Balayant toutes les précautions, déjouant tous les contrôles, frayant son chemin au nez et à la barbe des policiers et des militaires en faction, désarmés et impuissants face à un ennemi invisible, impitoyable, imprévisible et tentaculaire, le terrorisme islamiste a frappé et endeuillé Bruxelles comme il y a quatre mois il avait frappé et endeuillé Paris, comme demain il frappera Rome, Berlin, comme après-demain il endeuillera de nouveau Madrid, Londres ou Paris.
La suite de la tragédie de Bruxelles, il nous semble déjà la connaître, tant le scénario, rodé à plusieurs reprises, paraît écrit d’avance. Il suffit, comme à la messe, de suivre le rituel. Les drapeaux mis en berne, les patrouilles sont multipliées, le contrôle des frontières renforcé. Les gouvernants discourent, déplorent et promettent, les éditorialistes éditorialisent, les experts analysent, les titres sont gras, les visages sont graves, des foules émues viennent déposer des fleurs, allumer des bougies et gribouiller de gentils messages sur les lieux des attentats. On remplace les vitres, on balaie les trottoirs, on pleure les victimes, on soigne les blessés, on enterre les morts. Les enquêteurs et les procureurs reconstituent la trajectoire des kamikazes, en général déjà fichés, et pourchassent les assassins et leurs complices en fuite. La routine. Puis la vie reprend ses droits, comme elle peut, et chacun retourne à ses occupations, tendant le cou, prêtant l’oreille, pliant le dos dans l’attente et l’angoisse de la prochaine tuerie à venir.
Alors, cette fois, cette fois de plus, cette fois de trop, ce sera comme d’habitude ? Toujours à la remorque de l’événement, toujours lents à la riposte, toujours en retard d’un coup ?
Il n’y a plus une faute à commettre. Une première erreur, qui serait aussi une injustice, serait de jeter la suspicion et l’opprobre sur l’immense majorité de ceux qui, musulmans de nationalité française ou non, partagent avec nous les bons et les mauvais jours et ne pensent, comme nous, qu’à vivre et non à tuer. Mais une deuxième erreur, qui serait une faute, une défaillance et déjà une défaite, serait de ne pas mettre hors d’état de nuire ceux qui, fondus dans la masse de leurs coreligionnaires et mêlés à la foule de nos concitoyens, méditent et préparent de nouveaux massacres. Le patient travail de nos services de police et de renseignements a permis de constituer un fichier de milliers d’individus radicalisés, dangereux, potentiellement criminels. Il est urgent de mettre hors d’état de nuire, d’assécher le vivier où fraient, prolifèrent et recrutent ces assassins en puissance comme il est impératif d’écraser le nid de vipères, la citadelle d’où partent les tueurs et leurs consignes.
Hé quoi, diront encore certains, n’est-ce pas attenter aux libertés, n’est-ce pas déroger aux principes les plus élémentaires du droit que d’arrêter préventivement, que d’incarcérer, que d’interner des criminels en puissance avant qu’ils soient passés à l’acte, avant qu’il y ait eu commencement d’exécution ? C’est exact, et une telle politique ne peut être envisagée et appliquée qu’à des gens qui dérogent à toutes les lois de l’humanité, et que dans des circonstances exceptionnelles, telles par exemple qu’un état de guerre, lorsque la considération du salut public doit primer toutes les autres. N’est-ce pas le cas aujourd’hui ?
Nos médias et nos dirigeants ne cessent de nous seriner que nous sommes en guerre. Les premiers multiplient les informations alarmistes, les seconds les déclarations martiales. Que n’en tirent-ils les conséquences ? Il ne suffit pas d’invoquer Clemenceau, de citer Clemenceau, de s’asseoir derrière la table de Clemenceau, il faut agir comme Clemenceau. Si nous sommes en paix, si nous ne sommes pas menacés, si nous n’avons pas d’ennemis, ce n’est pas les suspects qu’il faut arrêter, c’est le cirque. Si nous sommes en guerre, il faut faire la guerre.
Dominique Jamet
Vice-président de Debout la France