La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a voulu faciliter l’installation des jeunes notaires.
Cette idée louable à laquelle chacun peut souscrire n’a hélas pas bénéficié de modalités d’application judicieuses, c’est le moins que l’on puisse dire.
En réalité cette loi dite Loi MACRON n’a fait que répondre aux recommandations émises par la Commission Européenne sous le nom de GOPE (Grandes Orientations de Politique Economique) qui veut toujours imposer les Lois du marché même quand elles s’opposent au service public ou à la rationalité économique voire… au bon sens !
Ici comme ailleurs, notre Président n’a été que le bon serviteur de Dame Europe.
L’Autorité de la concurrence créa donc des zones découpées de manière arbitraire en vue de l’implantation d’offices notariaux sans prospective démographique ou économique (contrairement aux travaux diligentés auparavant Par le Notariat au moyen de la Commission de Localisation des Offices Notariaux). Autrement dit des technocrates ont pris des décisions à l’aveugle sans se soucier des expériences des professionnels et de la connaissance du terrain.
Par ailleurs, le jeune diplômé peut désormais s’installer par le seul fait de posséder son diplôme de notaire : exit le droit de regard de la Chambre Départementale et du Conseil Régional des Notaires pour s’assurer de la fiabilité du candidat à l’installation dans une profession qui requiert certes BAC + 7 mais également quelques années de pratique.
Tous les Français ne savent pas encore qu’en cas de pluralité de candidats c’est le tirage au sort qui désigne L’heureux élu. Où sont les valeurs de justice et la reconnaissance du mérite ainsi que la valorisation de la compétence ? Quid en cas de faute professionnelle ?
La Caisse de Garantie et les Confrères n’auront qu’à mettre la main à la poche et les clients n’auront qu’à subir les conséquences d’erreurs.
Or chacun sait que la richesse du modèle du notariat français était fondée sur la confiance et la robustesse d’un système éprouvé par le temps et l’expérience.
Tout ses passe désormais entre la Chancellerie et l’intéressé; pour les instances professionnelles : “Circulez y a rien à voir”.
Au sein de la zone, le jeune notaire fraîchement installé aura aussi la possibilité de déplacer son Etude au risque de provoquer un déséquilibre : où est la cohérence dans tout cela ? Comment s’assurer que comme les médecins ou d’autres professions libérales, les nouveaux notaires privilégient toujours les mêmes régions au détriment de la ruralité périphérique ?
Tous les notaires ne sont pas fille ou fils de notaire et beaucoup ont acquis leur Etude au moyen d’un prêt à long terme : que vaudra leur Etude à la revente si le voisin peut s’installer librement ?
En période florissante de l’immobilier, l’augmentation et l’implantation de nouvelles Etudes ne poseront pas de grands problèmes( encore convient-il de nuancer par départements) mais attention, cela risque de ne pas durer, les conséquences de cette inconséquence risquent de faire mal.
En parallèle cette « haute » Autorité de la Concurrence a permis aux notaires de faire des « rabais » sur certains actes et peu à peu transforme cette profession de service public en activité commerciale. Mais déréglementer les professions réglementées n’est ce pas tout simplement le but recherché? Les premiers perdants finalement seront les consommateurs qui étaient jusqu’alors à égalité : chez le Notaire le client verse des émoluments et non des honoraires : l’émolument est tarifé, l’honoraire est libre.
La langue française est riche : utilisons la !
Ayant exercé la profession notariale pendant plus de 40 ans comme collaborateur puis comme patron aussi bien à Paris que dans les magnifiques territoires ruraux de l’Aisne et de la Champagne, je regarde cette situation avec la sagesse qu’apporte la retraite.
Nous devons être solidaires des notaires, en particulier des jeunes, qui ont besoin d’un système fondé sur le mérite et la justice pour exercer leur métier non pas comme une simple activité commerciale mais aussi comme un service rendu aux citoyens qui ont besoin d’actes officiels de confiance pour assurer leur patrimoine ou se lancer dans des activités économiques.
Ainsi, on peut tout à fait être favorable à des règles plus souples d’installation des jeunes tout en conservant des critères objectifs méritocratiques qui mettent à la poubelle le tirage au sort et qui se fondent sur les réels besoins des territoires dans leur diversité.
François Kohn
Délégué national aux activités socio-professionnelles