Un intellectuel persécuté pour avoir défendu la liberté d’expression
Boualem Sansal, 75 ans, est un intellectuel franco-algérien de renom, connu pour son opposition de longue date à l’islamisme et son franc-parler face aux dérives autoritaires [1]. Auteur de nombreux romans salués à l’international, il a toujours défendu la liberté d’expression, quitte à déplaire aux extrémistes. Depuis le 16 novembre 2024, il croupit dans une prison algérienne, arrêté à son arrivée à Alger pour le simple fait d’avoir exprimé des vérités historiques et critiqué le régime en place [2]. Son emprisonnement, arbitraire et inique, s’accompagne d’un traitement indigne : Sansal, âgé et malade, a été privé de son avocat et a entamé une grève de la faim pour protester [3]. La situation est critique. Chaque jour passé derrière les barreaux met un peu plus en danger la vie de cet homme dont le seul « crime » est d’avoir usé de sa plume contre l’intolérance.
Il y a urgence absolue à obtenir sa libération. Cet écrivain courageux – voix libre de la francophonie menacée par les islamistes – ne doit pas être sacrifié sur l’autel des calculs diplomatiques. Laisser Boualem Sansal mourir lentement en prison serait une tache indélébile sur la conscience française. Notre pays, patrie des droits de l’homme, a le devoir moral d’intervenir de toutes ses forces pour sauver cet homme de lettres injustement persécuté pour ses idées. Ne rien faire serait entériner une violation flagrante des droits fondamentaux et un message de terreur envoyé à tous les libres penseurs du monde francophone.
Le silence coupable du gouvernement français face à Alger
Pourtant, face à ce drame, la réaction du gouvernement français a été d’une faiblesse consternante. Certes, Emmanuel Macron a bien déclaré se sentir « préoccupé » par la détention et l’état de santé de Boualem Sansal [4]. Il a même évoqué la nécessité de « revoir » les accords migratoires avec l’Algérie, semblant lier du bout des lèvres le sort de l’écrivain à ces discussions. Mais dans les faits, rien de concret n’a été entrepris pour faire fléchir Alger, que des effets d’annonce. Le président français s’est en effet refusé à tout geste de fermeté, excluant par avance toute remise en cause unilatérale de l’accord de 1968 avec l’Algérie [5]. En clair, on se contente de mots inoffensifs et de vagues promesses de « révision » là où il faudrait des actes forts et immédiats.
Cette passivité équivaut à une forme de complicité par le silence. Comment interpréter autrement l’inaction d’Emmanuel Macron, sinon comme le choix de ne pas contrarier le pouvoir algérien ? On déplore, on « s’inquiète », mais on n’exige rien fermement, on ne menace d’aucune sanction réelle. Alger, de son côté, ignore superbement nos timides suppliques : toutes les demandes de libération sont restées lettre morte jusqu’à présent [6]. Le régime algérien comprend un langage : celui du rapport de force. En ne parlant que le langage de la conciliation molle, notre gouvernement abdique son rôle de garant des droits de nos compatriotes. Il est inadmissible que la France reste les bras croisés alors qu’un de ses intellectuels est jeté en prison pour délit d’opinion. Cette attitude envoie un signal de faiblesse dramatique, non seulement à Alger, mais aussi à tous les tyrans en puissance : la France ne défend plus ses enfants ni ses valeurs quand elles sont bafouées.
L’indignation sélective de la gauche radicale : le cas Rima Hassan
Plus grave encore, certains responsables politiques français, notamment à l’extrême-gauche, non contents de garder le silence, ont fait preuve d’une hostilité glaçante à l’égard de Boualem Sansal. Le 23 janvier dernier, le Parlement européen a adopté une résolution exigeant la libération immédiate et inconditionnelle de l’écrivain. Ce texte a été plébiscité par 533 voix contre 24 et 48 abstentions – un rare moment d’unité européenne en faveur des droits de l’homme. Or, pas un seul des élus de La France Insoumise (LFI) n’a soutenu cette résolution. Certains, comme Manon Aubry, ont préféré s’abstenir ; d’autres, à l’instar de Rima Hassan, ont eu « l’audace » de voter contre ! [7]
Une telle position défie l’entendement. Comment des élus français, qui se targuent en temps normal de défendre les opprimés, ont-ils pu refuser de soutenir un écrivain emprisonné pour ses opinions ? La réponse, hélas, est à chercher du côté du sectarisme idéologique. Boualem Sansal a le tort, aux yeux de LFI, de dénoncer l’islamisme et de ne pas correspondre au récit victimaire prisé par une certaine gauche. Rima Hassan a osé justifier son vote en arguant qu’elle s’opposait à « l’instrumentalisation » de l’affaire Sansal par la droite et l’extrême-droite [8]. Quel prétexte pitoyable ! Faut-il donc être catalogué « politiquement correct » pour mériter la solidarité de LFI ? En l’occurrence, cette rhétorique revient ni plus ni moins à reprendre les éléments de langage du régime algérien, qui accuse quiconque défend Sansal d’être membre d’un « lobby haineux anti-Algérie ». En refusant de soutenir Boualem Sansal, La France Insoumise a commis une faute morale et politique lourde – pour reprendre certaines critiques d’un quotidien pourtant proche de leurs idées [9]. Eux qui dénoncent sans cesse les prétendues « trahisons » des autres se sont révélés, par leur silence et leurs votes, complices de l’injustice.
