Les attentats de janvier dernier à Paris ont touché et ému l’immense majorité de nos compatriotes et les amis de la France partout dans le monde. Ils ont résonné comme une alarme stridente. Car ces attentats sont différents des actes terroristes perpétrés régulièrement sur notre sol. Ce sont des attaques, des actes de guerre. Ils n’avaient pas pour objectif de contester certains choix de politique intérieure ou étrangère de la France. Ils ont exprimé une volonté déterminée de détruire les fondements même de notre pays. Ce sont les valeurs de la République Française qui ont été agressées : la liberté, symbolisée par Charlie Hebdo, l’égalité, restée inaccessible aux frères Kouachi, la fraternité, martyrisée par l’assassinat de Français de confession juive. Parce qu’ils étaient juifs.
L’émotion passée, le diagnostic posé, notre pays doit désormais riposter à la hauteur de la menace. Il ne s’agit ni plus ni moins que de rendre ses forces à la République. (…)
Aussi, la mobilisation du 11 janvier dernier et l’unité nationale qui s’est exprimée à cette occasion ne seront vraiment utiles que si elles trouvent une prolongation dans l’action et dans la durée. La Réunion a une place particulière à tenir dans cette mobilisation générale. Parce qu’elle est la démonstration vivante que la France a un avenir.
Défendre nos libertés
La défense des libertés et la sécurisation de notre pays sont de la responsabilité pleine et entière du gouvernement. Sur ce point, il doit pouvoir compter sur le soutien sans faille de nos concitoyens. (…)
L’absence totale de perspective de paix en Palestine, le choix improbable entre dictatures « laïques » et « islamisme » au Moyen-Orient et dans une partie de l’Afrique, la guerre à nos portes entre la Russie et l’Ukraine, la divergence des politiques d’immigration au sein même de l’Union européenne, créent des situations insolubles à court et moyen terme. Le monde est devenu durablement dangereux et la France doit avant tout compter sur ses propres forces.
Alors que notre armée multiplie ses interventions à l’étranger, ses crédits doivent cesser dêtre les variables d’ajustement du budget de l’Etat. Pour mieux contrôler nos frontières, la suspension unilatérale des accords de Schengen est devenue indispensable.
Sur le plan judiciaire, les magistrats doivent pouvoir prononcer la déchéance de nationalité des binationaux engagés dans le « Djihad » tout comme l’incarcération et l’éloignement des Français qui y ont participé. (…)
Mais notre pays doit aussi se réconcilier avec une partie de lui-même, en traitant de nouveau tous ses enfants à égalité.
Rétablir l’égalité républicaine
N’en déplaise au Premier ministre, il n’existe pas d’apartheid en France, fort heureusement. Oser la comparaison avec l’Afrique du sud, c’est diviser davantage le pays. Alors que tout l’enjeu du moment est de rassembler.
En ce mois de janvier, si l’ennemi a pu nous frapper de l’intérieur, c’est aussi parce que nous ne sommes pas assez rassemblés. Le rassemblement suppose l’appropriation par tous de ce qui fonde notre vivre ensemble. C’est-à-dire la reconnaissance de la primauté des valeurs que doivent partager tous les membres de la communauté nationale sur nos propres intérêts et sur ceux des communautés d’origine. C’est aussi le sens de la laïcité. (…)
Car depuis plus de trente ans, nos dirigeants s’emploient consciencieusement à niveler les valeurs, les références, les préférences, au nom de la satisfaction des désirs individuels et des revendications communautaires, sans se soucier de la cohésion nationale. (…)
L’expression de la solidarité nationale ne se résume pas au versement d’allocations. C’était aussi le service militaire, véritable creuset républicain. C’est encore l’école publique qui doit en priorité instruire. (…)
L’expression de la solidarité nationale, ce doit être une action publique redevenue exemplaire, qui ne reconnait plus les passe-droits, récompense le mérite, démontre au quotidien que la République n’est pas composée d’individus « puissants ou misérables » mais de citoyens égaux, en droits et en devoirs. Affaiblir sans cesse la solidarité nationale, c’est encourager les inégalités sociales et territoriales. (…)
Cultiver la fraternité
La fraternité est la clef de voute de notre devise républicaine. Elle nous rappelle qu'«il n’est de richesse que d’Homme ». Que le respect de la condition humaine est la condition du vivre ensemble. Que la liberté ne peut pas s’exprimer sans la responsabilité. Que l’égalité ne doit pas aliéner la personnalité. Mais elle ne se décrète pas, elle se cultive. Depuis des siècles, le peuple français la cultive. Elle est ancrée dans notre identité collective parce qu’elle est l’héritage de notre histoire judéo-chrétienne. C’est par elle que tout esclave qui touchait le sol de France était automatiquement affranchi, dès le XIVème siècle. (…).
