Le peuple belge “a reconquis par son courage, son nom, ses droits et son drapeau. Et [sa] main souveraine et fière, Désormais peuple indompté” : dit l’hymne belge, la Brabançonne.
Dans un discours qui fera date, dans l’histoire politique de l’Europe, Paul Magnette, ministre-président de la Wallonie a rappelé les exigences d’un homme politique : le devoir de vérité, la responsabilité devant son peuple et la défense de l’intérêt général.
Paul Magnette a décrit, devant le parlement wallon, les dangers potentiels du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou Accord économique et commercial global) : l’abaissement des normes sociales et écologiques, l’ouverture de notre marché agricole, la toute-puissance des multinationales. Conscient de la défiance des Wallons vis-à-vis de cet accord, le ministre-président a choisi de porter et de défendre la voix de son peuple plutôt que de se soumettre au diktat européen. Lucide sur l’état de sa région, il a choisi de la protéger et de préserver son modèle économique et social.
Comme M. Magnette en Wallonie, je combats le CETA : sa signature est un coup de force contre le choix des peuples, son entrée en vigueur est une menace pour notre économie.
La négociation sur le CETA, à l’image de celle du TAFTA, n’a pas tenu compte des démocraties nationales. Le ministre M. Fekl l’a reconnu, cette semaine, en affirmant que les parlements nationaux étaient mis devant le fait accompli, dans l’obligation de ratifier le traité. Mis à l’écart des négociations par la commission européenne, ils doivent se soumettre à cette loi de terreur qui rend inéluctable la ratification.
Dans cette affaire, le gouvernement s’est soumis et trompe les Français. Il accepte de signer le CETA ainsi que sa mise en œuvre, avant la ratification par les parlements nationaux. Il prétend, dans le même temps, refuser le TAFTA. Le Canada et les Etats-Unis appartiennent à la même zone de libre-échange. 42 000 sociétés américaines sont installées au Canada. Qui peut croire que les produits américains n’entreront pas en Europe via le Canada, défiant nos normes en matière d’environnement, de santé et de travail ?
Paul Magnette s’insurge, à raison, contre cette facilité et fait preuve d’un courage exemplaire quand François Hollande se couche. La France devrait pourtant refuser ce traité et exiger une négociation transparente, tenant compte des inquiétudes populaires.
Car, si sa signature est un scandale démocratique, le CETA constitue une menace pour nos intérêts. Dans la guerre économique actuelle, ce traité commercial nous désarme. Des pans entiers de notre économie seront balayés, à commencer par notre agriculture.
Nous assisterons à la mise à mort des producteurs européens de viande bovine : comment imaginer qu’ils survivent à l’inondation du marché européen d’au moins 48 000 tonnes de viande bovine canadienne de bonne qualité sans droit de douane alors même que le marché est déjà saturé ? D’autant que les quotas obtenus par le Canada ont été calibrés pour une Europe à 28, auxquels le Royaume-Uni échappera. Le traité prévoit aussi l’exportation sans droits de douane de 75 000 tonnes de porc (contre 5 549 aujourd’hui), 100 000 tonnes de blé ou encore 8 000 tonnes de maïs doux.
En échange de la réduction de ces quotas, qu’a obtenu l’Europe ? Que son contingent de fromage admis sans droits de douane au Canada passe de 13 472 à 18 500 tonnes par an, soit environ 185 000 tonnes de lait. Le marche du lait canadien sera considérablement affaibli par cette décision. La dérégulation du marché canadien, aujourd’hui protégé par des quotas de production et des prix garantis, pourrait provoquer une pression à la baisse des prix mondiaux. Les éleveurs français, déjà soumis à des prix très bas et à la volatilité des cours, en seront les premières cibles, au profit des grands industriels de l’agroalimentaire.
La même logique dévastatrice guide l’ouverture des marchés publics, organisée par le CETA. Les marchés publics européens sont déjà ouverts à près de 90 %. En contrepartie, les entreprises européennes bénéficieront d’un accès à seulement 30% des marchés publics canadiens, contre 10 % aujourd’hui. 90% d’ouverture du côté européen, 30% du côté canadien : où est la réciprocité ?
Même déséquilibre concernant les indications géographiques. Sur 1349 indications géographiques européennes, seulement 173, soit 10%, sont reconnues par l’accord. Le Canada maintiendra même certaines appellations similaires et protégera l’usage de certaines d’entre elles par des personnes de droit canadien qui les ont utilisées, pendant au moins 10 ans, avant 2013.
Le CETA organise enfin un affaiblissement insupportable du pouvoir politique et un nivellement par le bas de nos normes. La juridiction installée pour régler les différends entre les entreprises et les Etats pose déjà de nombreux problèmes de neutralité et d’indépendance. La protection des « attentes légitimes » de l’investisseur, prévue par l’accord, pourrait remettre en cause certaines décisions politiques en faveur de la santé ou de l’environnement.
Pensé et négocié de manière anti-démocratique, le CETA organise le démembrement de notre économie et d’abord celui de notre agriculture. En l’acceptant, les gouvernements européens choisissent de se soumettre à des puissances transnationales qui méprisent nos lois et nos modes de vie. De nombreux hommes politiques invoquent l’identité de la France, ils la bradent pourtant, en acceptant cet accord qui méprise nos particularités locales, nos savoir-faire, ce qui fait la singularité et le génie de notre nation.
Au milieu de la lâcheté des élites françaises et européennes, Paul Magnette nous montre la voie, celle d’une démocratie fondée sur la souveraineté du peuple, celle d’une nation consciente de ses intérêts et déterminée à les défendre, celle d’une autre Europe, protectrice et ambitieuse. Tout l’enjeu de l’élection présidentielle de 2017 est là.
Oui, la France peut préserver ses intérêts. Oui, les décisions essentielles du gouvernement doivent être conformes au choix et aux aspirations du peuple français. J’appelle les Français et leurs élus à refuser le CETA et à signer la pétition nationale lancée par Debout la France.
Retrouvez l’article sur le site du Huffington Post : http://www.huffingtonpost.fr/nicolas-dupont-aignan/bravo-les-wallons/?utm_hp_ref=fr-homepage