Quel regard portez-vous sur le discours de Manuel Valls?
Le discours de Manuel Valls, mardi devant les députés, a fait un très juste constat et démontré une forte volonté. En revanche, en matière de propositions concrètes et immédiates, il laisse à désirer. On a seulement entendu des orientations vagues et des mises en place lentes, comme le listing des passagers des compagnies aériennes, le contrôle d’Internet, etc. Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens, mais qui ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.
Selon vous, quelles sont les décisions qu'il faudrait prendre?
La première chose à faire, c'est de suspendre les accords de Schengen pour mieux contrôler les trafics d'armes et le retour des djihadistes. L'Europe est une vraie passoire : un Français qui veut se rendre en Syrie peut par exemple prendre un train pour Rome, à bord duquel il ne sera pas contrôlé, puis prendre un avion pour la Turquie pour lequel le contrôle d'identité se fera à l'arrivée. Il n'y a aucune coordination entre les douaniers aux frontières de l'Europe et les services secrets, alors qu'il faudrait pouvoir filtrer les allées et venues des djihadistes sur le sol français. Regardez le parcours des frères Kouachi : si l'on était aux Etats-Unis, il n'auraient pas pu circuler comme ils le voulaient. Les empêcher de quitter le territoire, ça aurait peut-être été utile?
Suspendre Schengen n'empêchera pas ceux qui sont déjà en France de mener des attentats…
C'est pour cela qu'il faut mettre en place un "état d'urgence", par décret. C'est une loi qui a notamment été appliquée par Jacques Chirac en 2005 après les émeutes des banlieues, et qui permettrait de donner plus de moyens d'actions aux forces de l'ordre. Elles pourraient notamment mener rapidement des perquisitions dans les banlieues où l'autorité judiciaire est menacée et d'éradiquer les caches d'armes dont on connaît la présence. C'est aussi la raison pour laquelle il faut ouvrir immédiatement des crédits budgétaires pour équiper les policiers comme la gendarmerie. Il y a un vrai problème de moyens : pas assez de gilets pare-balles, des voitures dans un état lamentable, etc.
François Hollande a annoncé qu'il fallait revoir le rythme de réduction des effectifs dans la Défense. Est-ce une bonne nouvelle?
Quand on voit la gravité de la crise dans tout l'arc moyen-oriental méditerranéen, quand on sait les menaces qu'il y a là, il est criminel de continuer à supprimer des effectifs militaires. On nous explique qu'il faut recruter 60.000 enseignants, qu'on n'arrive même pas à trouver. Pourquoi ne se contenterait-on pas de 30.000 professeurs afin de ne pas supprimer 30.000 postes dans l'armée? Ce ne sont même pas des sommes considérables qui sont en jeu mais, si on ne prend pas ces mesures, il faut accepter que d'autres attaques puissent se produire. Dans l'état actuel des choses, il ne faudra pas se plaindre si, dans six mois, la France connaît d'autres attentats.
Thomas Morel – leJDD.fr