Quelques jours après l’attentat de Nice, Nicolas Dupont-Aignan revient sur cet événement tragique, réaffirmant la nécessité de mettre en oeuvre des réponses à la hauteur des enjeux.
Atlantico : Suite à la prolongation de l’état d’urgence décrétée par François Hollande après les événements de Nice, vous avez affirmé que cela “ne suffit plus”. Vous avez adressé à François Hollande une liste de dix propositions à mettre en œuvre pour lutter contre le terrorisme. Quelle est la teneur de ces mesures ?
Nicolas Dupont-Aignan : Il s’agit simplement de faire la guerre et de la gagner. Ce qui me sidère dans la réaction du gouvernement, c’est la paralysie dont il fait preuve. Il aurait dû déjà réagir plus fort après le Bataclan ; or cela n’a pas été le cas. Je n’ai pas émis de critiques vendredi en me disant qu’au cours du Conseil de Défense réuni samedi, une réponse vive et forte allait être apportée. Or, il n’en a rien été. Par ailleurs, cela devient insupportable d’entendre un Premier ministre nous demandant d’être habitué à être assassiné. C’est indigne de sa fonction.
Plusieurs personnalités à droite, parmi lesquelles Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Christian Estrosi, Henri Guaino, etc. ont affirmé que l’attentat de Nice aurait pu être évité si le gouvernement avait fait davantage. Partagez-vous cet avis ?
Pas nécessairement pour être honnête, car je ne connais pas les mesures qui ont été prises à Nice ce soir-là. En revanche, ce dont je suis sûr, c’est qu’il est impératif d’éviter le prochain attentat. C’est précisément sur ce point que je dis que le gouvernement pêche par inconscience. Je pense notamment à tous les Français partis en Syrie et qui sont en train de revenir. Ces individus doivent être immédiatement arrêtés, placés en centre de rétention, le temps de tester leur dangerosité. Tant que nous n’arrêterons pas ces individus qui rentrent de Syrie, mais également les fichés S suspectés de radicalisation, et tant que nous ne les assignerons pas loin de leur environnement naturel, nous prenons un risque considérable. Il vaut mieux s’attaquer aux quelques milliers de personnes qui représentent un danger plutôt que de vouloir mettre un gendarme ou un militaire derrière chaque Français, ce qui est impossible. Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’incapacité du gouvernement à pouvoir anticiper de futurs attentats.
J’ai relu l’article 411-4 du Code pénal qui prévoit une peine de 30 ans de réclusion criminelle pour des actes d’intelligence avec l’ennemi, que celui-ci soit un Etat ou une organisation. Il convient donc de donner des instructions aux magistrats pour que les actes terroristes soient beaucoup plus sévèrement punis. Cet article existe bel et bien, son application peut être immédiate. De même, l’expulsion d’étrangers fichés S n’est pas compliquée puisqu’il s’agit d’une mesure administrative.
Au sujet des individus fichés S, de ceux de retour de Syrie et/ou condamnés pour terrorisme, il est question, dans vos propositions, d’ “arrestation préventive”, d’ “isolement”, de “rétention de sûreté”. Qu’en est-il du travail de déradicalisation ?
Arrêter quelqu’un qui revient de Syrie, où il a combattu, pour assassiner des Français n’est pas une arrestation “préventive”. Le gouvernement raconte n’importe quoi lorsqu’il dit qu’il ne peut pas arrêter ces individus. Nous sommes en guerre, les Français l’ont bien compris, mais pas le gouvernement. Nous n’avons pas besoin de pleureuses ou d’assistantes sociales, mais d‘un chef de guerre.
En l’état, la loi française permet-elle la mise en œuvre de l’ensemble des mesures que vous préconisez. Si non, que conviendrait-il de changer au préalable ?
