Ministre de l’Education nationale depuis deux mois, Benoît Hamon n’a pas pris la mesure de sa charge et se montre totalement dépassé par les événements. La veille du jour où il devait donner l’orientation pour les programmes de la maternelle au collège, lundi 9 juin, le président du Conseil supérieur des programmes (CSP), Alain Boissinot démissionnait. Ce départ a une explication simple : l’incapacité du ministre à trancher la guerre entre les « républicains » et les « pédagogues » pour définir ce que tout jeune Français est supposé savoir à seize ans lorsqu’il s’apprête à quitter le collège.
C’est que le ministre ne doit surtout pas faire de vagues et ramener le calme dans un corps enseignant majoritairement à gauche, passablement irrité par la politique de son prédécesseur, Vincent Peillon, mais aussi très divisé entre syndicats de « pédagogues » et syndicats de « républicains » . Qui pâtira au premier chef de cette indécision ? La jeunesse. Le « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » qui vient d’être publié et qui doit remplacer le précédent, mis en place par la loi Fillon de 2005, est très significatif. Il s’agit, rappelons-le, d’un service minimum de l’éducation qui place, à côté des connaissances, fondement de l'instruction, les compétences, notion plus floue issue de la pensée pédagogiste, selon laquelle les élèves doivent « construire leurs propres savoirs ». Là où la loi de 2005 faisait encore de l'apprentissage des contenus la priorité, une étape supplémentaire est franchie avec ce nouveau socle qui précède les futurs programmes scolaires et doit en donner l’esprit. Dans sa vingtaine de pages, il regorge de bons sentiments et se caractérise par la langue de bois et le flou artistique.
Le français n’y est plus discipline à part entière, mais relève des « langages » dont toutes les disciplines contribuent à l’acquisition. Quant aux mathématiques, elles vont se nicher, elles aussi, dans toutes les autres disciplines et en particulier dans l’observation de la nature. Le jeune « exprime ses sensations et ses émotions par des productions littéraires et artistiques, et pratique, sous des formes diverses, la fonction poétique du langage ». Quelle génération spontanée de génies nous prépare-t-on avec de si belles paroles ! Cependant, pour essayer de rassurer un peu les partisans de l’école républicaine traditionnelle, les « connaissances » l’emportent nettement en occurrences (26) sur la culture et le culturel (7) et sur les compétences (3).
Enfin un nouveau Graal émerge. Il est destiné à réconcilier tout le monde puisqu’il s’appelle modernité. Entendez l’éducation aux médias, à l’information et aux nouvelles technologies qui les accompagnent. Nos enfants ne sauront peut-être plus écrire, compter et surtout réfléchir, mais ils sauront aller chercher une information toute prête sur la toile. Enfin s’agissant de l’évaluation, le texte ne s’avance guère plus. Il faut faire « évoluer le dispositif existant vers une situation plus satisfaisante » (sic) ! La question de la suppression du brevet des collèges (DNB) qui est dans l’air mais qui divise les syndicats de gauche est réservée. On aura compris que ce qui guide au premier chef le ministre ce n’est pas ici l’intérêt des enfants. Les programmes détaillés attendront l’année 2016 avant d’être publiés et la rentrée suivante avant d’être appliqués. D’ici là beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts et nous serons à quelques mois de la présidentielle, … si le calendrier électoral est lui-même respecté.
Eric Anceau
Responsable du projet de DLR
Délégué national à la cohésion nationale et à l’assimilation