Attaché à développer la démocratie directe et partisan de mesures très ambitieuses pour sauver l’environnement, j’avais accueilli avec un a priori positif l’idée d’une convention citoyenne tirée au sort pour débattre des mesures propres à réussir une transition écologique efficace et juste. En effet, la méthode de la convention citoyenne avait fait ses preuves sur les sujets de société comme l’avortement et le mariage pour tous en Irlande par exemple.
Hélas, cette belle idée a été dévoyée par son mode d’organisation partisan et biaisé. Une fois encore, les institutions françaises démontrent leur incapacité structurelle à respecter le moindre consensus et des principes démocratiques de base, à savoir le pluralisme, la transparence et l’intégrité.
Les premières propositions qui ont fuité dans la presse ne peuvent qu’interpeller tout citoyen de bonne foi. Si certaines idées sont consensuelles, d’autres ont une orientation politique systématiquement de gauche, très proches des programmes du parti socialiste et des think-tanks qui gravitent autour. Comment un tel biais est-il possible ? Il n’y aurait donc aucune proposition d’autres courants politiques dans une assemblée « tirée au sort » ?
En réalité, une enquête minutieuse sur le mode de sélection des 150 citoyens montre que le « tirage au sort » a été dévoyé par une organisation opaque qui a choisi unilatéralement une méthodologie biaisée. Reste à savoir si ce biais relève de l’incompétence ou de la manipulation.
Le faux « tirage au sort » de la Convention citoyenne confirme l’adage que le « diable est dans les détails ». Signalons d’abord qu’il existe très peu d’informations publiques sur ce tirage au sort, un minimalisme qui pose d’emblée un grave problème de transparence.
Au début du processus, ce sont bien 300 000 numéros qui ont été tirés au sort et contrôlés par huissier…Hélas la suite n’a plus rien à voir avec le « hasard » mais a été une sélection totalement biaisée ! Des opérateurs d’une société prestataire ont dû convaincre 150 personnes sur ces 300 000 sur la base de critère de sexe, de CSP, de niveau de diplôme et d’origine géographique.
Tous ces critères sont légitimes mais il manquait évident un dernier critère essentiel : l’opinion politique !
En effet, l’absence de reconstitution d’un pluralisme politique basique, fondé par exemple, sur le dernier vote à la Présidentielle (y compris les abstentionnistes) constitue un biais considérable dans la sélection des 150 participants qui explique le gauchisme final des propositions.
La totalité des enquêtes d’opinion montre que les questions écologiques et climatiques ne sont pas appréciées de la même façon selon la famille politique à laquelle se rattachent les citoyens. Comment une telle évidence a-t-elle pu être ignorée des soi-disant « experts » qui dirigent la Convention Citoyenne ?
Parmi les très rares informations dont on dispose sur le tirage au sort, on sait qu’un nombre très important de personnes tirées au sort n’a pas souhaité participer à la Convention : un tiers a refusé d’emblée et un autre tiers a demandé du temps pour réfléchir, sans aucune transparence sur leur décision finale. On sait aussi qu’un questionnaire a été distribué, sans en connaître la teneur.
Si la participation avait été obligatoire, la désignation par le hasard aurait plus ou moins effacé les biais politiques. En revanche, laisser libre chacun de choisir de participer ou non fausse totalement l’échantillon final en survalorisant la détermination des opinions et des clivages.
Il est évident que les gens qui ont refusé ou hésité sont les personnes politiquement les moins sensibles au sujet climatique mais aussi au principe même de la Convention. Autrement dit, les gens de droite ou antisystème ont dû dire bien plus « non » que les gens de centre-gauche des écologistes.
Ce biais politique est bien connu des pseudos-experts de la démocratie participative. Quand vous organisez des réunions volontaires sur des sujets de société, vous n’avez absolument pas un échantillon représentatif de la population qui se déplace ! Les « garants » qui ont pondu cette méthodologie le savent forcement ; il s’agit donc d’une manipulation volontaire de l’échantillon, ce qui est très grave.
Les critères sociaux, le sexe et la géographie ne suffisent pas à faire un échantillon représentatif. En effet, je peux constituer un échantillon de 150 électeurs EELV, socialistes, insoumis et macronistes avec 48% d’hommes et 52% de femmes, une juste représentation des CSP, du niveau de diplôme et de la géographie. Cet échantillon sera parfaitement « politiquement correct » mais complétement antidémocratique ! C’est d’ailleurs ce que savent faire les régimes totalitaires « démocratiques » de gauche, qui représentent parfaitement toute la société qui pense comme le parti unique.
