Au lendemain du scrutin des élections européennes, quelques réflexions sur ce à quoi doivent s’attendre les députés français sous l’angle du numérique et de la transformation dite “disruptive”de notre société…
Au gré des pressions des lobbys des grands groupes mondiaux, des organisations non gouvernementales, des GAFAM, une poursuite effrénée de demandes de lois orientées et planifiées sur la commission et le législatif s’accroitra. En effet, les Etats membres se doivent de “s’aligner”avec les nécessités du monde numérique et digital annoncées pour demain, façonnées non pas par les politiques, les économistes mais des intérêts personnels et privés en toute passivité volontaire ou inconsciente de nombreux élus …
Le premier élément de cette “nécessité”est l’automation / l’automatisation de la société et de notre économie, à savoir que les décisions les plus courantes, quasiment toutes, mêmes juridiques, seront prises par une Intelligence Artificielle (IA) avec un minimum d’intervention ou d’arbitrage de l’Homme.
Inhumaine par définition, impartiale par les règles de gestion paramétrées en elle, cette IA a besoin, sur toutes les micro-tâches, tous les sujets d’interactions commerciales, administratives, de services aux humains, de règles établies. Ceci explique le nombre de règlements à adopter pour toutes les transactions, les produits … d’où l’omniprésence des lobbies. Tout doit être tangible, uniformisé, qualifiable et quantifiable. Là où l’humain se modère et s’adapte, la machine ne sachant pas le faire il faut « décortiquer » toute interaction et décision.
Surtout, toutes ces interactions “machines-à-humains”ou “machines-à-machines”doivent donc aussi passer par des appels d’offres, réels ou totalement virtuels (de l’ordre de la milliseconde … comme en trading …), le gré-à-gré ou le volontariat, étant rendu à l’état de peau de chagrin. Une ubérisation (le terme devient d’ailleurs désuet …) quasi-totale de la société, une fragilisation étendue du travail pour les exécutants, avec un amoindrissement des tâches intellectuelles pour une majorité d’actifs qui, historiquement et culturellement dévolues, entre autres, aux cadres seront massivement transférées à l’IA. Ce sont les faits constatés et dangereux de ce modèle. Nos élèves sont déjà préparés à cela par les programmes scolaires.
Le second élément à mettre en exergue, dès aujourd’hui, est la redéfinition floue de l’Etat : alors qu’il est clair que des cryptomonnaies privées seront autorisées et monopoliseront les transactions commerciales quasiment toutes numérisées, que restera-t-il à l’Etat ? Que restera-t-il du sujet de l’Euro … rendu quasi-caduque. Il est même à penser que l’état civil pourrait être supplanté par des systèmes offerts par des sociétés privées. Sont à la clé, le risque d’avoir du “ranking” et un fichage avec une notation du comportement des individus leur libérant des avantages ou leur assurant automatiquement des pénalisations. C’est ce qui se met déjà en place en Chine, des citoyens évalués rétifs étant dans l’impossibilité d’inscrire leurs enfants dans certains établissements ou de postuler à certains emplois.
Mais alors, quels services peuvent encore être offerts dans ce schéma par notre état : l’état civil ? Le cadastre ? Le patrimoine matériel et immatériel français ? L’imposition ? Tout sera par obligation législative soumis à appel d’offre pour des acteurs privés … l’extra-nationalisation sera en marche.
Quand il n’y aura plus une seule spécificité locale (régionale même puisque les départements français sont gênants dans ce mille-feuille, comme la commune versus les agglomérations taillées à l’allemande …) la fusion des états dans l’entité Union Européenne sera alors totale. Resterait la barrière de la langue … Prochain sujet sans doute !
Alors que l’IA et la révolution numérique peuvent vraiment être manipulées par l’homme pour son bien et son bonheur, il est crucial de ne pas tomber passivement dans l’acceptation de la rigidification de notre société pour assurer l’implémentation de cette automatisation de notre environnement, de nos existences.
D’ailleurs, où sont les “réservoirs d’idées”(pour éviter dans cet article l’utilisation de trop de termes anglais …) européens ou des états membres pour façonner cette société ? Sommes-nous dévolus aux propositions quasi-imposées des sociétés privées américaines ? Nos grandes entreprises nationales, françaises, allemandes, suédoises se trouvent dépossédées par dogmatisme de leur Recherche & Développement alloués à des Startup dites agiles et disruptives. Mais ces mêmes startup quelle est leur finalité ? Devenir une”licorne”et être vendue au plus offrant quasi-sûrement extra –européen ? Enrichir leurs fondateurs et monopoliser nos élites devant s’y impliquer sans pérennité et réel intérêt patrimonial ?
Sur ces mêmes startup, le degré de liberté est aussi restreint car les GAFAM ont bien compris que le combat commercial de demain est gagné sur les services “back-offices”(qui demandent des milliards d’investissements) incontournables que sont l’hébergement de données (Cloud, big data, machine learning), l’IA en tant qu’algorithme de puissance de calcul et l’intermédiation massive entre individu (réseaux sociaux, deep learning, blockchaîne, …). De nouveau, où sont les acteurs de grandes tailles, locaux, du moins européens, qui adressent sur notre continent ces trois pôles fondamentaux ? Rien : ils sont américains.
Ce qui aurait attendu nos députés et quelles préconisations nous leur aurions données ? Certainement d’avoir de la clarté, une conviction, d’avoir de la persévérance et de l’action pour lutter contre les lobbies et faire de la transformation numérique un domaine maîtrisé, et un outil de bien-être et non d’asservissement des peuples si la passivité l’emporte comme aujourd’hui.
Certains sujets ont besoin de politique … celui du numérique plus que tout. Les députés majoritaires RN, LREM et EELV seront-ils réceptifs à cela ? Adhérents sciemment ou passivement aux modèles présentés ici, tout laisse à croire que non …
Lionel Mazurié
Délégué National au Numérique