Les loups sont entrés dans Paris, écrivais-je hier ici même. Et si ce n’était que dans Paris, et si l’on n’avait affaire qu’à des individus isolés, mais tout porte à croire que ces loups à visage encagoulé chassent en meute. La France entière était encore sous le choc du massacre de la rue Nicolas-Appert que lui faisait déjà écho, hier matin, la fusillade meurtrière de Montrouge, où un agent de la voirie et une jeune policière sont tombés sous les coups d’un homme équipé d’un fusil-mitrailleur et d’un gilet pare-balles qui prenait aussitôt la fuite. Certes, les radios se hâtaient d’expliquer, lénifiantes, qu’il n’y avait aucun lien d’aucune sorte entre les deux événements, mais le bon sens le plus élémentaire inclinait à en douter.
Dans la nuit précédente, on avait entendu les reporters de BFMTV, présents avec des dizaines de leurs confrères sur les lieux de l’opération de police menée à Reims, répéter en boucle que, bien que la cité de la Croix-Rouge fût peuplée d’habitants de classe modeste, de sans-emploi, de « jeunes » – que d’euphémismes pour ne pas regarder la réalité en face – les choses s’y déroulaient « dans un calme relatif ». Une trouvaille, ce « calme relatif ».
La vérité, nous la connaissons pourtant tous. La vérité c’est que depuis trente ans, on ( et par ce « on » il faut entendre aussi bien les gouvernements « de droite » que les gouvernements « de gauche ») on a laissé s’installer en France des populations d’origine et de culture étrangères qu’on n’a pas toujours été capable d’éduquer, d’employer, d’intégrer. La vérité, c’est qu’on a laissé s’installer,prospérer, se fortifier, s’incruster et s’envenimer l’intégrisme, l’obscurantisme et récemment le djihadisme au sein de ces populations. La vérité est que nous payons aujourd’hui cette incurie, que nous en redoutons à bon droit les conséquences, que nous tendons le dos, depuis quelque temps, mais davantage encore depuis que Daech et Al Qaida ont menacé la France d’une offensive générale, dans l’attente angoissée de ce qui peut sortir de ce grouillement de cellules plus ou moins dormantes que nous sentons frémir dans l’ombre, et qu’on peut même se demander si les forces de l’ordre disposent des moyens en effectifs, en armements, et en organisation, qui leur permettraient de faire face à toutes les éventualités.
Le moment est donc venu de mettre les points sur les i. Les événements imposent l’urgence d’une clarification qui n’a pas été faite jusqu’ici, même après l’équipée sauvage de Mohammed Mérah.
La quasi-totalité des musulmans qui, issus du Maghreb, du Sahel ou de l’Afrique noire, sont venus travailler, vivre et faire souche en France, ne sont en aucune manière des terroristes. Pas plus tard qu’avant-hier, les fusils d’assaut des deux frères tueurs n’ont pas fait de différence entre Mustapha Ourrad, correcteur depuis dix ans à Charlie-Hebdo ou Ahmed Merabet, gardien de la paix, et les rédacteurs de l’hebdomadaire « bête et méchant ». Ils les ont couchés dans la même mort que nos confrères, eux aussi sont tombés en martyrs de la liberté, eux aussi sont morts pour une certaine idée de la France.
Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, et les irresponsables qui ici et là s’en sont pris à des mosquées veulent faire payer les innocents pour les coupables se trompent de cibles. Tiennent-ils tant à grossir les rangs de l’armée islamiste ? Mais les illuminés, les fanatiques qui ont décapité la rédaction de Charlie-hebdo, l’ont fait au nom de Dieu, de son Prophète, de l’Islam et aux cris d’ « Allah akbar », n’en déplaise à Médiapart qui, sur l’instant, a cru pouvoir suggérer et caresser l’idée d’une piste d’extrême-droite !
C’est donc aux fidèles de l’Islam, et pas seulement, comme d’habitude, au courageux imam de Drancy, Hassen Chalgoumi, au courageux imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, au recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, qu’il incombe de condamner sans ambiguïté, sans faiblesse, sans nuance, les propos, les actes et les crimes de la minorité qui se prétend représentative de leur communauté. Le Conseil français du culte musulman l’a fait, pour la première fois, dans les termes les plus nets, et il a demandé aux prêcheurs du vendredi d’en faire autant demain. C’est un début, mais qui ne suffit pas.
Nous sommes dans un pays où depuis le chevalier de la Barre, pendu pour ne pas s’être découvert au passage d’une procession (mais dispensé par faveur d’être brûlé vif et d’avoir la langue arrachée) , donc depuis deux cent cinquante ans ,nul n’a été mis à mort pour « blasphème ».Nous sommes dans un pays où personne n’est forcé de lire Charlie-hebdo et de s’esclaffer à ses blagues antireligieuses mais où nul n’est en droit ni de le censurer, ni de l’interdire, ni de châtier leurs auteurs, et ce pays s’appelle la France.
La guerre que nous a déclarée et que nous livre l’islamisme est une pierre de touche pour tous les musulmans de France. Il leur revient aujourd’hui de donner des signes sans équivoque de leur attachement au pays où ils vivent, et d’abord en participant massivement aux défilés et aux diverses manifestations qui le prouveront. Qu’ils soient établis sur notre sol depuis plusieurs générations ou arrivés de la veille, quelle que soit la nationalité qui figure sur leurs documents d’identité, ce n’est pas sur leur race, ni sur leur confession ni sur leur origine mais en fonction de leur adhésion aux valeurs et aux principes qui ont fondé et cimenté notre République, notre démocratie, notre nation qu’ils doivent être jugés et traités. Ceux d’entre eux qui pensent qu’on n’a pas le droit de se moquer du Prophète et qu’il est licite de tuer au nom d’une religion n’ont rien à faire en France.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France