Le ministère de l’Education nationale est devenu un bateau ivre sans pilote et sans équipage. Une première depuis sa création ! Guizot, Duruy, Ferry, nos grands ministres de l’Instruction publique du passé doivent se retourner dans leur tombe. Quant aux Chevènement, Lang et Ferry (l’autre), leur silence en dit malheureusement long sur l’état actuel de notre pays et d’une partie de ses élites. A la complaisance des uns s’ajoute en effet une hiérarchisation des priorités par les autres de la situation qui prête à discussion. N’avaient-ils pas dit eux-mêmes avec raison qu’il n’y avait rien de plus important que la jeunesse de notre pays car elle était son avenir ?
Mardi 10 juin, la démission d’Alain Boissinot, le président du Conseil supérieur des programmes (CSP), le jour même où ce conseil rendait public le socle commun des connaissances, des compétences et de culture destiné à tous les enfants jusqu’à leur entrée au lycée est révélatrice, d’autant plus qu’il avait été nommé en octobre dernier et que cette défection en suit de près une autre, celle du n° 3 du ministère, le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) qui avait claqué la porte de la rue de Grenelle avant même la nomination de son successeur. Fait sans précédent et camouflet inouï pour un ministre.
Du ministre, parlons-en. Après Vincent Peillon qui s’était préparé pendant des années à la tâche au sein du Parti socialiste et qui arrivait donc avec des idées toutes faites, des plans de bataille (que l’on s’imaginait mieux conçus) et une équipe de pédagogistes bardés de certitudes, voilà Benoît Hamon dont la légitimité en matière d’éducation est d’avoir milité au syndicat UNEF dans sa jeunesse. Les personnes les mieux disposées ajouteront tout de même qu’il dispose d’une licence en histoire et qu’il a deux petites filles scolarisées en maternelle et dans le primaire. On sait qu’un regard neuf peut parfois être salutaire et qu’une personne extérieure au sérail peut faire un grand ministre. Il faut toutefois que celle-ci en ait le talent et la volonté et qu’elle soit bien entourée.
Tel n’est malheureusement pas le cas. Benoît Hamon a amené avec lui, rue de Grenelle, le directeur de cabinet qu’il avait dans son précédent poste, Bertrand Gaume. Cet inspecteur général des Affaires sociales était certainement l’homme idéal pour s’occuper de l’économie sociale et solidaire et nous ne doutons pas qu’il forme avec son ministre un tandem tout aussi solidaire, mais il a pour seule légitimité en matière d’éducation… d’avoir milité avec lui dans sa jeunesse à l’UNEF. Le directeur-adjoint est traditionnellement un recteur ce qui s’explique par la nécessité que la plus grande machine ministérielle de France avec Bercy garde un contact étroit avec le sommet de la hiérarchie sur le terrain. Tel n’est plus également le cas. Le titulaire du poste, Bernard Lejeune n’est pas recteur, même s’il connaît bien les rouages déconcentrés du ministère pour avoir été pendant sept ans secrétaire général de deux académies et il a prouvé son manque de savoir-faire en étant l’un des maîtres d’œuvre du projet de baisse de rémunérations des professeurs de classes prépas, si abrupt et si mal ficelé qu’il restera dans les annales comme l’un des projets qui ont avorté de la façon la plus calamiteuse qui soit, avant même d’avoir vu le jour.
Un ministre de l’Education nationale prend généralement pour plus proche conseiller un membre de l’IGEN (Inspection générale) doté d’une forte expertise en matière pédagogique. Benoît Hamon a préféré choisir Ali Rabeh qui n’est autre que son ancien collaborateur au porte-parolat du PS et son ancien chef de cabinet à Bercy. Il n’a, lui non plus, aucune compétence particulière en éducation et, a fortiori, ne connaît pas les rouages très complexes du ministère. L’homme est titulaire d’un master en « carrières publiques et métiers du politique ». Comme Gaume, il a en revanche toute la confiance du ministre et pour cause : il l’a connu lors de leur militance commune aux Jeunesses socialistes. Le chef de cabinet, Alexander Grimaud est un énarque qui vient de la préfectorale avec pour adjoint l’inénarrable Thierry Marchal-Beck, ancien président des Jeunesses socialistes, comme l’avait été avant lui son ministre.
C’est à une jeune normalienne et énarque très prometteuse, Agathe Cagé, qu’a été confié le second degré, les programmes et l’évaluation des élèves. Responsabilité énorme et donc choix hasardeux… Un peu moins quand on sait qu’elle n’occupe que le onzième rang dans l’organigramme du cabinet, ce qui en dit malheureusement long sur la place désormais dévolue aux contenus. La pauvre est un peu perdue au milieu de conseillers sur les études et la prospective, sur la communication et la presse (sic), sur les relations avec le Parlement (re-sic), sur les affaires budgétaires, sur les rythmes scolaires (véritable guêpier dans lequel s’est fourré Peillon et dont n’arrive pas à sortir son successeur), sur le décrochage scolaire, sur le numérique éducatif ou encore sur la santé et sur le sport. Point de conseiller en charge des relations avec les syndicats en revanche…. Nul besoin ! C’est un secret de polichinelle que Benoît Hamon occupe lui-même la fonction. En effet, il a reçu pour mission essentielle du président de la République et du Premier ministre, de rétablir le lien avec ces derniers, et en particulier avec le puissant SNES, premier syndicat de l’enseignement secondaire, lien très fortement distendu par Peillon qui préférait le syndicalisme-maison et qui avait fait le choix d’une autre enseigne…
Ajoutons enfin que Geneviève Fioraso feue ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, aussi peu compétente dans ce domaine qu’Hamon l’est lui-même en matière d’Education a été conservée à la tête d’un secrétariat d’Etat pour donner le change, mais que son ministre de tutelle tire toutes les ficelles. Un décret paru en plein milieu du week end de la Pentecôte le montre éloquemment… Le nom et la signature de Geneviève Fioraso y apparaissent après ceux de onze ministres ! Dans ces conditions pas besoin de disserter sur son propre cabinet que nous avions d’ailleurs déjà évoqué dans de précédents articles pour dire tout le mal que nous en pensions…
Voilà à qui le sort de notre jeunesse est confié. Un premier train de mesures vient de voir le jour. Nous allons très vite vous en parler.
Eric Anceau
Délégué national à la Cohésion nationale et à l’assimilation