Nous sommes très peinés de constater que la Cour des Comptes, contrairement à la tradition de rigueur et d’impartialité républicaines qu’on lui connait, vient de publier un rapport sur notre système de santé, en particulier le rôle des médecins, qui ne peut qu’attiser les problèmes.
Les rédacteurs se sont-ils contentés d’un simple copier/coller d’un vieux pré-projet du plan Juppé de 1997.
Ce rapport hors-sol renvoie la juridiction française à la pire des analyses technocratiques, cherchant dans les médecins des boucs émissaire au lieu de s’inspirer et d’écouter les réalités du terrain propres à faire émerger des solutions constructives pour préserver le système de soin à la française, atout et fierté nationale.
Ce rapport étudie plusieurs fausses pistes qui ne peuvent que mener la réflexion collective dans l’impasse en faisant porter le poids des difficultés rencontrées par le système de soin français sur les personnels soignants, en particulier les médecins alors que ces derniers se démènent chaque jour pour faire vivre un idéal fragilisé par des décennies de mauvaise gestion des gouvernements successifs.
1/ La liberté d’installation ne peut être remise en cause, elle est l’un des fondements de la médecine à la française. Des mesures incitatives doivent évidemment être mises en place dans les zones les moins dotées en médecins et professionnels de santé (exonération de charges, consultations avancées en multi-sites, etc…).
2/ La proposition de la Cour des Comptes de demander aux médecins de travailler plus tard le soir et les WE serait risible si elle n’était pas tout simplement indécente et insultante. Les médecins travaillent au minimum entre 50 et 70 heures par semaine. Des systèmes de gardes et astreintes des professionnels libéraux sont déjà largement mis en place et régulés par les centres 15.
3/La rémunération à la performance est une piste intéressante de même que les systèmes de paiement aux résultats, mais les tarifs médicaux doivent correspondre au niveau de compétences et à la réalité économique.
4/Enfin, exiger à nouveau un “contrôle renforcé” des professionnels déjà bien “encadrés” (Conseil de l’Ordre, CPAM, ARS, Sociétés savantes et collèges de spécialistes…) par une nouvelle agence d’Etat énième usine à gaz est une mesure technocratique dévoreuse d’argent public.
En revanche il existe de nombreuses pistes d’économie plus intéressantes que la Cours omet comme un grand ménage à réaliser dans les médicaments inutiles, la suppression de l’AME pour les clandestins ou encore une gestion plus adaptée des Hôpitaux.
Il n’est pas pertinent de proposer des mesures éculées, inefficaces, qui ont fait la preuve de leur inefficience. Une réforme profonde est certes indispensable, le but est l’amélioration des soins tant sur le plan technique qu’humain. Tous les acteurs du système de santé doivent y participer dans un esprit constructif et sans culpabilisation.
Laurent Casbas
Délégué National à la Santé et au Bien-être