Alors que la Zone Euro flirte avec la déflation et que l’hétérogénéité s’accroît entre les pays du « cœur » et les autres, les tensions montent entre la Banque centrale européenne et Berlin.
Dans ce contexte, jusqu’à quand les marchés vont-ils se retenir de spéculer à nouveau sur l’éclatement de la zone euro ?
Fin 2013, 3 pays seulement ont dépassé le niveau d’avant-crise : l’Allemagne, la Belgique et la France.Entre 2007 et 2013, le PIB de la Grèce a reculé de 24%, celui de l'Italie de 9%, celui de l'Espagne de 7,5%, celui du Portugal de 6,8% et celui de l’Irlande de 7,6%
Les Pays-Bas, souvent présentés comme exemple, ont vu leur PIB baisser de 1,6% sur les 7 dernières années. La Zone Euro (à 18) perd en moyenne 1,8%.
C’est une évidence, plusieurs pays de la zone sont déjà touchés par la déflation, notamment la Grèce depuis un an et demi, et où les prix ont encore reculé de 1,1%, en septembre 2014 Ils ont baissé également en Espagne (-0,3%), au Portugal (-0,4%), en Italie (-0,2%), en Slovénie et en Slovaquie (-0,1% chacun), en Belgique (-0,1%), et en Estonie (-0,6%)
La baisse des prix du pétrole, en partie compensée par la baisse de l’Euro face au Dollar, n’explique que partiellement ces résultats dans les pays du Sud, mais force est de constater que le niveau de vie a singulièrement baissé dans les pays périphériques et diverge par rapport à celui des pays du cœur (Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas et Finlande) : l’hétérogénéité est de plus en plus forte et la Zone Euro devient ingouvernable pour la politique monétaire de la BCE.
C’est l’une des raisons pour lesquelles Mario Draghi s’inquiète et tente de faire bouger les lignes de la politique monétaire de façon à prendre en compte les dangers qui menacent les pays du Sud (et la zone tout entière par ricochet). Mais l’Allemagne, pour qui la zone est construite « sur mesure », n’entend pas le laisser faire…
Saisis par la cour constitutionnelle de Karlsruhe, les juges de la Cour de Justice de l’UE ont commencé le mardi 14 octobre à examiner les plaintes allemandes contre la BCE, accusée « d’outrepasser son mandat ».
Souvenez-vous, la plainte concerne le programme OMT (Outright Monetary Transactions) lancé le 2 septembre 2012, en pleine attaque spéculative contre la Zone Euro.
A l’époque, la seule annonce de ce programme (de rachat illimité d'obligations souveraines) avait permis de calmer les marchés au plus fort de la crise de 2012. Il n’avait même pas été nécessaire de mettre l’OMT en œuvre.
L’examen par la CJUE fait suite à la transmission du dossier par la Cour constitutionnelle allemande qui, en février, avait considéré que ce programme (non appliqué) était illégal pour l’Allemagne.
Mario Draghi a sans doute une deuxième crainte, celle d’une censure de Karlsruhe sur un éventuel QE (« Quantitative easing », le type de programme qui a permis aux USA d’éviter la déflation …), censure qui empêcherait dans ce cas la Bundesbank d’y participer.
En clair, si la décision de la Cour lui était défavorable, la BCE serait empêchée d’agir. Si elle lui était favorable, la Cour de Karlsruhe interdirait à l’Allemagne d’y participer.
Dans les deux cas, les marchés pourraient en tirer les conséquences, comme en 2012, et la zone Euro serait à nouveau menacée.
On peut imaginer que la cours de justice de l’UE va jouer la montre de façon à permettre à la BCE de mettre en place un QE, même limité.
Quelles seront alors les réactions de la Bundesbank, de M. Schauble et de Mme Merkel : s’ils se déclarent non solidaires des autres pays (comme dans le passé), le risque de voir les marchés attaquer est le même …
Alors, y-a-t- ’il encore véritablement une zone Euro ? On serait tenté de répondre par la négative. Aussi avant de subir une pression dévastatrice, qui nous conduirait par exemple à devoir monter nos taux d’intérêts et donc à nous asphyxier nous-mêmes par rapport à nos 2000 milliards d’euro de dette, pourquoi les pays de la zone euro ne réfléchiraient-ils pas à une sortie organisée et à la mise en place d’une monnaie commune parallèlement à un retour à nos monnaies nationales, seule véritable stratégie efficace qui nous permettra par une retour à une juste valeur de relancer nos exportations et de recréer la croissance qui manque tant aujourd’hui à la France.
Jacques Berlioz
Délégué national à l’Esprit d’entreprise