Elle est à la fois une aventure collective et un combat personnel permanent contre soi même. Elle force chacun de nous à se mettre à la place de l’autre. Elle est difficile à vivre dans nos sociétés modernes où l’individualisme fait passer « soi » systématiquement avant « les autres ». Mais elle reste pourtant indispensable. (…) Aussi, le moment est-il sans doute venu que La Réunion porte vraiment l’ambition de promouvoir au plan national le modèle de vivre ensemble réunionnais.
A l’abri des valeurs et des lois de la République, La Réunion construit un modèle de vivre-ensemble sans équivalent. En trois siècles, nous avons intégré sept vagues migratoires, venues de trois continents, faisant cohabiter cinq grandes religions et au moins autant de traditions culturelles.
Mobiliser les Réunionnais
Mieux qu’ailleurs, nous avons su apaiser et dépasser les souffrances et les divisions nées de l’esclavage et de l’engagisme. Le résultat est une île où aucune origine ethnique n’est majoritaire ou dominante. Les communautés existent. Mais la mixité est généralisée, dans toutes les catégories socio professionnelles et sur tout le territoire. Des tensions vis-à-vis des nouveaux arrivants sont perceptibles. Mais elles ne menacent l’équilibre d’aucun quartier. L’expression de la foi en Dieu est multiple. Mais elle contribue à rassembler les Réunionnais. Le territoire est frappé par une grande pauvreté et connaît des inégalités sociales criantes. Mais l’unité réunionnaise continue de progresser, sous l’effet du métissage ethnique et culturel. L’individualisme urbain gagne du terrain. Mais les solidarités locales et familiales traditionnelles résistent.
La société réunionnaise doit prendre pleinement conscience de la richesse exceptionnelle qu’elle représente. Notre modèle est un véritable antidote contre le poison de la division et de la haine. Aujourd’hui, ce poison essaie de se répandre en France. (…)
Le 11 janvier, la France a dit qu’elle refusait ce poison. Qu’elle voulait l’unité dans la diversité. Il est incontestable que La Réunion est la construction humaine française dont l’unité dans la diversité est la plus aboutie. Nous devons partager notre expérience avec tous les Français. Avec ceux qui ont fait « souche » comme avec ceux issus de l’immigration récente. Il ne s’agit pas de donner des leçons, juste de faire changer le regard sur l’autre, de faire tomber les préjugés, d’encourager l’ouverture d’espaces de partage et de dialogue.
Toute La Réunion doit s’engager : les responsables politiques, religieux, culturels et socio-économiques. Ils adhèrent tous à des organisations ou des réseaux nationaux. Les médias qui ont des relais hexagonaux. Chaque Réunionnais qui serait volontaire pour témoigner auprès de nos compatriotes métropolitains. Cette initiative réunionnaise pourrait prendre la forme d’une grande campagne d’information et de médiation, conduite par la société civile et soutenue par la puissance publique.
A l’heure où l’extrême droite progresse à chaque échéance électorale et dans chaque enquête d’opinion, l’enjeu d’une telle mobilisation est aussi vital pour La Réunion que pour la France entière. N’oublions pas que c’est la bienveillante protection apportée par la République qui a permis à notre vivre-ensemble d’émerger et de se développer. Il est probable qu’il serait l’une des premières victimes de la réussite d’un mouvement qui amènerait, une nouvelle fois, la France à capituler.