Cette indignation à géométrie variable est une honte. On brandit les droits de l’homme quand cela sert un agenda militant, mais on les oublie quand il s’agit d’un intellectuel laïque victime de l’islamisme. Qu’on ne s’y trompe pas : en taisant son nom, en refusant de défendre Sansal, une partie de la classe politique française abdique ses principes et salit l’honneur de notre pays. Heureusement, d’autres voix – de tous bords – se sont élevées pour condamner cette abdication. Mais il est tristement révélateur de voir ceux qui se présentent comme les champions de la justice sociale s’asseoir sur les droits fondamentaux dès qu’ils ne coïncident pas avec leurs lubies idéologiques.
Rétablir la souveraineté française : en finir avec les accords de 1968
L’affaire Boualem Sansal met en lumière un enjeu plus large : celui de la souveraineté française face au régime algérien. Depuis trop longtemps, nos relations avec Alger sont minées par la culpabilité post-coloniale et les calculs politiciens. La France a concédé des avantages exorbitants aux autorités algériennes et à leurs ressortissants, sans obtenir en retour le respect de ses propres lois ni de ses citoyens. Le symbole le plus criant de ce déséquilibre est l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cet accord, toujours en vigueur, a instauré un régime dérogatoire qui facilite l’immigration des ressortissants algériens vers la France [10]. En vertu de ce texte, les Algériens bénéficient de conditions d’entrée et de séjour en France nettement plus favorables que celles prévues par le droit commun des étrangers [11]. Pourquoi une telle exception, plus de 60 ans après l’indépendance de l’Algérie ? Plus rien ne la justifie.
Pire, alors même qu’ils profitent de ce passe-droit migratoire, les dirigeants algériens refusent ostensiblement de coopérer lorsqu’il s’agit de reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière ou coupables de troubles à l’ordre public en France [12]. En d’autres termes, c’est donnant-donnant… à sens unique ! Alger encaisse les avantages, mais quand il s’agit d’assumer ses obligations, il n’y a plus personne. Cette situation intolérable a assez duré. Notre souveraineté nationale est piétinée : piétinée quand un régime étranger emprisonne un de nos intellectuels sans craindre de conséquences, piétinée quand ce même régime se permet de traiter la France comme un paillasson sans que l’État français réagisse pour se faire respecter.
Il est temps de changer de paradigme. Pour se faire entendre d’Alger, Paris doit retrouver sa souveraineté et son honneur en revenant sur les concessions du passé. Nous demandons la dénonciation de l’accord de 1968. Cet accord anachronique doit être supprimé sans délai, tant que l’Algérie persistera à bafouer les droits fondamentaux. En envoyant ce signal fort, la France affirmera qu’elle ne joue plus le jeu truqué de la complaisance. Oui, cela peut déplaire à certains bien-pensants attachés aux faux-semblants diplomatiques. Mais comment prétendre défendre Boualem Sansal sans s’attaquer aux mécanismes qui ont permis à Alger de croire qu’il pouvait agir impunément contre un Français ? Rétablir une relation saine avec l’Algérie passe par la fermeté. Le temps du paternalisme culpabilisé est révolu : place au respect mutuel, basé sur la réciprocité. Et s’il faut en passer par des mesures de rétorsion pour se faire respecter, alors n’hésitons pas – la souveraineté et la dignité de la France sont à ce prix.
Des mesures de rétorsion fermes et concrètes contre Alger
Les beaux discours doivent maintenant céder la place à l’action. Tant que Boualem Sansal restera emprisonné, la France se doit de prendre des mesures de rétorsion claires et fortes à l’encontre du régime algérien. Voici quelques actions immédiates qui doivent être envisagées sans tarder :
– Rappel de notre ambassadeur à Alger pour consultations et convocation de l’ambassadeur d’Algérie à Paris afin de lui signifier notre indignation. Si Alger persiste dans son refus, l’expulsion pure et simple de son ambassadeur pourrait être mise sur la table – un geste diplomatique rare, mais à la hauteur de la gravité des faits.
