Le 18 septembre dernier, le Conseil d’Etat a examiné la demande de l’association OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs) qui souhaitait rendre obligatoire l’étourdissement avant ou immédiatement après l’égorgement des bovins prévu dans le cadre de l’abattage rituel. Elle faisait suite aux recommandations du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux qui avait suggéré en 2016 au ministre de l’époque de pratiquer l’étourdissement avant ou juste après l’égorgement pour éviter les souffrances de l’animal.
Il fallait pour cela ne plus appliquer la dérogation européenne qui autorise l’égorgement sans étourdissement uniquement dans le cadre de l’abattage rituel, pour le halal et le casher. Des pays membres de l’Union Européenne, comme la Belgique, ont fait ce choix.
Le 4 octobre dernier, le Conseil d’Etat a préféré s’appuyer sur les normes européennes et débouter OABA. Il affirme en effet que le droit européen rend « l’obligation d’étourdissement des animaux inapplicable aux abattages prescrits selon des rites religieux » et que d’après le droit national et plus précisément le Code Rural, cette méthode « ne peut être regardée comme autorisant des mauvais traitements envers les animaux ». En bref, circulez, il n’y a rien à voir ! En renvoyant la balle au droit européen, le Conseil d’Etat refuse de facto de reconnaître que même si les normes européennes autorisent ces pratiques, les souffrances animales infligées lors de l’égorgement sans étourdissement sont telles qu’il faut changer la loi en France pour leur garantir une mort la moins douloureuse possible.
En effet, parce que c’est avant tout de cela dont il est question, l’égorgement à vif provoque une lente agonie pour l’animal qui se vide lentement de son sang tout en ayant pleinement conscience de ce qu’il lui arrive. Cela peut prendre jusqu’à 14 minutes pour un bovin. Lors de l’incision de la gorge, le stress entraîne parfois des régurgitations du contenu de l’estomac par l’œsophage, qui se trouve juste à côté de la trachée. Cette dernière aspire donc des matières souillées de germes comme Escherichia Coli, qui représentent un risque sanitaire pour les futurs consommateurs. On estime que 40% des bovins et 60% des ovins sont abattus de façon rituelle, ce qui signifie qu’une partie de cette viande se retrouve dans le circuit classique, sans que le consommateur en soit informé. Les français ont quand même le droit de savoir ce qu’il y a dans leur assiette ! Si l’étiquetage des conditions d’abattage était mis en place, ce que nous préconisons à Debout La France, les français feraient leur choix en conscience et se rendraient compte du volume de viande abattue de façon rituelle qui s’écoule dans le marché. On estime en effet que la viande halal ou casher devrait correspondre à environ 10% des abattages totaux.
Mais revenons au sujet initial, qui est la complaisance des autorités compétentes envers certaines communautés. En reconnaissant qu’il faut étourdir préalablement les animaux pour limiter les souffrances animales tout en autorisant une dérogation uniquement pour l’abattage rituel, l’Union Européenne fait preuve d’hypocrisie et se trahit alors que le vieux continent est sans doute celui qui a le plus pris conscience de l’importance du bien-être animal au sein de nos sociétés. Par ailleurs, l’OABA avait il y a quelques mois saisi la Cour de justice de l’Union Européenne au sujet du halal bio qui tendait à se développer. La justice européenne avait alors estimé que le label de production biologique européen ne pouvait pas s’appliquer à des viandes issues de l’abattage rituel sans étourdissement préalable au nom du bien-être animal. On constate alors que l’Union Européenne comme la France marchent sur des œufs lorsqu’il s’agit d’évoquer ce sujet.
Lorsqu’en 2017, un député avait proposé d’imposer la vidéosurveillance dans les abattoirs afin de limiter les actes de maltraitance et vérifier que les gestes étaient correctement exécutés ( notamment dans le cadre de l’abattage rituel ), la majorité LREM avait rejeté l’amendement. Il avait été décidé que seuls les abattoirs volontaires pouvaient installer la vidéosurveillance. Résultat, d’après OABA, aucun abattoir n’a à ce jour mis en place d’expérimentation en installant des caméras.
On le comprend, ce qui manque avant tout à ce dossier, c’est du courage politique.
Quelques parlementaires dont Nicolas Dupont-Aignan ont agi pour demander au moins l’étiquetage des conditions d’abattage en attendant les négociations avec les cultes pour trouver une solution qui respecte à la fois les traditions et le bien-être animal. Mais tant que la majorité gouvernementale fermera les yeux sur ces pratiques par compromission avec un certain électorat et pour ne pas froisser ceux qui ont fait du halal un véritable business ( pour rappel, on estime ce que marché pèserait entre 5 et 7 milliards d’euro par an ), les chances de faire évoluer ces pratiques restent minces.
En attendant, grâce au Conseil d’Etat, les défenseurs de ces pratiques barbares peuvent crier victoire, l’égorgement sans étourdissement sera encore pratiqué dans nos abattoirs. Pour combien de temps ?
Anne-Sophie Frigout, Vice-présidente de Debout La France, Déléguée nationale en charge de la dignité animale.