L’agression dont vient d’être victime une enseignante du lycée Edouard-Branly à Créteil, menacée avec une arme de poing (qui s’est heureusement avérée factice) et qui n’avait pas osé dans un premier temps porter plainte jusqu’à ce qu’elle découvre une vidéo de l’agression filmée avec un téléphone portable et diffusée sur les réseaux sociaux est exemplaire à plus d’un titre. Elle illustre à la fois le lien entre indiscipline et insécurité ainsi que le manque de soutien qui, quoiqu’en disent les “autorités”, est le lot commun de tous les enseignants. C’est l’anticipation de ce manque de soutien qui l’a retenue de signaler un “incident” que l’institution se serait empressée de minimiser ou d’étouffer. Ces dernières heures des milliers de tweets #PasDeVagues ont été émis par des enseignants confrontés à la triste réalité d’une institution qui les laisse démunis face aux incivilités et aux violences.
Tout cela n’est évidemment pas dû au hasard, mais remonte aux années suivant 1968, où le slogan “il est interdit d’interdire” a rapidement trouvé son application pratique dans les lycées. Dans la foulée de mai 68 ont donc disparu censeur et surveillant général avec l’invention dès 1970 du “Conseiller Principal d’Éducation” dont le titre constitue à lui seul tout un programme: désormais on “conseillera”, et surtout on ne fera pas preuve d’autorité !
Entendons-nous bien sur le terme “autorité”.
Il y a bien sûr l’autorité personnelle du professeur qui provient à la fois de son savoir et de la façon dont il le transmet, mais il y a surtout l’autorité de l’institution. Lorsque celle-ci semble avoir renoncé à l’exercer, le climat ainsi créé nuit à la transmission du savoir et à l’autorité du professeur face à certains élèves qui se croient autorisés à toutes les transgressions. La question qui se pose dès lors est “comment rétablir un climat de travail?”.
D’abord, il faut un responsable unique au niveau de chaque établissement. Ce responsable sera chargé de veiller :
– au respect par tous des règles de comportement définies au niveau national et au niveau de l’établissement
– à la sécurité des personnes et des biens Il ne s’agit donc pas de restaurer le censeur ou le surveillant général, mais d’instituer un véritable responsable adapté aux défis actuels que constituent l’absence d’autorité et la délinquance au sein même des établissements scolaires ou dans leurs abords immédiats. Ce responsable, appelons-le “superviseur”, ne doit donc pas être issu de l’Éducation Nationale, mais de la police ou de la gendarmerie. La discipline et la sécurité sont évidemment l’affaire de tous les personnels, enseignants ou non-enseignants, qui doivent être autorisés à déférer directement un élève devant le superviseur en cas de manquement.
Ensuite, il faut pouvoir éloigner durablement un élève perturbateur qui a commis des actes graves en prononçant des mesures d’éloignement à plus de 100 kilomètres de l’établissement d’origine. En parallèle avec une réforme de la justice des mineurs, il faut également inscrire dans la loi l’obligation pour le conseil de discipline statuant sur des actes pénalement condamnables de transmettre systématiquement au procureur de la République afin que des poursuites pénales soient effectivement engagées.
La dérisoire proposition que vient de faire Monsieur Blanquer d’interdire les téléphones portables n’est évidemment pas à la hauteur de la situation catastrophique dans laquelle cinquante années de laxisme nous ont plongés.
Marc Chapuis
Délégué National à l’Instruction Publique