que nous en perdrons beaucoup plus et que nous troquerons, puisque l’on parle ici d’influence, une influence planétaire pour une influence régionale partielle et au vrai factice.
Pour dire les choses de façon triviale, j’ai le sentiment qu’après Nicolas Sarkozy, François Hollande brigue le statut de premier toutou des Etats-Unis qui fut jadis occupé outre-Manche par Tony Blair.
RT France : Entendez-vous malgré tout, les arguments en faveur de ce retour ?
Eric Anceau : Très clairement non. On nous dit que cette intégration nous permettra de supprimer les duplications inutiles dans les programmes d’équipement. Comme la technostructure bruxelloise et ses bataillons d’experts qui se sont trompés sur tout en utilisant les mêmes arguments de la fuite en avant vers l’intégration, on se trompe aussi ou plutôt on se laisse tromper. Les lobbies sont ici à l’œuvre. La première industrie d’armement au monde ne laissera que des miettes aux autres, en particulier à sa rivale française.
Voir l’article sur le site : https://francais.rt.com/opinions/14331-apres-nicolas-sarkozy-francois-hollande-brigue-statut-toutou-etats-unis#.VqEQkpmspKI.gmail