Membres de la Commission des Affaires étrangères, Alain Bocquet, député communiste du Nord, et moi-même préparons depuis plusieurs mois un rapport sur les paradis fiscaux. Chaque semaine nous auditionnons à huis-clos des experts, des juges, des banquiers, des douaniers,des organisations internationales luttant contre la fraude fiscale… Pour nos investigations, nous nous sommes rendus à l'étranger comme en Suisse et au Royaume-Uni. Aujourd'hui nous venons d'apprendre que le Luxembourg nous refusait le droit d'enquêter sur son territoire. Le Luxembourg… un pays membre de l'Union européenne et qui a présidé pendant des années l'Eurogroupe !
Le même jour et plus de deux mois après sa nomination au Ministère du Budget, Bernard Cazeneuve vient enfin de faire ses premières déclarations. Après avoir hiberné pendant si longtemps, j'espérais des annonces fortes et sans précédent de la part du nouveau ministre du Budget. Visiblement l'affaire Cahuzac n'a toujours pas ouvert les yeux au gouvernement socialiste. La première mesure concrète et efficace serait d'exclure le Luxembourg de l'Union européenne tant que le pays ne se conforme pas aux exigences fiscales et bancaires des autres pays. Il y a un moment où on ne peut pas continuer à profiter du système sans en respecter aucune des règles du jeu.
Dans son entretien au Parisien, M. Cazeneuve a annoncé que "les fraudeurs avaient intérêt à se signaler". Les coupables d'évasion fiscale doivent trembler sous la menace de Monsieur Cazeneuve…
Il a annoncé un durcissement des peines encourues mais cela ne résout pas le principal problème : comment démasque-t-on les les fraudeurs ? Autrement dit quels moyens se donne l'administration fiscale pour connaitre les noms de détenteurs français de comptes à l'étranger ? Avant de sanctionner un fraudeur, il faut pouvoir l'attraper. Et pour l'attraper il n'y a que deux moyens : soit on achète des listings comme l'a fait l'Allemagne, soit on prend modèle sur la loi Facta aux Etats-Unis qui oblige les banques à donner au Fisc américain le nom des citoyens américains ayant des comptes à l'étranger ?
Si en 2009 Eric Woerth a pu mettre en place une cellule de régularisation, c'est parce que Hervé Falciani, un ancien informaticien de HSBC, a divulgué un listing de 3000 noms de détenteurs de comptes dans la banque.
M. Moscovici parle bien de moyens d'investigation supplémentaires donnés comme des mises sur écoute mais ne donne aucun agenda pour la mise en application. De même M. Moscovici annonce le recrutement de seulement 50 agents supplémentaires pour la lutte contre la fraude fiscale, quand des pays comme le Royaume-Uni ont mis en place une "task force" de plusieurs centaines d'hommes avec des moyens ultra-modernes.
Cette énième pantalonnade du gouvernement socialiste démontre bien qu'on ne veut pas vraiment faire le ménage au sommet de l'Etat. Je repose donc la question : pourquoi MM Cazeneuve et Moscovici refusent de faire la guerre aux exilés fiscaux ? Qui protègent-ils ?
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l'Essonne
Président de Debout la République