D’autres biais politiques sautent aux yeux dans le mode de sélection des « 150 citoyens tirés au hasard », en particulier le texte lu par les opérateurs qui ont sélectionné les participants, disponible publiquement sur le site de la Convention Citoyenne :
La Convention Citoyenne Pour le Climat annoncée par le Président Emmanuel Macron est organisée par le Conseil économique, social et environnemental.
L’objectif de cette convention est d’aller plus loin et plus vite dans la lutte contre le changement climatique et de donner davantage de place à la participation citoyenne dans la décision publique.
(…) Sur le principe, (…), acceptez-vous de participer à cette Convention Citoyenne pour le Climat ?
Ainsi, un citoyen hostile à Emmanuel Macron pourrait refuser de participer à un projet organisé par son ennemi politique tout comme un citoyen méprisant le Conseil Economique Social et Environnemental. La notion même de « convention citoyenne » peut heurter un électeur hostile à la démocratie directe ou trouvant le terme teinté de gauchisme.
Bref, autant d’éléments qui auraient imposé de vérifier l’opinion politique – ou l’absence d’opinion- des personnes finalement sélectionnées qui n’ont plus rien à voir avec un tirage au sort !
Pire encore, le texte soi-disant objectif indique que le but de la Convention n’est pas de consulter les citoyens, ce qui aurait été la formulation la plus neutre mais de « d’aller plus vite et plus loin dans la lutte contre le changement climatique et donner plus de place à la participation citoyenne ».
En quoi les citoyens hostiles au fait d’aller « plus vite et plus loin » dans les politiques climatiques et/ou hostiles à la démocratie directe n’auraient pas le droit d’être représentés à due-proportion de leur poids dans l’opinion ? Un débat démocratique serait donc cantonné à des gens déjà convaincus ?
D’ailleurs, dans son premier communiqué de presse, le « collège des garants » ne parle pas de la représentativité politique, qui n’est pas interrogée. La situation leur parait tellement normale qu’ils confirment involontairement le biais de sélection en indiquant que la quasi-totalité des 150 citoyens ont, dès la première réunion, « une connaissance certaine du sujet ». Comment des citoyens tirés au sort pourraient, par hasard, avoir une connaissance certaine de sujets éminemment techniques ? Tout simplement parce que le biais de sélection par l’intérêt et la compétence auto-administrée a totalement discriminé la sélection et biaisé l’échantillon retenu !
A ce titre, les 11 portraits de « citoyens tirés au sort » mis en ligne par la Convention elle-même sont édifiants, non pas que les personnes soient critiquables mais qu’elles illustrent pleinement le biais que nous avons expliqué. Tous, sans exception, avaient un fort intérêt pour l’écologie et une conscience citoyenne développée. Pire, 10 sur 11 étaient même de véritables militants avec des convictions et des pratiques parfois radicales de décroissance. Il s’agit donc de profils qui n’ont rien de communs ou de représentatif de la société française mais le résultat d’une méthodologie abominable créant un panel conforme aux attentes des organisateurs et non aux principes de notre démocratie.
Ainsi, Sylvain, avait « comme tout le monde une sensibilité au sujet et l’impression que la surconsommation allait nous faire du mal ». Et bien non, « tout le monde » n’a pas la même sensibilité et tout le monde n’est pas critique de la surconsommation.
Mélanie de la Sarthe, indique quant à elle qu’elle est écolo « depuis douze ans ». Elle pratiquait avant la Convention le flexitarisme, le zéro déchet, les achats locaux, et pense qu’il faut « des mesures radicales », autant d’éléments respectables en eux-mêmes mais absolument pas représentatifs de citoyens « tirés au sort ». Agnès, est une militante de la reforestation. On apprend dans son témoignage qu’il y a un membre qui élève des loups en Savoie, un profil tout à fait courant en France…
Gilles de l’Essonne, indique qu’il a été élevé dans le zéro déchet et contre le gaspillage il y a 44 ans, au tout début de l’écologie politique ! Avant la Convention, il veillait à manger plus de protéines végétales et à limiter ses déplacements en voiture. Mathieu de Rhône Alpes, informe depuis dix ans les gens sur les méthodes alternatives comme la permaculture.