Avec un régime qui emprisonne un ressortissant français pour délit d’opinion – Réduction draconienne des visas accordés aux ressortissants algériens, en commençant par les membres de l’appareil d’État et leurs familles. Il est hors de question de continuer à octroyer des privilèges de voyage ou de séjour à ceux qui cautionnent de près ou de loin la répression. Cette réduction des visas doit être immédiate et ne pourra être levée qu’une fois Boualem Sansal libre.
– Gel des avoirs et sanctions ciblées contre les dignitaires algériens impliqués dans la violation des droits de l’homme. La France, éventuellement avec ses partenaires européens, peut identifier et sanctionner financièrement les responsables de la sécurité et de la justice algérienne liés à ce dossier. Qu’ils sachent que leurs biens en Europe, leurs comptes bancaires, ne sont plus à l’abri si Boualem Sansal continue de croupir en prison.
– Dénonciation officielle des accords de 1968 comme stipulé précédemment. Si l’Algérie ne comprend pas les signaux diplomatiques, il faudra frapper fort en mettant fin définitivement à ce régime d’exception. C’est une mesure de rétorsion majeure, qui aura sans doute un impact considérable sur Alger – à la hauteur de l’affront qu’elle nous fait en ce moment. Emmanuel Macron prétend qu’il ne faut pas « jouer » avec ces accords [13], mais qui joue avec le feu sinon le régime algérien lui-même ? La France ne menace pas à la légère de rompre un accord international ; mais face à un partenaire devenu adversaire, elle ne doit plus s’enchaîner elle-même par de faux scrupules.
Ces mesures peuvent paraître dures. Elles le sont. Mais nous sommes face à un cas d’extrême gravité, rappelons les faits aux lecteurs de la revue de Francophonie Force Oblige (FFO) : un écrivain francophone, âgé et malade, est incarcéré injustement dans des geôles indignes. La France a été patiente, trop patiente. Désormais, c’est œil pour œil, dent pour dent : pas de retour à la normale tant que Boualem Sansal ne sera pas libre et en sécurité. À travers cette fermeté, nous envoyons également un message à d’autres régimes autoritaires : on ne bafoue pas les droits d’un citoyen français impunément. Chaque jour qui passe sans action renforce le sentiment d’impunité d’Alger. Il est temps d’inverser la dynamique et de faire comprendre que la France n’accepte plus d’être humiliée.
Francophonie : défendre notre langue, c’est défendre ceux qui la font vivre
Cette affaire prend place au moment même où s’ouvre la semaine de la langue française et de la Francophonie (du 15 au 23 mars 2025). Une célébration censée mettre en valeur le rayonnement de notre langue et de notre culture à travers le monde. Quel triste paradoxe ! Pendant que l’on multiplie les discours officiels sur l’amour du français, un grand écrivain d’expression française croupit en prison pour en avoir usé librement. Boualem Sansal est l’un des auteurs francophones les plus importants du Maghreb, lauréat notamment du prestigieux Prix de la paix des libraires allemands [14], et ambassadeur brillant de la culture française. Sa persécution est un affront direct aux valeurs de la Francophonie que nous prétendons défendre.
La Francophonie, ce ne sont pas que des mots et des festivités ; c’est une communauté de destin, fondée sur des valeurs communes de liberté, de partage et d’humanisme. Défendre la Francophonie, c’est se tenir aux côtés de celles et ceux qui, comme Sansal, font vivre la langue française parfois au péril de leur liberté et de leur vie. Chaque langue porte une vision du monde. La nôtre, le français, porte l’idéal des Lumières, de débat d’idées, de respect de la dignité humaine. Si nous laissons Alger bâillonner une de ces voix francophones dissidentes sans réagir, alors nos belles proclamations sur le rayonnement du français ne vaudront plus un sou.
Au contraire, montrons que la Francophonie oblige – qu’elle nous impose un devoir de solidarité et de courage. Nous appelons tous les pays et peuples francophones, tous les amoureux de la liberté d’expression, à se joindre à nous pour exiger la libération de Boualem Sansal. Profitons de cette Semaine de la Francophonie pour rappeler haut et fort que la langue française n’appartient pas aux censeurs et aux despotes, mais à ceux qui la font vibrer au service de la vérité. Ne laissons pas la peur museler la création littéraire francophone. En défendant Boualem Sansal, c’est notre culture et notre idéal que nous défendons.
Ne pas être complices par le silence : la France doit agir maintenant
Le sort de Boualem Sansal n’est pas qu’une affaire individuelle, c’est le baromètre de notre courage collectif. Allons-nous, Français, rester spectateurs tétanisés par des calculs diplomatiques, et devenir par notre silence les complices de ses geôliers ? Ou allons-nous retrouver un sursaut d’honneur et faire front commun pour sauver un homme qui symbolise la liberté de pensée ?
