Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Signe de compassion, message de sympathie, témoignage de solidarité, promesse qu’il serait fait prompte et bonne justice d’un policier brutal, apparemment indigne de l’uniforme qu’il porte et de la fonction qu’il exerce… Oui, François Hollande était pleinement dans son rôle lorsque, toutes affaires cessantes, il a rendu visite, l’autre jour, sur son lit d’hôpital, au jeune Théo, victime, le 2 février dernier, d’un geste inqualifiable, inexcusable et intolérable. On aimerait, pour une fois, créditer d’un bon point, sans réserve et sans restriction, ce sous-chef d’Etat dont le parcours, depuis cinq ans, ressemble à un slalom géant où un skieur débutant aurait enfoncé indifféremment portes ouvertes et fenêtres de tir, accumulé fautes de goût et fautes de carre.
Hélas, cette fois encore, on ne peut donner quitus à un président de la République, encore plus bancal que normal qui, depuis le 6 octobre 2016, n’a pas trouvé un moment, entre un match de foot, une projection privée et un voyage exotique, pour accourir au chevet du courageux fonctionnaire de police qui a failli périr, brûlé vif, dans le guet-apens que lui avait tendu, à Viry-Chatillon, une bande de voyous dont l’équipée sauvage, par chance, n’a pas entraîné la mort qu’ils avaient l’intention de lui donner.
Deux poids, deux mesures. Faudrait-il en conclure qu’aux yeux du chef de l’Etat, le geste aberrant du policier d’Aulnay-sous-bois serait emblématique du comportement ordinaire de la police et qu’en revanche l’agression de la Grande-Borne serait un fait-divers isolé, sans gravité et sans signification ? Peut-on à ce point être à ce point déconnecté de la réalité ? Peut-on à ce point méconnaître les devoirs de sa charge ? Peut-on à ce point ignorer et mépriser la discipline, le courage, l’abnégation, le dévouement exemplaires dont font preuve jour après jour, nuit après nuit, en première ligne sur le front brûlant de la société, des dizaines de milliers de gardiens de la paix civile et sociale, gendarmes, policiers, pompiers, injuriés, insultés, menacés, attaqués, caillassés, blessés, dans l’accomplissement de tâches aussi difficiles qu’indispensables? Peut-on à ce point sous-estimer et nier le contexte de haine et le climat d’impunité dans lequel baignent, grandissent et s’épanouissent la délinquance et le crime, dans ce pays, notre France, en ce début du XXIe siècle ?
On a vu une fois encore, bons esprits et belles âmes, intellectuels des beaux quartiers, si généreux en nobles paroles, artistes fortunés, si prodigues en générosité verbale, chercher, trouver et avancer mille circonstances atténuantes au déferlement de violences qui, comme il est désormais de règle, se sont répandues comme une traînée de poudre, de cité en cité, de banlieue en banlieue, à la suite de la faute commise par un seul homme, dans la nuit d’Aulnay-sous-bois. En quoi ces maisons de la culture saccagées, ces gares vandalisées, ces poubelles brûlées, ces centaines de voitures incendiées constitueraient-elles une réponse appropriée à l’injustice dénoncée dans une affaire qui n’est encore ni totalement élucidée ni, moins encore, jugée ? Mais au-delà, quelle est cette conception déformée, pour ne pas dire déviante, de la société où les défenseurs de l’ordre et les fauteurs du désordre, où ceux sans qui la vie ne serait pas possible et ceux qui font de leur mieux pour nous la gâcher sont mis sur le même pied, renvoyés dos à dos, traités comme deux équipes rivales auxquelles tous les coups seraient également permis ou également interdits ? Comment en sommes-nous arrivés là, comment un nombre sans cesse grandissant de dupes ou de complices en sont-ils venus à nourrir puis à afficher une tendresse de moins en moins dissimulée pour les lascars à cagoule et à capuche et à clamer que « tout le monde déteste la police » ?
Au-delà d’un incident de plus, d’un incident de trop, voyons les choses d’un peu plus haut, et regardons la vérité en face. La vérité est que, depuis des décennies, depuis les incidents précurseurs de Vaux-en-Velin et des Minguettes, depuis les émeutes de 2005, les dirigeants qui se sont succédé à la tête de l’Etat, de droite comme de gauche, n’ont rien fait pour reprendre la main et le contrôle sur des territoires et des générations abandonnés par la République, sur des zones de non-droit soumises à la seule loi des hors-la-loi en tous genres, qu’ils ont été incapables d’assurer aux uns – la population et notamment la jeunesse des cités – des conditions décentes de vie, de logement, de transport, d’éducation, d’association au reste de la société, et de fournir aux autres – la police, les divers services publics, – les moyens, la protection, le soutien sans lesquels ils ne peuvent faire face à leurs obligations.
Le constat, à la lumière de l’actualité la plus récente, est accablant. Au sommet de l’Etat, à la tête du gouvernement, à la direction du maintien de l’ordre, président, ministres, hauts fonctionnaires ne sont plus que les témoins déboussolés et impuissants d’une situation qui les dépasse, les spectateurs tétanisés et terrorisés de ce jeu vidéo pour de vrai qui oppose policiers et racailles, ne sachant pas plus encourager, féliciter, honorer les premiers que se faire respecter par les seconds, craignant aussi bien de sanctionner sans indulgence les fautes des uns que de réprimer sans faiblesse les débordement des autres. Les divers titulaires de ce que l’on appelle par habitude les pouvoirs publics, démissionnaires de fait, usurpent une autorité qu’ils sont incapables d’incarner. Les vrais coupables, ce sont eux. Il n’est que temps que cela change.