Fabien, d’Île de France, se déclare sensible à la question environnementale et favorable à la démocratie directe, tout comme Lou, qui a toujours été intéressée par l’écologie. Elle nous apprend aussi qu’elle a dû remplir un questionnaire, on aimerait savoir lequel.
Nicolas, des Bouches du Rhône est encore plus explicite : c’est lors de l’appel téléphonique qu’il s’est « emballé » car on venait « de m’offrir le moyen d’exprimer mes opinions sur l’urgence climatique ». Muriel de Toulouse ne dit pas autre chose : «en tant qu’antimatérialiste, j’ai pris conscience depuis mon plus jeune âge des méfaits du consumérisme et ne pouvais pas manquer cette occasion de faire porter ma voix ».Guy, déclare avoir une conscience « de la dynamique anthropocène destructrice sur la Nature. »
Seule une personne, Grégoire, indique qu’il aurait pu participer à n’importe quelle convention citoyenne par civisme.
Ainsi, non seulement l’ensemble des profils qualitatifs témoignent des biais que nous avons expliqués et démontrés, mais ils manifestent par ailleurs un phénomène flagrant de « fausse conscience », persuadé à l’insu d’eux-mêmes d’être représentatifs par principe de toute la société française alors qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes individuellement et un échantillon particulièrement biaisé collectivement.
Cette mascarade est le contraire même de la démocratie et du pluralisme !
En réalité, les organisateurs de la Convention ont sélectionné un panel conforme à leur propre idéologie ! Des fonds publics et une communication outrancière ont présenté aux citoyens de bonne foi cette initiative comme étant au-dessus des partis mais elle est en réalité en marge de la démocratie et de la République.
Tout a été décidé par quelques personnalités, groupuscules et think-tanks bien en cours à l’Elysée, à Matignon et au Conseil Economique Social et Environnement dont les membres, rappelons-le sont désignés par le pouvoir et les corps intermédiaires, sans aucun contrôle des… citoyennes et citoyens !
Les CV et le parcours des membres du comité de gouvernance parlent d’eux-mêmes, alliance hybride de socialistes interlopes, d’experts de l’expertise et de personnalités à la légitimité autoproclamée. Les qualités individuelles et l’intégrité des personnes suivantes ne sont nullement mises en cause. C’est l’absence totale de pluralisme et de transparence qui est intolérable !
L’ensemble de la Direction de la Convention et une majorité des membres du Comité de Gouvernance sont des soutiens politiques du gouvernement et/ou sont liés au Parti Socialiste :
– Le co-directeur Thierry Pech est directeur de Terra Nova, institut proche du parti socialiste.
– La co-directrice Laurence Tubiana fut conseillère de Lionel Jospin et soutien de François Hollande.
– Le Rapporteur Julien Blanchet est ancien président de la FAGE, soutien d’Emmanuel Macron.
– Jean Jouzel a soutenu Pierre Larroutourou à la primaire socialiste puis Benoit Hamon.
– Jean Grosset est membre de la fondation Jean Jaurès, Think Tank lié au parti socialiste.
– Dominique Gilliet est membre de la CFDT, syndicat réformiste ayant appelé à voter pour E. Macron.
– Léo Cohen et Ophélie Risler sont des anciens collaborateurs d’Élisabeth Borne au gouvernement.
– Mathilde Imer a pour seule légitimité d’être proche de Laurence Tubiana, déjà citée.
Les trois autres membres du comité de gouvernance n’ont aucun parcours faisant état d’opinion ou de courants politiques contraires, et même pas complémentaires aux autres membres.
Quant aux trois « garants » de la Convention, on peine à comprendre en quoi ils garantissent quoique ce soit d’autre que leurs propres idées ou les personnalités qui les ont nommés :
- Anne FRAGO, nommée par le président de l’Assemblée nationale, Michèle KADI, nommée par le Président du Sénat, respectivement directrice du service Culture et questions sociales de l’Assemblée nationale et directrice honoraire des services du Sénat. Ce sont des hauts-fonctionnaires qui n’ont aucune légitimité démocratique dans ce débat autre qu’être choisis par leur supérieur hiérarchique.
