Eric Zemmour poursuivi en justice ? Zemmour est volontiers polémique et c’est le lot des polémistes, depuis toujours, de s’attirer des procès comme les grands arbres attirent la foudre. Eric Zemmour poursuivi par SOS Racisme ? Rien d’étonnant là non plus. Ce n’est pas d’aujourd’hui que partis politiques « de gauche », associations parapolitiques toujours promptes, derrière le paravent de l’humanitaire, à dénoncer et au besoin à inventer la « fachosphère », confrères confraternellement jaloux et gens comme il faut poursuivent de leur vindicte et guettent au tournant le talentueux chroniqueur du Figaro et de RTL. Mais Eric Zemmour poursuivi pour « apologie du terrorisme » ? Il y a de quoi, au choix, tomber de l’armoire ou de sa chaise. A moins, bien sûr, qu’Eric Zemmour soit subitement passé de l’islamophobie au djihadisme, qu’il se soit converti puis radicalisé en l’espace d’une nuit… Il paraît que ce genre de processus est extrêmement rapide. Mais à ce point !
Naturellement, il n’en est rien. Quelques lignes, extraites d’une interview donnée par le journaliste au magazine Causeur, ont offert à la meute le prétexte qu’elle cherchait pour se lancer sur ses traces et aboyer à ses chausses. A l’interviewer qui qualifiait les terroristes islamistes d’ « esprits faibles » et d’ « abrutis », Zemmour a rétorqué que ce jugement lui semblait sommaire et que pour sa part, il respectait « les djihadistes « prêts à mourir pour ce en quoi ils croient –ce dont nous ne sommes plus capables….Quand des gens agissent parce qu’ils pensent que leurs morts le leur demandent, il y a quelque chose de respectable… »
Il faut bien entendu une bonne dose de mauvaise foi pour voir dans ce propos une quelconque « apologie du terrorisme », qui serait plus que surprenante dans la bouche d’un homme qui ne cesse depuis des années de stigmatiser l’islamisme – et même l’islam – avec une courageuse véhémence., et les plaignants peuvent d’ores et déjà s’attendre à perdre leur procès. Mais la bonne foi n’est pas la chose du monde la mieux partagée dans la France contemporaine.
L’erreur de Zemmour – car erreur il y a – a été de ne pas assortir cette surprenante déclaration de « respect » d’une explication ou d’un développement qui l’auraient remise en perspective. Il est parfaitement exact – c’est l’un des éléments, non le moindre ni le moins préoccupant, du problème – que la plupart des djihadistes ( une notable exception étant celle du dénommé Abdeslam, qui voulait bien tuer mais n’avait pas envie de mourir) sont de modernes volontaires de la mort, des kamikazes, et c’est particulièrement vrai de ceux qui, ayant grossi les forces et rejoint le territoire du prétendu Etat islamique, défient depuis deux ans les avions, les chars, les missiles et les offensives d’une coalition infiniment supérieure par l’armement et les effectifs mais moralement moins déterminée.
Pour autant, quel « respect » méritent les affidés d’une idéologie sectaire, régressive, mortifère, qui fait d’eux par destination des robots fanatiques, des tortionnaires, des assassins, des Barbares ? Il est vrai qu’ils font tête à l’ennemi avec la même énergie, avec la même farouche volonté que des bêtes féroces, mais comment « respecter » des êtres humains qui se sont retranchés de la communauté humaine et qui, s’ils sont effectivement prêts à sacrifier leur vie, font si bon marché de la vie des autres ? Courageux, et pourtant lâches, car s’il y a du courage à affronter la mort au combat, la lâcheté est innommable qui les porte à ne respecter ni la vie ni l’humanité ni l’innocence et à coucher sur le pavé ou à égorger indistinctement vieillards et jeunes gens, femmes et enfants ?
Zemmour a parlé en froid logicien, et pris de la hauteur, ou de la distance, alors que nous sommes encore au cœur de la mêlée, et que la passion l’emporte si facilement sur la raison et les pulsions sur l’objectivité. C’est la faille que tentent d’exploiter misérablement ceux qui l’attendaient à la faute. Nous ne nous joindrons pas à la meute, ni à la rédaction de RTL qui a saisi l’occasion inespérée de se désolidariser de l’une de ses vedettes, ni à la direction de la station qui s’est dite courageusement « consternée » des propos de son éditorialiste.
François Mitterrand, le 8 mai 1995, devant le Bundestag médusé, avait fait sensation en rendant un hommage appuyé aux soldats allemands qui, si nombreux étaient allés au-devant de la mort. « Ils étaient courageux », avait-il affirmé. Mais il n’avait pas omis d’ajouter « pour une cause mauvaise. » Et puis, à deux jours de la fin de son second septennat, le président de la République d’alors n’avait plus rien à perdre.