Parmi les mesures que je propose, il y a une distinction à faire entre les mesures immédiates et celles qui nécessiteront plus de temps quant à leur application. Parmi les mesures immédiates figurent le contrôle des frontières et la suppression définitive de l’espace Schengen, l’arrestation des individus qui reviennent de Syrie au titre de l’article 411-4 du Code pénal, le recrutement de 10 000 personnes en tant que personnel administratif pour remplacer les policiers et les gendarmes en charge de tâches administratives. Former un policier prend plusieurs années alors que de nombreux étudiants en droit, actuellement au chômage, seraient ravis de travailler dans des commissariats pour réaliser des actes de procédure. De même, fermer les mosquées qui véhiculent un message de haine fait partie de ce que je considère être une mesure immédiate.
D’autres mesures que je préconise en revanche demandent d’aller plus loin, comme la mise en place d’une réclusion criminelle de 10 ans lorsqu’on détient des armes de guerre, l’aménagement de nouvelles places de prison, la réintroduction du bagne pour les djihadistes les plus dangereux, et surtout le recrutement des 70 000 militaires dont les postes ont été supprimés entre 2007 et 2014.
Parmi ces mesures, vous demandez un “véritable contrôle des frontières nationales”. Pensez-vous que l’espace Schengen facilite l’action des terroristes en France ?
C’est une évidence. Souvenez-vous du parcours des terroristes du Bataclan ! De plus, l’espace Schengen facilite notamment le trafic d’armes et la délinquance habituelle, terreau du terrorisme. Pour contrôler les migrations, il convient donc de contrôler les frontières. Nous pourrions d’ailleurs utiliser la réserve nationale. Enfin, je veux rétablir l’expulsion systématique des étrangers qui commettent des délits ou des crimes, inutilement appelée double peine, et malheureusement supprimée par Nicolas Sarkozy.
Ce dimanche, dans l’interview politique du JDD, Manuel Valls s’en est pris à ceux qui, à droite ont critiqué l’action gouvernementale suite au carnage de Nice, allant jusqu’à comparer la “dignité d’Anne Hidalgo après les attentats de janvier et de novembre et l’attitude de Christian Estrosi”. Que pensez-vous de ce procès en indignité fait à l’opposition par Manuel Valls, mais également François Hollande qui a affirmé que “le gouvernement fait bien son travail” ?
Cette attaque minable ne trompera personne. Comme le dit l’adage, la meilleure défense, c’est l’attaque. Le Premier ministre refuse de débattre des conditions permettant d’assurer la protection des Français. C’est un moyen pour le gouvernement de s’exonérer de ses responsabilités, ce qui est très grave. Aucun pays en Europe n’a connu autant d’échecs successifs. Le Premier ministre traite d’indignes les attaques à l’encontre du gouvernement, mais ce qui est indigne, c’est de ne pas se poser les bonnes questions liées à sa propre responsabilité.
Il profite aussi du fait que les Républicains, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ont très fortement réduit les effectifs des militaires et des forces de l’ordre, ce qui ne facilite pas la crédibilité de l’opposition.
Dans la poursuite des critiques formulés par le Premier ministre contre l’opposition, celui-ci met en garde contre le risque de “trumpisation des esprits” de certains à droite qui seraient tentés, selon un proche de François Hollande qui s’est confié au JDD, “d’en terminer avec la présence des immigrés et des musulmans.” Quel danger y-a-t-il, de la part du pouvoir, à vouloir mettre en opposition la droite dans le rôle du méchant et la gauche dans le rôle du gentil ? Pourquoi les responsables politiques ne parviennent-ils pas à abandonner cette vision manichéenne du monde ?
C’est une remarque ridicule. Encore une fois, il s’agit de s’exonérer de leurs propres responsabilités. La faiblesse de l’Etat, la lâcheté du gouvernement, son incapacité à prendre à bras le corps cette guerre peuvent nourrir demain des réactions très vives de la part de la population. Ce jeu entre le PS et les Républicains ne fera que dégoûter un peu plus les Français qui attendent de vraies réponses.
Pour revenir sur les propos rapportés par le JDD, je ne vois pas en quoi il est dangereux d’expulser les musulmans salafistes de notre territoire. Il n’y a que comme cela que les Français, quelles que soient leurs religions, pourront vivre sereinement en France. Cette critique de Manuel Valls est donc surréaliste.