- Cyril DION, nommé par le Président du Conseil économique, social et environnemental, est un artiste et activiste proche de Pierre RABHI. Ses opinions sont tout à fait respectables mais il ne s’agit nullement d’une personnalité neutre ou consensuelle en mesure de garantir quoi que ce soit aux yeux du corps électoral.
Le caractère totalement endogame et antidémocratique de la Convention citoyenne est confirmé par le choix des auditions qui ont été réalisées. Il serait trop long d’analyser l’ensemble des participants, quoique l’exercice serait passionnant sur le niveau de copinage de ce milieu. Néanmoins, restons sur l’essentiel.
Aucune personnalité politique ou représentant de parti n’ont été invitées en dehors du Parti Socialiste et de la Macronie. Le Président de la République a pu faire sa propagande mais aussi Elisabeth Borne qui a nommé deux représentants au sein de la « gouvernance » qui l’invite. Nicolas Hulot, ancien ministre d’Emmanuel Macron disposait de son rond de serviette. Pierre Larroutourou, eurodéputé apparenté au Parti Socialiste, a été le seul parlementaire convié. Il se trouve, comme par hasard, que son ancien soutien Jean Jouzel est membre du comité de gouvernance. Enfin, le seul conseiller régional qui a pu s’exprimer est membre d’Europe Ecologie les Verts au sein d’une majorité socialiste. Autrement dit, plus de 55% des courants politiques n’ont pas eu le droit à une seconde d’expression « citoyenne », l’ensemble de la droite, des souverainistes, des écologistes hors EELV et la gauche de la gauche, ainsi que bien d’autres courants politiques n’appartiennent donc pas à la sphère « citoyenne ».
Le 24 février, les partis politiques ont été sollicités pour fournir, sous huitaine, une contribution de 1500 signes, soit une demie page. Après une réclamation, le texte a été porté à 5000 signes, soit à peine deux pages pour expliquer l’ensemble de la politique écologique et climatique de la France pour les 50 prochaines années ! Au final, personne ne sait ce que sont devenues ces contributions, aucune réponse n’a été apportée aux demandes d’audition ou d’explication sur la gouvernance de la Convention.
En revanche, Laurence Tubiana s’est auto-attribuée la parole, tout comme des membres de la CFDT, de l’IDDRI, à la fois représentéx dans la gouvernance et dans les interventions. La surreprésentation des membres du CESE est surréaliste. Un nombre impressionnant d’associations de gauche ont été invitées : WWF, Greenpeace, Negawatt, Réseau Action Climat, Bloom, Colibris, la Fondation Nicolas Hulot –dont la présidente est partie faire la campagne d’Anne Hidalgo.
Les choix discrétionnaires sont pléthores. La FNSEA a été conviée ainsi que la Confédération paysanne, 3ème syndicat. Mais, comme par hasard, pas la Coordination Rurale, pourtant 2ème syndicat agricole le plus représentatif qui a sans doute le malheur d’être plus critique de l’Union Européenne. Enercoop et Engie ont été conviés, pas EDF ou Total, qui pèsent pourtant infiniment plus lourd dans le modèle énergétique français.
Tirage au sort biaisé transformé en recrutement sans aucune garantie démocratique et pluraliste, gouvernance opaque et partisane, intervenants triés sur le volet… L’étude attentive de l’organisation de la Convention Citoyenne ne laisse aucun doute sur les raisons qui expliquent la politisation affligeante des 150 propositions plus proches des think-tanks du Parti Socialiste que d’une réelle consultation citoyenne.
Cette mascarade n’est pas seulement une honte pour le pouvoir en place, c’est une terrible occasion manquée pour la démocratie française qui a désespérément besoin de confiance, de transparence et de renouveau. C’est la 3ème fois que le pouvoir macroniste dévoie une belle idée démocratique. Après les débats citoyens suite aux Gilets Jaunes, transformés en tournée de monologues présidentiels et d’interventions lénifiantes des ministres au rabais, ce fut le « Grand Débat sur l’Europe » détourné en pré-campagne En Marche pour les élections européennes. A chaque fois, les principes de la démocratie et l’argent public sont détournés par un pouvoir sans vergogne et une petite clique qui confond la défense de notre environnement avec leur agenda idéologique gauchiste qui non seulement n’aura aucun résultat mais nous fait perdre un temps précieux pour sauver la planète !
Jean-Philippe Tanguy
Porte-parole et Délégué national au patriotisme économique