La réponse à cette question dira ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Nous refusons que la France continue à courber l’échine. Comme nous refusons que l’on sacrifie nos valeurs sur l’autel des intérêts à courte vue. Boualem Sansal doit être libéré, et il le sera si la pression française et internationale se fait enfin implacable. Monsieur Macron, cessez les demi-mesures et les tergiversations : chaque heure compte. Nos représentants doivent cesser de feindre l’impuissance. L’Algérie a besoin de la France au moins autant que l’inverse – utilisons tous les leviers dont nous disposons. L’ère de la complaisance aveugle est terminée. Place à l’action déterminée.
Enfin, défendre Boualem Sansal, c’est défendre l’idée que nous nous faisons de la France. Une France qui ne transige pas avec la liberté, une France souveraine et fière, capable de tenir tête aux tyrans. Une France qui n’abandonne pas ses enfants de cœur et d’esprit à l’arbitraire. C’est cette France-là que nous appelons de nos vœux. Francophones de tous horizons, unissons-nous pour faire triompher la justice et la liberté sur la lâcheté et la tyrannie. Boualem Sansal doit être libéré sans délai. C’est une question d’humanité, d’honneur et de fidélité à ce que nous sommes.
Nicolas DUPONT-AIGNAN, Président de Debout la France
avec la participation d’Alain RIPAUX, Président de Francophonie Oblige
et de Maël CAMERLYNCK correspondant FFO du Nord et des Hauts de France
[1] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/11/21/algerie-l-ecrivain-boualem-sansal-arrete-a-l-aeroport-d-alger_6407242_3212.html [2] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/12/30/en-algerie-le-president-tebboune-qualifie-l-ecrivain-boualem-sansal-d-imposteur-envoye-par-la-france_6473744_3212.html [3] https://www.lefigaro.fr/international/il-commence-a-perdre-espoir-detenu-en-algerie-boualem-sansal-a-entame-une-greve-de-la-faim-selon-son-avocat-20250223 [4] https://www.lefigaro.fr/politique/tres-inquiet-emmanuel-macron-suit-avec-attention-la-situation-de-boualem-sansal-20241121#:~:text=mis%20au%20secret%20depuis%20six,personne%20l’écrivain%20algérien%20en%202024 [5] https://www.publicsenat.fr/actualites/international/tensions-franco-algeriennes-que-disent-les-accords-migratoires-que-veut-remettre-en-cause-bruno-retailleau#:~:text=La%20France%20et%20l’Algérie%20s’enfoncent,particulièrement%20celui%20conclu%20en%201968 [6] https://northafricapost.com/85200-boualem-sansals-lawyer-to-file-complaint-with-un-in-protest-for-algerias-arbitrary-detention.html#:~:text=His%20arrest%20came%20against%20the,arrest%20a%20retaliation%20on%20France [7] https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/liberation-de-boualem-sansal-sous-le-feu-des-critiques-la-france-insoumise-justifie-son-vote-contre_245273.html#:~:text=l’indifférence%20générale,Anthony%20Smith%2C%20ont%20voté%20contre [8] https://www.lefigaro.fr/politique/il-n-est-francais-que-depuis-quelques-mois-l-etonnante-justification-de-rima-hassan-apres-son-vote-contre-la-liberation-de-boualem-sansal-20250124 [9] https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/01/24/le-refus-de-la-france-insoumise-de-soutenir-une-resolution-pour-la-liberation-de-boualem-sansal-au-parlement-europeen-suscite-un-tolle_6513798_823448.html [10] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/CRSAJOANR5L16S2024O1N078.html#:~:text=Considérant%20que%20l’accord%20franco,ressortissants%20algériens%20vers%20la%20France [11] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/CRSAJOANR5L16S2024O1N078.html#:~:text=Considérant%20qu’aucun%20motif%20ne%20justifie,et%20du%20séjour%20des%20étrangers [12] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/CRSAJOANR5L16S2024O1N078.html#:~:text=Considérant%2C%20de%20surcroît%2C%20que%20les,France%20ou%20troublant%20l’ordre%20public [13] https://www.reuters.com/world/frances-macron-says-concerned-about-health-author-sansal-detained-algeria-2025-02-28/#:~:text=settle%20in%20France [14] https://www.reuters.com/world/frances-macron-says-concerned-about-health-author-sansal-detained-algeria-2025-02-28/#:~:text=Item%201%20of%203%20Algerian,REUTERS%2FKai%20Pfaffenbach%2FFile%20Photo