La France parle, le reste du monde agit. Il est loin le temps où Arnaud Montebourg prêtait sa verve à François Hollande pour prétendre relancer l'industrie française. On nous avait pourtant promis des grands projets et du patriotisme, un véritable changement de modèle en lieu et place du désastre de «l'économie sans usine» du croquemort Serge Tchuruk, ancien patron…d'Alcatel.
Las, les faits parlent pour eux. L'alternance socialiste n'a fait qu'allonger la litanie des champions industriels français bradés à l'étranger. Après l'acier d'Arcelor, l'aluminium de Pechiney, la chimie de Rhodia, c'est l'électricien Alstom, le cimentier Lafarge et maintenant le champion des télécoms Alcatel. Ce pillage systématique est aggravé par les pertes de contrôle de la France sur d'autres fleurons comme Peugeot ou par l'inaction suicidaire de l'État sur Areva dans la filière nucléaire.
En réalité rien n'a changé ici quand tout a changé ailleurs, notamment aux États-Unis. Par une ironie aussi tragique que révoltante, les projets de Nokia font suite au succès industriel atteint la semaine passée par le bourreau d'Alstom, l'américain General Electric: en seulement sept années, le conglomérat s'est débarrassé de toutes ses activités financières pour redevenir un géant d'une industrie de pointe relocalisée sur le sol national.
L'alternance socialiste n'a fait qu'allonger la litanie des champions industriels français bradés à l'étranger.
La voie que devait suivre la France était pourtant claire, elle disposait d'un très large soutien populaire. La crise avait montré que la reine-finance était nue, qu'une économie faite de bout de papier et d'algorithmes ne pouvait rivaliser sur le long-terme avec les réalités technologiques et géopolitiques d'une industrie nationale ouverte sur le monde mais bien gardée par un patriotisme vigilant et polymorphe.
Aux États Unis, la finance s'est alliée à l'industrie après l'avoir asservie. Les multinationales, des plus anciennes aux plus récentes, ont réinvesti le champ industriel, y compris par la prédation. La puissance monétaire des États-Unis a été mise au service d'une politique agressive d'acquisitions permise par les libéralités fiscales et monétaires de l'administration Obama. D'un côté la capitalisation des multinationales américaines et leur accès aux financements ont été boostés par la Banque Fédérale; de l'autre, leurs bénéfices ont été préservés pourvu qu'ils servent à investir ou à acquérir à l'étranger. Quant au protectionisme, il n'avait jamais quitté les frontières américaines.
Impuissantes, l'Union Européenne en général et la France en particulier n'ont mis en place aucun outil, aucune réglementation capable de réorienter leurs politiques industrielles, laissant nos fleurons totalement vulnérables aux attaques de leurs concurrents.
L'Union Européenne en général et la France en particulier n'ont mis en place aucun outil, aucune réglementation capable de réorienter leurs politiques industrielles, laissant nos fleurons totalement vulnérables aux attaques de leurs concurrents.
Le scénario est toujours le même. Une pépite française se remet juste des difficultés liées à la crise. Elle voit le bout du tunnel mais reste fragile. Une concurrente étrangère vient alors en prendre possession, généralement avec l'accord très intéressé du management, en prétendant la sauver. Le gouvernement socialiste commence alors sa comédie, exigeant des garanties sur la production et l'emploi qui n'ont pas plus de valeur que le communiqué de presse qui en fait acte. Parfois, on prétend former un futur champion européen, comme si une telle ambition se jouait spontanément à la corbeille des marchés financiers. La France se réveille finalement, dans les semaines, les mois, les années qui suivent avec la gueule de bois, le goût amer d'accords bafoués comme Alstom ou de sites rayés de la carte comme ArcelorMittal
Cette tragédie ne remet pas seulement en cause la reprise actuelle de l'économie française, elle compromet tout notre avenir économique. Dans l'ensemble des défis que devra relever la troisième révolution industrielle, la France possédait une longueur d'avance et des groupes disposant d'une taille critique suffisante. Qu'a fait Francois Hollande pour affronter la transition énergétique? Il a soldé Alstom. Que fait Francois Hollande face à la révolution numérique? Il vent Alcatel, sa maitrise des réseaux et de ses technologies.
Une loi est actuellement discutée devant le Parlement sur la sécurité nationale et le contrôle de de l'information. Qui peut prétendre contrôler quoi que ce soit en pleine indépendance quand les câbles, les antennes, les systèmes d'information qui ordonneront notre quotidien et nos instruments de défense dépendront du bon vouloir d'une puissance étrangère?
Qui peut prétendre contrôler quoi que ce soit en pleine indépendance quand les câbles, les antennes, les systèmes d'information qui ordonneront notre quotidien et nos instruments de défense dépendront du bon vouloir d'une puissance étrangère?
Quand aux champions européens qui ont cautionné ces pillages, ils sont déjà des chimères. Alstom n'est plus qu'une filiale américaine concurrente de Siemens et le champions des transports que la transaction devait créer est aux oubliettes. Ne parlons pas de Nokia, prétendu protecteur d'Alcatel qu'il achète avec l'argent americain, celui que Microsoft lui a donné contre la cession de toutes ses activités de téléphonie mobile. Son capital est toujours aussi fragile et n'est qu'une promesse d'une future prédation par l'américain Cisco ou le Chinois Huawei.
Si le pillage Alstom marquait une rupture dans notre perte de souveraineté industrielle, sans doute celui d'Alcatel plombe définitivement tout espoir d'une reprise industrielle rapide. Littéralement dépouillée de ses bras armés industriels, la France ne pourra reprendre espoir qu'en récupérant purement et simplement ses actifs perdus. Il n'est plus temps de parler de désindustrialisation. La France s'est désindustrialisée, victime d'une mondialisation qui n'est que l'excuse des lâchetés et de la duplicité d'une certaine élite: une bien étrange défaite.
Nicolas Dupont-Aignan
Jean-Philippe Tanguy